• L'EUROPE de 1929-1939 : De crise en crise jusqu’à la guerre

     L’an passé, lors de sa dernière intervention Robert Fries nous avait raconté la crise financière de 1929 et décrit la prise de pouvoir par Hitler.

    Aujourd’hui, il nous parle des crises diplomatiques qui de 1929 à 1939 ont conduit à la Seconde Guerre mondiale en nous proposant  le plan suivant :

    -Quelques remarques générales sur la situation politique en Europe.

    -Orientations des politiques étrangères des grands pays

    -Présentation des crises successives

    -Deux événements fixent la toile de fond qui sert de décor à la vie diplomatique : le traité de Versailles qui a mis fin à la Première Guerre mondiale et la crise financière de 1929.

    L'étude historique de Robert Fries est remarquable, c'est une superbe leçon d'Histoire qu'il nous offre.

    Je la publierai en cinq parties, cinq mercredis de suite.

    Merci à lui pour le don généreux de son texte.

    Première partie

     Le traité a redessiné la carte de l’Europe

    dans le respect théorique des « nationalités », ainsi que le souhaitait Wilson, le Président des Etats-Unis.

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1)

    En réalité tous les nouveaux Etats comprennent des minorités qui n’ont pas été consultées et qui n’auront de cesse de clamer leur mal-être. 

    L’Allemagne et l’Autriche-Hongrie sont considérés comme responsables de la guerre.  Les deux pays sont punis : ils sont abaissés, comme le voulait Clemenceau.  Ils doivent payer des réparations. 

    L’Autriche est réduite à ses territoires germanophones sans avoir pour autant le droit de se réunir à la nouvelle Allemagne ; l’Allemagne ne peut disposer d’une armée à la hauteur de sa puissance démographique et économique ; elle estime avoir perdu une partie de sa souveraineté. 

    D’où un sentiment d’humiliation imméritée,qui apparait par exemple dans le courant artistique de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit) et que les populistes sauront exploiter.

    L’Italie fait partie des puissances victorieuses, mais pour elle, c’est une « victoire mutilée ». 

    Les promesses du traité de Londres (1915) préalables à son entrée en guerre aux côtés des Alliés, n’ont pas été tenues.  Elle n’a pas reçu une partie des côtes dalmates. Son honneur a été foulé aux pieds.  Mussolini cherchera à rétablir le prestige de son pays.

     La Ligue des Nations dont la mission est de régler les conflits par arbitrage, n’a ni le pouvoir – les sanctions sont le résultat de compromis - ni les moyens – force armée - d’imposer ses décisions.

    La crise financière a frappé en premier lieu les pays dont l’économie repose, en partie à tout le moins, sur le commerce international et la finance. 

    C’est le cas de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

    Le chômage persistant entraine une droitisation, antiparlementaire et volontiers nationaliste,de l’électorat - on fait plus confiance à la solidarité de la nation aux accents patriotiques qu’à la solidarité de classe au travers des frontières - et par une radicalisation des extrêmes –création de ligues prêtes à affronter les adversaires, syndicalistes et militants socialistes et communistes.

    En1932, à la veille de l’avènement d’Hitler les démocraties se comptent presque sur les doigts d’une main: Iles britanniques,France, Allemagne (plus pour longtemps), Benelux, Suisse, Pays Scandinaves et Tchécoslovaquie. Dans les autres pays les droits civils et politiques des citoyens ne sont pas respectés (liberté d’opinion, liberté de presse et de réunion, droit de grève, indépendance de la Justice, élections libres, alternance des partis au pouvoir …).

     

    Orientations des politiques étrangères des principaux pays.

    En France

    La vie politique française est marquée par :

    Une instabilité due à des gouvernements de coalition [1] entre partis du centre gauche et du centre droit.

    Le Front Populaire de mai 1936 à juin 1937 est à l’origine d’avancées sociales importantes. En même temps les mouvements de droite nationalistes s’organisent (ligues qui seront dissoutes en 1936 par le gouvernement de Léon Blum) et précisent leur doctrine (Maurras).

    Des scandales politiques tels que l’affaire Stavisky [2] :

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1)

     et des manifestations violentes telles que l’assassinat du Président Paul Doumer [3] (7.05.1932) :

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1)

     et surtout l’émeute[4] du 6 février 1934.

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1) 

    Après le 6 février 1934, le pouvoir passe du centre gauche au centre droit, jusqu’à l’arrivée du Front populaire (mai 1936-juin 1937).

    Des crises financières (dévaluations successives du franc en juin 1937 et mai 1938) résultant des conséquences tardives de la crise de 1929, du déséquilibre du commerce extérieur, et de la défiance des investisseurs.

    Une opinion majoritairement pacifique.

    Ce pacifisme militant se manifeste chez les anciens combattants regroupés au sein de l’Union Nationale des Combattants (UAC) : « Plus jamais ça » ; également à gauche à la SFIO dont Paul Faure déclare en 1939 : « N’importe quelle concession territoriale est préférable à la mort d’un vigneron du Maconnais »,

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1)

     mais aussi chez les intellectuels comme Giraudoux, Jules Romain, Giono.

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1)

    A droite, ce pacifisme est mâtiné d’une attirance pour les régimes autoritaires ; le fascisme en particulier.  Quelques années plus tard, cette attirance se transformera en collaboration avec l’occupant.

    Pour les hommes politiques et les diplomates, le pacifisme s’exprime par la théorie de la "Sécurité collective" qui repose sur la volonté de régler les différends par arbitrage et prend la forme

    De pactes de non-agression et d’assistance mutuelle en cas d’agression fondés sur les principes de la Société des Nations.

    Exemple : les pactes passés par la France avec la Pologne (1921), avec la Tchécoslovaquie (1924), Roumanie (1936).  Ces pactes étaient dirigés contre un retour des Habsbourg en Hongrie.

    Ces accords peuvent être complétés par des conventions militaires.

