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"Les rapports entre Cluny et Citeaux au XIIème siècle", une conférence de Gérard Beureux pour la SAHC
Par Christaldesaintmarc dans -La Société Archéologique et Historique du Châtillonnais le 9 Mars 2022 à 06:00François Poillotte, Président de la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais (SAHC) a présenté au public venu nombreux , Gérard Beureux, Président de l'association "Renaissance de l'Abbaye de Clairvaux".
La conférence de Gérard Beureux a présenté ce qui a semblé opposer au XIIème siècle les monachismes clunisien et cistercien, car les premiers abbés de Cîteaux, puis saint Bernard lui-même, n'avaient pas les mêmes convictions que Pierre le Vénérable, abbé de Cluny.
Gérard Beureux a, tout d'abord, présenté la règle de saint Benoît qui inspira le monachisme occidental.
Cette règle équilibre la vie spirituelle : prière, ascèse, chasteté, pauvreté, culture intellectuelle et travail manuel.
Cette règle fut adaptée par Benoît d'Aniane (qui fut moine à l'abbaye de Saint-Seine entre Châtillon et Dijon) et acceptée en 817 à Aix la Chapelle.
Les abbayes de Citeaux et de Cluny n'appliquèrent pas cette règle de la même façon, c'est ce qui alimenta une controverse entre les clunysiens et les cisterciens.
Gérard Beureux a présenté tout d'abord l'abbaye de Citeaux qui fut fondée par Robert de Molesme.
L'abbaye de Citeaux
Robert, né à Troyes fut abbé à Montier-la- Celle, puis à Tonnerre. Il avait une vision critique des monachismes et désirait appliquer la règle de saint Benoît dans toute son austérité.
Il obtint du pape l'autorisation de créer en 1075, une abbaye à Molesme dans le but d'appliquer la stricte règle de saint Benoît.
Mais peu à peu, les dons des puissants affluèrent à l'abbaye, les donateurs devinrent trop présents, demandant des prières , ces dernières occupant la totalité du temps.
Robert désirant revenir à la règle initiale se retira en ermite quelque temps dans la forêt de Collan, où il rencontra Albéric
Il décida de créer une autre abbaye dans la plaine dijonnaise, dans un lieu appelé "cistelles", une abbaye qui appliquerait la stricte règle de saint Benoît et serait dédiée à Notre-Dame.
Cette abbaye, créée par Robert de Molesme et 30 de ses compagnons en 1098, se nomma l'abbaye de Citeaux, son ordre strict devint "cistercien".
Les moines de Molesme, privés de leur Abbé, se plaignirent au Pape et ce dernier obligea Robert à revenir à Molesme.
Cette statue photographiée dans l'église sainte Madeleine de Troyes montre Robert et les deux abbayes qu'il a créées : Molesme et Citeaux :
Robert, contraint de revenir à Molesme, céda sa place d'abbé à Albéric.
Peu de temps après, Bernard de Fontaine, parti de Châtillon avec trente compagnons, arriva à Citeaux, et ainsi l'effectif des moines fut triplé.
Il fallut donc créer d'autres abbayes cisterciennes qui seront les premières "filles" de Citeaux.
Ce seront : La Ferté (1113), Pontigny (1114) , Clairvaux (1115) et Morimond (1115)
Afin de retrouver dans toutes les fondations la même interprétation de la règle bénédictine du VIe siècle, Étienne Harding, troisième abbé et successeur d'Albéric, en collaboration avec les quatre abbés des premières filles et ses moines, rédigea le texte constitutionnel fondamental de l’Ordre de Cîteaux, la Carta Caritatis, la Charte de charité.
Les trois premiers abbés de Citeaux , Robert Albéric et Etienne Harding :
La Carta Caritaris établit un lien de charité et d'entraide entre chaque maison et inclut diverses mesures d'observance.
L'abbaye de Clairvaux fut fondée par Bernard de Fontaine, qui y appliqua la stricte règle de saint Benoît et la Charte de Charité.
Gérard Beureux a évoqué ensuite l'abbaye de Cluny.
L'abbaye de Cluny
L'abbaye de Cluny fut fondée par le Comte de Macon, Guillaume 1er duc d'Aquitaine et comte d'Auvergne. Elle fut placée sous l'autorité du Pape.
L'abbaye fut créée en 910 par Bernon, un abbé venant de Baume les Messieurs.
Guillaume 1er permit à l'abbé d'être choisi par les moines et mit l'abbaye sous la protection du pape , Serge III à l'époque.