    D’ententes régionales complétant des pactes bilatéraux. Ces ententes peuvent prévoir des limitations d’armement.

    L’exemple type est l’accord de Locarno (octobre 1925) qui garantit les frontières occidentales de l’Allemagne.

    Cette garantie est apportée par le Royaume-Uni et l’Italie.  En 1934, le ministre français Louis Barthou a essayé de négocier un accord de même nature pour les frontières orientales de l’Allemagne, mais sans succès.

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1) 

    Autre exemple : la Petite Entente liant la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Yougoslavie avec la protection de la France

    Le projet d’une commission « européenne » au sein de la SDN disposant d’une force d’intervention permettant de ramener à la raison un éventuel agresseur.

    Cette dernière proposition a été faite au moment de la remilitarisation de la Rive gauche du Rhin (avril 1936).

    Une proposition de même nature avait été faite par Paul-Boncour dès 1932 [5].

    L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre, une conférence de Robert Fries (partie 1) 

    Toutes ces idées n’ont jamais abouti.

    Une crainte du bolchévisme dans les élites traditionnelles, d’où, pendant longtemps, une réticence vis-à-vis d’une alliance avec l’URSS.

    En 1930, la France dispose de l’armée la plus puissante sur le continent européen.

    La stratégie militaire est fondée sur la défensive [6] entrainant des efforts limités pour moderniser les armements notamment l’aviation et les chars.

    Ce n’est qu’à partir de 1935 qu’une politique de réarmement est mise en place [7]

    Les gouvernements successifs sont persuadés que la France ne peut agir seule contre l’Allemagne. 

    Il lui faut le concours de la Grande-Bretagne. 

    Des alliances de revers sont recherchées.

     C’est la « Petite Entente » qui réunit la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie est qui est constituée par des accords bilatéraux d’assistance mutuelle en cas de menace provenant de la Hongrie.

     Ces accords sont complétés par de accords bilatéraux avec la France qui ne prévoient qu’une consultation en cas de crise et la mise en place d’arbitrages en cas de conflit.

    Le gouvernement se rend compte de l’état d’infériorité, parfois exagéré, de la France face à l’Allemagne réarmée et ne peut agir sur le plan international qu’en parfait accord avec la Grande-Bretagne quitte à paraître à sa traine.

    [1]Les élections de mai 1932 sont gagnées par le Cartel des Gauches, c'est-à-dire principalement les socialistes (SFIO 132 députés) et socialistes indépendants (52 députés), les communistes peu nombreux (10 députés), les radicaux socialistes (160 députés).  Ces derniers sont au centre de gravité de la vie politique.  Des gouvernements centre gauche/centre droit se succèdent jusqu’à l’émeute du 6 février 1934.  Un gouvernement d’Union Nationale présidé par Gaston Doumergue est suivi par un gouvernement Laval plus à droite, mais toujours avec des ministres radicaux.  Les élections de mai 1936 conduisent à la victoire du Front Populaire (Communistes, Socialistes, Radicaux).  Les Accords de Matignon marquent des avancées sociales fondamentales.  En juin 1937 le gouvernement Léon Blum doit démissionner.  Ensuite des gouvernements de centre droit, présidés par des radicaux, se succèdent jusqu’à la guerre.

    [2]Stavisky est un escroc d’origine juive ukrainienne.  Il a été mis en examen pour différentes malversations (chèques sans provision, abus de confiance, détournements de fonds) mais s’en est tiré grâce à des appuis politiques qu’il cultive avec succès.  En 1931, il crée le Crédit municipal de Bayonne avec l’aide du député maire local.  Cet établissement émet pour 200 millions des bons de caisse gagés sur des bijoux faux ou volés.  Des compagnies d’assurance souscrivent, sur la recommandation du ministre Albert Dalimier.  L’établissement fonctionne selon le système frauduleux de Ponzi (Les nouvelles souscriptions paient des intérêts mirobolents). Le 3 janvier le scandale éclate à la suite d’un contrôle du Ministère des Finances.  Stavisky s’enfuit.  On le retrouve mort à Chamonix (8 janvier).  L’enquête révèle que le procès de Stavisky a été 19 fois reporté sans intervention du procureur général Pressard, beau-frère du Président du Conseil Chautemps.  Le rapprochement est fait : le gouvernement est complice ; il veut cacher une nouvelle affaire de Panama.  La droite et l’extrême droite (ligues) se déchainent.  Le gouvernement Chautemps démissionne.  Le nouveau gouvernement Daladier, pour gagner le soutien des socialistes démet le préfet de police Chiappe accusé de sympathies à l’égard de Stavisky et intransigeant quant aux manifestations publiques des partis de gauche.  C’est un affront pour la droite. D’où la manifestation du 6 février qui se transforme en émeute

    [3]Paul Doumer meurt assassiné par un immigré russe déséquilibré.

    [4]Tout au long du mois de janvier 1934 les manifestations contre le gouvernement Chautemps et antiparlementaires se succèdent.  Elles reflètent la volonté des partis de droite de prendre le pouvoir (Action française) et des mouvements antiparlementaires de renverser le régime.  La révocation-promotion du préfet de police Chiappe met le feu aux poudres.  Le 6 février, jour où le nouveau gouvernement Daladier doit se présenter devant la Chambre, une grande manifestation est prévue aux alentours de l’Assemblée nationale.  30 à 50.000 manifestants de droite et extrême droite participent.  Les Croix de Feu du colonel de La Roque rassemblés aux Invalides refusent toute action violente sur les parlementaires réunis au Palais Bourbon et se dispersent.  D’autres mouvements réunis le long des quais marchent vers l’Assemblée Nationale.  Ils sont repoussés par les forces de l’ordre à partir de la Concorde.  Les affrontements très violents se poursuivent dans la nuit.  On compte 12 tués parmi les manifestants et près de 2.000 blessés ; un tué parmi les forces de l’ordre.  Daladier, qui se sent mal suivi et obéi, démissionne dès le 7 février.  Doumergue à la tête d’un gouvernement d’union nationale lui succède.  Les partis de gauche prennent conscience de l’existence d’un danger fasciste et amorcent un rapprochement qui conduira au Front populaire deux ans plus tard.

    [5]De Gaulle, Mémoires de Guerre, L’Appel, Editions Rencontres, 1971, p. 13.

    [6]Dans les années 1920 deux conceptions stratégiques s’opposent : celle de Foch partisan d’une armée mobile et rapidement mobilisable et celle de Joffre et Pétain qui fondent la défense du pays sur une ligne continue de fortifications.  Cette stratégie en phase avec le pacifisme ambiant prévaudra.  D’où la création de la ligne Maginot réalisée d’abord entre 1929 et 1934 – fortifications importantes du nord-est – puis entre 1934 et 1940 -fortifications plus légères et de moins bonne qualité.

    [7]La durée du service militaire évolue comme suit : 1913 ; 3 ans ; 1923 : 18 mois ; 1928 : 1 an ; 1935 : 2 ans.  Le budget de la Défense passe de 4,9% du revenu national en 1934 à 5,8% en 1935 puis 7,1 en 1937, 8,6 en 1938 et 23% en 1939.


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  • Seconde partie

     Le Royaume-Uni :

    Le Royaume-Uni a les yeux tournés vers son Empire.  Sa défense est primordiale. Quant à l’opinion publique :

    Elle est foncièrement pacifique [1]. Elle est favorable au désarmement coordonné de tous et se repose sur la Sociétés des Nations pour régler les conflits.

    Elle ne comprend pas bien le souci de la France de disposer d’une frontière sûre (démilitarisation de la rive gauche du Rhin) et de limiter la puissance de son grand voisin. Sur ce plan, les revendications de l’Allemagne lui paraissent souvent légitimes.

    Elle est foncièrement anti bolchévique et hostile à tout rapprochement avec l’URSS.

    A cet égard une Allemagne forte au centre de l’Europe peut servir de bouclier contre des incursions soviétiques.  L’arrivée au pouvoir du Front populaire en France – mai 1936 – précédée par l’arrivée un gouvernement socialiste en Espagne n’a fait que raviver l’attirance de bien des Britanniques pour l’Allemagne.

    Pendant longtemps l’Italie de Mussolini jouit d’un préjugé très favorable, chez Churchill notamment.

    Vis-à-vis de la France, les sentiments sont mitigés.

    Ce sont d’abord des alliés et des amis. Mais il y a aussi des rivalités coloniales au Moyen Orient et en Afrique.

    Par ailleurs l’Allemagne est un partenaire commercial de premier plan qu’il faut ménager.

    L’armée est constituée de soldats de métier.

    Elle est très occupée à maintenir l’ordre colonial en Inde et au Moyen-Orient.

    La nécessité d’engager des dépenses importantes pour moderniser les forces armées et notamment créer une aviation de guerre n’apparait que tardivement (1936-1937) comme une évidence.

    La succession de George V mort le 20/01/1936...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 2)

     et l’abdication d’Edouard VIII (11/12/1936)

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 2)

    mobilisent totalement la classe politique pendant l’année 1936, c'est-à-dire le début de la Guerre d’Espagne.

    Pour le Royaume-Uni, le mot d’ordre est "apaisement" (appeasement).  Les conflits seront réglés par la négociation.

     L’Italie.

    Le pays est entre les mains de Mussolini.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 2)

      Le Fascisme semble donner des résultats : l’ordre a été rétabli, le pays connait un réel développement économique. 

    Le Fascisme apparait comme un régime autoritaire qui semble conciliable avec les Droits de l’homme.      

      Mussolini a l’image d’un chef d’Etat fréquentable ; pour certains c’est un modèle ; à tout le moins jusqu’aux exactions commises durant la guerre d’Ethiopie.

    L’Italie, on l’a dit, n’est pas satisfaite du traité de Versailles. 

    Il faut donc le corriger. 

    Elle se placera donc volontiers à côté des pays européens qui partagent ce sentiment, notamment les pays du centre de l’Europe.

    Comme beaucoup de dictateurs, Mussolini veut redonner à l’Italie sa grandeur passée. 

    C’est une façon de faire rêver la population qui le soutient.

     Il saura mobiliser les insatisfactions nées du Traité de Versailles au service de sa politique de prestige. 

    D’où des visées expansionnistes centrée sur l’Europe danubienne, les Balkans, la Méditerranée et l’Afrique du Nord.

    La conquête brutale de l’Abyssinie en 1935 placera le régime italien sur le banc des accusés de la Société des Nations.

     Des sanctions économiques, plus décoratives qu’efficaces, éloignera définitivement Mussolini des démocraties libérales.

    En revanche ces mêmes sanctions rapprocheront l’Italie de l’Allemagne, toutes deux hostiles à la SDN. 

    Ensuite la faiblesse des démocraties face à la brutalité d’Hitler et la Guerre d’Espagne scelleront l’alliance entre le Reich et l’Italie mussolinienne [2].

       L’URSS.

    L’URSS est dominée par Staline qui veut faire de son pays une grande nation industrielle.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 2)

    Toutes les forces susceptibles de lui résister sont systématiquement éliminées.

      Ce sont les purges qui frappent les cadres du parti – concurrents possibles – les milieux intellectuels, mais aussi l’armée qui en 1939 manquera d’officiers. 

    C’est aussi les plans quinquennaux à partir de 1928 qui ont transformé le pays au prix d’immenses souffrances. 

    Au plan international, le Komintern, l’organe qui dirige les partis communistes étrangers interdit tout alliance entre ces partis nationaux et les partis bourgeois, fussent-ils socialistes. 

    A partir d’août 1935, le Komintern change de politique et recommande à ses « administrés » de s’allier aux partis antifascistes. 