De ce fait Cluny devint une abbaye "immunitaire" c'est à dire non dépendante de l'évêque et des seigneurs de la région.
L'abbaye de Cluny connut des constructions successives, la première par Bernon en 610, la seconde par Maïeul de Cluny en 1035-1040, la troisième par Hugues de Semur (en Brionnais) en 1080. Elle fut achevée en 1220.
(Hugues de Semur)
Gérard Beureux nous a révélé que l'abbaye de Cluny était à cette époque le plus grand édifice religieux d'occident . Elle le resta jusqu'à la construction de la basilique saint-Pierre de Rome.
L'abbatiat de Pons de Melgueil fut marqué par des crises internes : il démissionna, mais tenta de revenir après de nombreuses péripéties à Cluny, Finalement le pape le fit emprisonner.
Son successeur Hugues II mourut rapidement et fut remplacé par Pierre de Montboissier que l'on appela Pierre le Vénérable.
C'est sous cet abbatiat qu'éclata une controverse entre Bernard de Clairvaux et Pierre le Vénérable.
La controverse :
Bernard, abbé de Clairvaux, fut très contrarié lorsqu'un de ses cousins qui était moine dans son abbaye, la délaissa pour se faire moine à Cluny, débauché par Matthieu d'Albano * (cardinal qui avait été l'artisan de la déchéance de Pons de Mergueil)
Très fâché, Bernard écrivit une lettre à son cousin Robert où il accumulait les récriminations sur l'abbaye de Cluny.
Cette lettre fut écrite sous une pluie battante...mais miraculeusement ne fut pas mouillée. On l'appela "la lettre sous la pluie".
La lire en cliquant sur ce lien :
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/it/ebp.htm
Cette lettre n'obtenant pas de réponse, Guillaume de Saint-Thierry conseilla à Bernard de Clairvaux d' (vulgairement parlant ) "en remettre une couche".
Bernard rédigea alors une seconde lettre en latin, nommée "Apologie à Guillaume de Saint-Thierry, " où il dénonça par exemple les murs couverts d'or de l'abbaye de Cluny, la somptuosité des vêtements, l'abondance des repas etc......
Pour lui, l'abbaye de Cluny n'appliquait pas totalement la règle de saint Benoît qui, rappelons-le, oblige les moines à la pauvreté et à l'ascèse.
A lire en cliquant sur ce lien (chapitre VIII particulièrement)
https://fr.wikisource.org/wiki/Apologie_%C3%A0_Guillaume_de_Saint-Thierry
Pierre le Vénérable défendit la modernité , il prétendit qu'il fallait faire évoluer le monachisme.
Il faut se souvenir, nous dit Gérard Beureux, que l'abbaye de Cluny était une abbaye "immunitaire", l'évêque et les seigneurs n'avaient aucun droit sur elle, seulement le pape, ce qui laissait aux moines une certaine liberté, et l'abbaye pouvait s'enrichir à loisir.
Pierre le Vénérable, au grand dam de Bernard de Clairvaux, avait déjà fait un petit scandale en accueillant à Cluny Abélard qui s'était opposé violemment à Bernard de Clairvaux au concile de Sens.
Heureusement le conflit s'apaisa...chacun fit preuve d'humilité.
Mais curieusement, après la mort de Bernard, les moines de Clairvaux s'enrichirent...comme ceux de Cluny !!
En 1708, grâce à un patrimoine considérable, l'abbé de Clairvaux construisit de nouveaux bâtiments dans un style somptueux qui n'avait plus rien à voir avec l'austérité des origines....
Gérard Beureux fut très applaudi pour cette conférence extrêmement enrichissante.
Il répondit ensuite à quelques questions concernant, par exemple l'ordre des "Trappistes" qui observent toujours la "Stricte Observance"
*Matthieu d'Albano (✝1134) fut un moine bénédictin, cardinal et légat pontifical. Il représenta notamment le pape au concile de Troyes de 1129, au cours duquel fut officiellement reconnu l'Ordre du Temple que soutenait Bernard de Clairvaux.
Gérard Beureux était venu en 2013 , sous les auspices de l'Association Culturelle Châtillonnaise, présenter une très belle conférence sur les fondateurs de l'ordre Cistercien, de Robert de Molesme à Bernard de Clairvaux, à consulter ici :
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Commentaires
çà va être sûrement intéressant. J'attends le résumé. Merci