    C’est un changement fondamental qui explique l’appui de Moscou aux Républicains espagnols. 

    Mais dans les dictatures, les voltes-faces sont toujours possibles !

     [1]En 1935 un sondage est réalisé en Grande-Bretagne par la SDN.  92% des personnes interrogées sont favorables à un désarmement général ; 93% souhaitent l’interdiction du commerce des armes.

    [2]Ier novembre 1936 : signature de « l’Axe Berlin-Rome » destiné à lutter contre le bolchévisme.  Le Front Populaire en France et la Guerre civile en Espagne en formaient la toile de fond. Suivi par la signature du pacte d’Acier le 22 mai 1939 qui est une alliance offensive et défensive.  L’Italie se met à la remorque du Reich.


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  • Troisième partie 

    En 18 mois Hitler est parvenu à concentrer entre ses mains l’essentiel du pouvoir selon les étapes suivantes :

    Dès le 1er février 1933, Hitler obtient de Hindenburg la dissolution du Reichstag.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

    Un décret donne pleins pouvoirs au chancelier pour interdire toute réunion ou publication susceptible de troubler l’ordre public. 

    Cette disposition est largement utilisée contre le SPD (socialistes), le KDP (Communistes), mais également le Zentrum.

    Les 27 et 28 février le Reichstag brûle [1].

    Göring et Hitler présentent l’incendie comme le fait des communistes qui se prépareraient à s’insurger. C’est la thèse officielle [2].

    Une ordonnance (Reichstagsbrandverordnung) suspend sine die les libertés garanties par la constitution de Weimar et met en place une répression sans merci à l’égard des communistes allemands.

    Plusieurs dizaines de milliers d’opposants réels ou potentiels dont 4.000 membres du parti communiste sont arrêtés.

    Le 5 mars, le Reichstag est élu.

    Le NSDAP recueille 44% des voix et obtient 288 sièges au Reichstag sur 647 sièges. 

    Il n’a pas la majorité.  Il a besoin du concours soit du Zentrum (conservateur catholique, 74 sièges) et/ou du Parti Populaire National Allemand (DNVP, conservateur représentant les grands industriels, 52 sièges).

    Le 20 mars, à Potsdam, en présence du maréchal Hindenburg, Hitler annonce l’avènement du Troisième Reich qui durera 1000 ans.

    Le 20 mars ouverture du premier camp de concentration à Dachau. Entre 1933 et 1939 150.000 à 200.000 citoyens seront placés en camps de concentration.

    Le 23 mars, avec l’accord du Zentrum à qui on a promis un concordat avec le Vatican, le Reichstag vote la loi des pleins pouvoirs qui accorde des pouvoirs spéciaux à Hitler pendant 4 ans.

    Seul le SPD vote contre. Le chancelier cumule le pouvoir législatif et exécutif.

    Le 2 mai, les syndicats sont dissous et leurs biens saisis

    Le 10 mai les mauvais livres sont brûlés sous la présidence de Goebbels

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

    Le 5 juin 1933, le parti Zentrum s’auto-dissout après des menaces du NSDAP

    Le 27 juin Hugenberg chef du parti DNVP [3] doit quitter son poste de ministre des finances et deux jours plus tard son parti est dissous.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

    Au cours de l’été 1933, le SPD est interdit.

    Plusieurs de ses membres sont internés en camp de concentration.

    Le 14 juillet, le NSDAP devient parti unique

    En Novembre, Hitler fait plébisciter sa politique : 95% des électeurs approuvent le retrait de la SDN et 92% votent pour le NSDAP, parti unique

    Le 30 janvier 1934, l’autonomie des Länder est supprimée. L’Allemagne est un Etat centralisé pour la première fois.

    Le 29 juin et jours suivants, élimination des chefs de la SA et de quelques autres personnalités politiques. C’est la Nuit des Longs Couteaux [4].

    Le 2 août 1934, mort du maréchal Hindenburg. Le même jour le Reichstag vote la fusion des fonctions de président et de chancelier.  Hitler devient Führer et Reichskanzler.

    Le 19 août 1934, nouveau plébiscite (89,93% de oui) approuvant les pouvoirs du Führer.

    La voie est libre pour les toutes les folies de la politique raciale et des aventures militaires.

     Les crises successives.

    Les intentions du nouveau Chancelier d’Allemagne en matière de politique extérieure sont connues, tout au moins de ceux qui ont bien voulu se plonger dans la lecture indigeste de Mein Kampf paru en 1925.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

    Dans un premier temps effacer les humiliations du traité de Versailles (réparations, limitations de l’armée, démilitarisation de la rive gauche du Rhin)

    Ensuite, regrouper de gré ou de force tous les pays habités par des populations germaniques (Autriche, Sudètes, Alsace).

    Puis conquérir l’espace vital nécessaire à l’épanouissement de la race aryenne dont le peuple allemand est le plus pur représentant et cela aux dépends des peuples slaves et de la France.

    Au demeurant, en arrivant au pouvoir, Hitler tient un discours pacifique. 

    C’est notamment le cas à Postdam le 21 mars 1933 où Hitler se pose en continuateur de la Prusse du Grand Frédéric.

    C’est aussi ce qu’il déclare à André François-Poncet, le nouvel ambassadeur de France, le 8 avril.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

     : « Je répète que mon gouvernement est sincèrement et profondément pacifique.  Nous sommes tous convaincus qu’une guerre, même victorieuse, coûterait en sacrifices de toute espèce, plus cher qu’elle saurait rapporter.  Le problème pour l’Allemagne est de sortir du chômage et de la crise économique [5] ».

    Dans cet esprit pacifique, Hitler accepte de participer à des conversations à quatre, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie proposées par Mussolini dans le but d’apporter une solution négociée à la révision des traités.

      Ce « Pacte à quatre » destiné à maintenir la paix en Europe, pose le principe de la révision du traité de Versailles, mais tient à l’écart les nations moyennes. 

    Il marquerait un retour au « concert des puissances » instauré après le Congrès de Vienne en 1815 qui caractérise la diplomatie du XIXème siècle.

    Cela ferait l’affaire de l’Allemagne et de l’Italie.

    La France qui se place en protecteur des nouvelles nations, notamment la « Petite Entente » formée par la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, n'en veut pas. 

    Le projet de pacte à quatre se solde par un accord entre les signataires qui institue « une politique de collaboration effective en vue de maintenir la paix ». 

    En d’autres termes, rien.  Hitler joue poliment la montre avec de ses partenaires étrangers.

      En Allemagne, il liquide ses adversaires et muselle toute tentative d’opposition. 

    18 mois après son arrivée au pouvoir dans des formes légales, il dispose d’un pouvoir absolu.

    Les réparations.

    Quand Hitler arrive au pouvoir le 30 janvier 1933, la question est pratiquement réglée. 

    En juin 1932, la Conférence de Lausanne prévoit que le solde à payer par l’Allemagne sera réduit à 3Md Marks. 

    Cette somme ne sera jamais payée.  Chacun en était conscient dès avant l’avènement d’Hitler. 

    Celui-ci, devenu chancelier, considère le dossier clos.

     Le réarmement et la militarisation de la rive gauche du Rhin.

    Le retour à l’exercice complet de la souveraineté, c'est-à-dire la possibilité de disposer d’une armée [6] puissante et moderne ainsi que celle d’utiliser la rive gauche du Rhin à des fins militaires était objectif de la République de Weimar, bien avant l’arrivée de Hitler. 

    La Grande-Bretagne n’était pas défavorable ; la France, résolument opposée, notamment Doumergue.

      Toutefois quelques politiques tels que Barthou, voire André François-Poncet, préféraient que ce réarmement soit encadré par un traité plutôt que laissé entièrement à l’initiative de dirigeants allemands faisant peu de cas des traités et des promesses.

    L’approche multilatérale.

    En février 1932 une conférence sur le désarmement est ouverte à Genève dans le cadre de la SDN [7] et avec la participation des Etats-Unis et de l’URSS. 

    Des propositions originales en provenance de la France [8] et des Etats-Unis [9] sont introduites. 

    L’Allemagne insiste pour obtenir l’égalité de traitement avec la France en matière d’effectifs et d’armement. 

    En décembre elle obtient gain de cause au niveau des principes, la mise en œuvre de cet accord devant faire l’objet de nouveaux travaux. 

    En mai, les Anglais proposent l’égalité des effectifs français et allemands sous réserve que les organisations paramilitaires SA et SS soient dissoutes et que cette dissolution soit constatée par des inspecteurs internationaux. 

    L’Allemagne, maintenant entre les mains de Hitler, refuse toute présence d’inspecteurs étrangers et quitte la conférence sur le désarmement puis la SDN (14 Octobre 1933). 

    Parallèlement à ces négociations, et dès avant l’arrivée au pouvoir de Hitler, un embrigadement de la jeunesse par la pratique de sports de combat (Wehrsport) était amorcé. 

    C’était une forme de préparation militaire déguisée.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

    Les négociations bilatérales.

    L’approche multilatérale du désarmement ayant échoué, Hitler engage des négociations bilatérales avec la France, la Grande-Bretagne et la Pologne.

    A la France, il propose de limiter les effectifs à 300.000 hommes recrutés par conscription.

    La France refuse.  C’est une décision du Président du Conseil, Gaston Doumergue .

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 3)

    Le ministre des Affaires Louis Barthou et l’ambassadeur André François-Poncet sont partisans d’un accord qui aurait le mérite d’établir une limite contractuelle au réarmement.

    Avec la Grande-Bretagne, les négociations portent sur l’armée de l’air et la flotte. Elles conduiront à un accord de limitation de la flotte de guerre allemande en juin 1935.

    Avec la Pologne pour montrer sa bonne volonté pacifique, Hitler signe en janvier 1934 un traité de non-agression et de consultation systématique.

    Il s’agit aussi de rompre l’encerclement que la diplomatie française s’efforce de mettre en place. 

    Les mobiles polonais sont moins clairs. 

    Pour André François-Poncet, les Polonais sont ulcérés par le comportement des Français qui affirment ne pas vouloir mourir sur la Vistule. 

    Par ailleurs, Pilsudski...

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    se rend compte qu’un jour ou l’autre l’Allemagne se retournera contre la Russie. 

    Entre deux maux il faut choisir le moindre : l’Allemagne. 

    Au demeurant pour l’Allemagne, la Pologne est un « ami provisoire », selon une dame proche du Führer citée par François-Poncet [10].

    Rétablissement de la conscription.

    Pour faire face aux classes creuses du fait de la Première Guerre mondiale, la durée du service militaire en France est portée d’un an à deux ans.

      La décision est prise par le ministère Flandin le 15 mars 1935. 

    Le lendemain, 16 mars Hitler rétablit la conscription, premier acte d’un réarmement massif et sans contraintes. 

    La Wehrmacht qui remplace l’ancienne Reichswehr comptera 36 divisions et sera dotée du matériel le plus complet et le plus moderne.

    La France et la Grande-Bretagne réagissent mollement.  Elles déclarent que la situation est grave et se rapprochent de l’Italie pour confirmer les dispositions de Locarno (garantie des frontières occidentales de l’Allemagne et respect du traité de Versailles). 

    C’est l’accord de Stresa (14 avril 1935) qui en fait n’apporte rien. 

    La Grande-Bretagne songe à l’accord naval [11] qu’elle négocie avec le Reich ; l’Italie souhaite troquer son soutien à la France contre une promesse d’assentiment de la France sur ses projets de conquête de l’Abyssinie [12]. 

    La France est en train de se rapprocher de l’URSS [13] par un traité d’assistance mutuelle signé en mai 1935. 

    Cette initiative ne plait pas à Londres.  Les anciens alliés suivent des voies divergentes.  Le front de Stresa est rompu.  Hitler le sait.  Pour lui, la voie est libre.

    Militarisation de la rive gauche du Rhin.

    L’accord franco-russe est ratifié le 27 février 1936 par la Chambre des députés. 

    Hitler saisit ce prétexte pour annoncer qu’il estime caduc l’accord de Locarno concernant les frontières occidentales de l’Allemagne.

      Le 8 mars 20.000 [14] soldats pénètrent dans la zone démilitarisée.

    Du côté français, le commandement militaire se contente de rappeler les permissionnaires et de grouper quelque 50.000 hommes sur le Rhin. 

    A l’exception de Georges Mandel...

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    le conseil des ministres est hostile à une réaction armée.

    Elle nécessiterait de procéder à une mobilisation générale, les forces allemandes ayant été surestimées. 

    Dans le contexte économique du moment [15], une mobilisation aurait un coût insupportable pour les finances du Pays. 

    De plus l’opinion demeure pacifique.  La France ne s’estime pas en mesure de réagir seule ; le concours de la Grande-Bretagne est indispensable. 

    Or, la Grande-Bretagne avec Stanley Baldwin (1867-1944)...

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    à sa tête est empêtrée dans la succession de George V qui meurt le 20 janvier 1936 et l’abdication d’Edouard VIII (11 décembre 1936). 

    Pour beaucoup d’Anglais la remilitarisation de la rive gauche du Rhin est légitime. 

    L’Allemagne ne fait que « rentrer dans son propre jardin [16]».

    La question sera confiée à la SDN où elle s’enlise. 

    Pour calmer les esprits, Hitler propose, le 1er avril, un pacte de non-agression de 25 ans ainsi que le retour du Reich à la SDN. 

    En même temps, il reste intraitable sur la militarisation de la rive gauche du Rhin et y fait construire la ligne Siegfried, semblable à la ligne Maginot.  Il a gagné sur tous les plans.

     Rattachement de la Sarre au Reich.

    Le Traité de Versailles prévoyait qu’en 1935 la Sarre aurait à décider de son statut à la suite d’un referendum. 

    Trois possibilités : rattachement à la France, statu quo, rattachement à l’Allemagne. 

    En janvier 1935 le referendum se déroule dans des conditions démocratiques normales. 

    La France n’a rien fait pour éloigner la population sarroise du régime nazi et pourtant le statu quo ne manquait pas d’avantages.

    En revanche 45000 nazis terrorisent la population avant et pendant l’élection. 

    90% des Sarrois votent pour le rattachement de la Sarre au Reich.  C’est un grand succès pour Hitler.

    [1]L’origine de l’incendie n’a jamais été élucidée

    [2]Van der Lubbe est jugé en septembre 1933 à Leipzig, en même temps que ses supposés complices du parti communiste Vasil Tanev (futur président du Kominterm) et Georgi Dimitrov (futur Premier ministre de la Bulgarie communiste).  Seul van der Lubbe sera condamné à mort et exécuté. Ce jugement montre que la thèse du parti nazi serait fausse.  La question est encore sujet de débats.

    [3]Le Deutschnationale Volkspartei est un parti conservateur et nationaliste, antisémite, élitiste (à la différence du NSDAP).  Il s’auto-dissout le 29 juin 1933.  Beaucoup de ses membres rejoignent le NSDAP.

    [4]La Nuit des Longs Couteaux correspond aux assassinats perpétrés du 29 juin au 2 juillet 1934 par les SS aux dépends des chefs de la SA et de quelques autres adversaires d’Hitler.

    En juin 1934 la SA peut être satisfaite de son travail.  Par des violences, des assassinats et des intimidations elle a contribué de manière déterminante à faire du NSDAP le parti unique d’Allemagne et de Hitler le maitre du pays.  Son chef Ernst Röhm passe le week-end du 29 juin avec ses collaborateurs à Bad Wiesse (50 km de Munich).  Il a reçu peu avant des félicitations de Hitler.  Mais la SA commence à gêner.  Ses exactions nuisent à l’image du parti et effraient les milieux bourgeois.  La Reichswehr lui est totalement hostile d’autant que Röhm souhaite intégrer ses milices à l’armée de métier afin de la contrôler.  La partie la plus populiste de la SA, avec Gregor Strasser comme porte-parole, estime qu’après la révolution politique qui a mis le parti au pouvoir, doit venir une révolution « nationale socialiste » d’inspiration anticapitaliste.  Cela ne plait guère aux milieux industriels dont Hitler a besoin.  Himmler et Göring s’entendent pour faire croire à Hitler qu’un Putsch est en train de se préparer à l’instigation de Röhm.  L’armée est prête à apporter son concours à la liquidation de la SA.  Face à la perspective de nouveaux désordres, Hindenburg menace de confier le gouvernement à l’armée.  Hitler passe à l’action et avec l’aide de la SS et  le concours de l’armée lance une grande opération destinée à liquider les principaux chefs de la SA ainsi que nombre  d’adversaires politiques, par exemple l’ex-chancelier Schleicher.  150 à 200 personnes sont liquidées.

    Le 3 juillet, Hitler fait adopter une loi a effet rétroactif selon laquelle la purge réalisée les jours précédents était parfaitement légitime face au danger imminent de rébellion.  L’armée applaudit à la purge et ce faisant se lie au parti nazi ; Hindenburg félicite le Chancelier ; le peuple a entendu Hitler qui annonce « chacun doit savoir que s’il lève la main contre l’Etat, son seul destin est la mort ».  La presse étrangère est unanime pour condamner le crime.

     

    [5]Cité par Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire de la France au XXème siècle.  II 1930-1958. Tempus, 2018.  p.212.

    [6]Le traité de Versailles prévoit que les forces armées allemandes sont limitées à 100.000 hommes.  Elles ne doivent disposer ni d’artillerie lourde, ni d’aviation, ni de tanks.  En fait dès 1922 l’armée allemande procède à des essais de matériels en Russie (traité de Rapallo).

    [7]Depuis 1926 l’Allemagne fait partie de la SDN.  C’est une conséquence des accords de Locarno (octobre 1925) entre Stresemann, Briand et Austen Chamberlain

    [8]La France propose que chaque Etat ne dispose que d’une armée réduite.  En revanche la SDN serait dotée d’une armée puissante en mesure d’imposer par la force des mesures destinées à mettre fin à un conflit armé.

    [9]Les USA (Président Hoover) proposent de limiter les armements de chaque Etat à des armes défensives.  Encore faut-il définir ce que sont les armes défensives par rapport aux armes offensives.

    [10]AndréFrançois-Poncet, Mémoires d’une ambassade à Berlin.

    [11]Cet accord signé le 18 juin 1935 prévoit, en contradiction du traité de Versailles, que la marine de guerre du Reich peut atteindre 35% du tonnage de la flotte de guerre britannique.  Le % s’élève à 45% pour les sous-marins.  Cet accord traduit à la fois le souci d’apaisement de la classe politique britannique mais aussi l’attirance de nombre de politiciens conservateurs pour l’Allemagne.  Churchill ne partage pas cette position.

    [12]En décembre 1935,Pierre Laval, alors président du Conseil et le ministre anglais des Affaires étrangères Samuel Hoare préparent un partage de l’Abyssinie accordant à l’Italie la moitié du pays.  A la suite d’une fuite dans la presse, cette perspective de partage fait l’objet d’un tollé général en France comme en Grande-Bretagne.  Les deux pays font marche-arrière ce qui entraine Mussolini à se rapprocher un peu plus de Hitler.

    [13]Dans le cadre d’un essai d’encerclement diplomatiquede l’Allemagne, un rapprochement avec l’URSS était recherché dès le début de la décennie par Herriot et poursuivi parPierre Laval.  Des négociations se poursuivent en 1934 et conduisent à un accord signé le 2 mai 1935.  C’est un accord d’assistance mutuelle en cas de reconnaissance d’une agression par le Conseil de la SDN.  Le texte prévoit une aide et une assistance mutuelle mais ne contient pas de convention militaire.  Le 16 mai, une alliance entre l’URSS et la Tchécoslovaquie est conclue.  Laval a le sentiment d’avoir réussi sa mission.

    [14]Les effectifs ayant pénétré dans la zone démilitarisée a fait l’objet d’estimation variées.  Le chiffre de 19 bataillons est souvent avancé, chiffre compatible avec un effectif total de 20.000 hommes.  Certains estiment que seuls 3.000 soldats ont été concernés, le reste venant des SA et des SS.  En revanche le général Gamelin avait cité une armée de 300.000 hommes – il incluait les SA et SS – ce qui justifiait une mobilisation générale en France en cas de d’une réaction militaire à la remilitarisation.  Aujourd’hui, les historiens sont unanimes : si les troupes françaises étaient entrées en Allemagne, Hitler aurait fait reculer ses propres soldats.  L’histoire aurait pu être changée.

    [15]Les caisses étaient vides.  Le franc, encore accroché à l’or, particulièrement vulnérable.  Dans ce cas, mobilisation veut dire emprunt international et chute du franc.  Inacceptable pour un gouvernement de centre droit qui redoute les prochaines élections d’avril et mai 1936.

    [16]Selon Philip Kerr, marquis de Lothian, un diplomate et homme de presse influent,« the Germans are walking into their own back garden”.  Ce point de vue est partagé par Lloyd George qui pourtant avait négocié le traité de Versailles.


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  • Quatrième partie

    La Guerre d’Espagne

    Après 6 ans de dictature assurée par le général Primo de Rivera (Septembre 1923-janvier 1930)

     

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 4)

     

    et quelques mois de gouvernement militaire, la république [1] est proclamée le 14 avril 1931 à la suite d’élections municipales donnant la victoire aux partis de gauche.

      Commence une période de réformes économiques et sociales qui souvent restent lettre morte faute de moyens.

    Les années 1934 et 1935 sont marqués par des gouvernements de centre droit (parti Républicain Radical de Lerroux) qui évoluent vers la droite avec l’entrée au gouvernement de ministres du CEDA (Confédération Espagnole des Droites Autonomes).

    Des rébellions populaires en Asturies sont réprimées avec férocité par le général Franco. 

     

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 4)

    En avril 1936, les élections donnent la victoire au Front Populaire regroupant socialistes, communistes et autres anarchistes. 

    Elles se déroulent dans un climat de violences extrême.  L’assassinat, le 17 juillet 1936, d’un journaliste favorable à la monarchie met le feu aux poudres. 

    Une partie de l’armée organise un pronunciamento.

    Le général Franco débarque du Maroc avec ses troupes de soldats professionnels aguerris. 

    La guerre civile commence. 

    Franco prend la tête d’une croisade qui regroupe Eglise, grands propriétaires, partis conservateurs.

    De l’autre côté le gouvernement républicain légitime, mais faible car représentant une coalition hétéroclite (socialistes modérés, marxistes indépendants, communistes staliniens, trotskystes, anarchistes, …).

    Hitler et Mussolini soutiennent Franco dès de début de sa rébellion.

      L’Italie apporte 50.000 volontaires, des avions, du matériel.  Hitler apporte quelque 10.000 hommes dont la division aérienne Condor, soit 6.000 hommes et le matériel correspondant. 

    De grands industriels américains comme Ford ou GM apportent leur concours à Franco en fournissant du matériel.

    Les Britanniques ne veulent pas soutenir un régime de front populaire où siègent des communistes. 

    Leurs intérêts économiques vont du côté de ceux qui soutiennent Franco. 

    Ils sont favorables à l’absence d’intervention en faveur de l’un ou de l’autre des belligérants. 

    En France, le Front populaire est aux affaires.  Léon Blum...

     

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    souhaite soutenir ses camarades socialistes.  Les radicaux, Edouard Herriot en tête...

     

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    , ne le veulent pas. 

     Par ailleurs, Blum ne peut pas se désolidariser de Londres. 

    Il suit donc la position britannique et se voit forcé de pratiquer la non-intervention. 

    Dès l’automne 1936, cette non intervention se transforme en « non-intervention assouplie ».

    L’URSS apporte une aide limitée au gouvernement légitime espagnol. 

    2000 hommes (conseillers), 630 avions, 330 tanks, 1000 canons. 

    Ce matériel est souvent vieux et de médiocre qualité.

    Il est vendu cher et l’or de la République est déposé à Moscou (510 tonnes).  Il ne sera jamais rendu.

    Moscou profite de la situation pour liquider le POUM, parti communiste non-stalinien.

    40.000 volontaires venant de 53 pays forment les Brigades internationales.

    Mais jamais plus de 18.000 personnes en même temps.  15.000 moururent au combat.  Les brigades sont dissoutes en septembre 1938.

    Dès juillet 1936 l’Europe est divisée entre le bloc fasciste, le Reich et l’Italie et le bloc des démocraties constitué par la France et le Royaume-Uni et auquel l’URSS est liée via un accord avec la France. 

    La guerre civile dure jusqu’au 28 mars 1939 (reddition de Madrid).  Elle a fait 400.000 morts.

     La crise autrichienne et l’Anschluss.

    Le traité de Saint Germain entre l’Autriche et les Alliés ramène l’Empire d’Autriche à un pays de près de 7 millions d’habitants. 

    Sa superficie représente 12% de ce qu’était l’Autriche-Hongrie.

    Il regroupe des populations de langue allemande. 

    Une partie de celles-ci souhaitait être intégrée à la République d’Allemagne (Weimar).  Cela fut refusé.

     Idem pour le nom de République Allemande d’Autriche.  Clemenceau n’en veut pas.

    En mai 1932, Engelbert Dollfuss [2],

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    chef du parti conservateur social-chrétien, est nommé Chancelier. 

    N’arrivant pas à former une majorité, il dissout le parlement et instaure une dictature : il gouverne par décrets. 

    Les partis communiste et nazi sont dissous respectivement le 30 mai et 20 juin 1933.

    Un parti nouveau est créé : le Front patriotique, futur parti unique. 

    Face à la résistance continue mais non violente des socialistes, Dollfuss cherche l’affrontement et fait procéder à des perquisitions.

      Celles-ci dégénèrent et conduisent à une véritable émeute.

      Les forces armées rétablissent l’ordre brutalement : 1.500 à 2.000 morts et 5.000 blessés. 

    Le parti socialiste [3] est interdit.  Une nouvelle constitution est mise en place.

    La République d’Autriche devient un Etat corporatif.  Des élections auront lieu « quand les circonstances le permettront ».

    Le 25 juillet 1934, Dollfuss est assassiné par un commando SS allemand.  Kurt von Schussnigg lui succède.

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    L’assassinat de Dollfuss n’est pas du goût de Mussolini qui garantit les frontières de l’Autriche et se place en protecteur de ce pays. 

    Il n’est alors pas question que le Reich joue ce rôle. 

    Pour manifester son désagrément Mussolini ordonne à plusieurs divisions de se placer sur le col du Brenner, prêtes à porter secours à un gouvernement autrichien menacé par Hitler.

    A la différence de son prédécesseur, Schuschnigg est prêt à se rapprocher de l’Allemagne. 

    Les circonstances l’imposent. 

    La crise frappe durement l’Autriche. 

    Le pays a besoin de l’aide économique de son grand voisin. 

    Le 11 juillet 1936, Schuschnigg doit signer un accord léonin avec l’Allemagne. 

    Il doit cesser toute poursuite contre les membres du parti nazi et prendre deux ministres nazis dans son cabinet.

      En contrepartie, l’embargo imposé par le Reich cesserait.

    Le nazisme s’installe en Autriche.

      De son côté, Mussolini a abandonné l’idée de soutenir l’indépendance de l’Autriche. 

    Il signe le 1er novembre 1936 l’Axe Rome-Berlin qui place l’Italie à la remorque de l’Allemagne.

    Le Chancelier Schuschnigg est totalement isolé.

    Le 12 février 1938, Schuschnigg est convoqué à Berchtesgaden.

    Hitler lui ordonne de confier le ministère de l’intérieur à un nazi. 

    Rentré à Vienne Schuschnigg essaie de parer le coup en organisant un referendum sur l’indépendance de l’Autriche.

    Le referendum est fixé au 13 mars. 

    Hitler furieux l’oblige à démissionner et à céder son poste à Arthur Seyss-Inquart [4], un nazi ayant la confiance du Führer.

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    Le 12 mars 1938, c’est l’annexion pure et simple. 

    Hitler est reçu en héros à Vienne.  La terreur s’abat sur les Juifs et les opposants aux nazis.

    Rares sont les Autrichiens qui s’opposent à cette annexion ; une exception Otto de Habsbourg, futur député allemand au Parlement Européen. 

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 4)

    Un mois plus tard, l’annexion est approuvée par 99,7% des électeurs autrichiens.

    Les réactions de la France et de la Grande-Bretagne sont nulles.

    A Londres Eden, partisan de la fermeté vis-à-vis du Reich, a cédé la place à lord Halifax, fidèle partisan de l’appeasement. 

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 4)

    A Paris le gouvernement Chautemps n’est pas en mesure de réagir. 

    Il démissionne le 13 mars.

    Ni la Grande -Bretagne ni la France n’ont d’accord particulier avec l’Autriche. 

    Ainsi que le remarque Yvon Delbos, alors ministre des Affaires étrangères,

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 4)

    « la situation serait toute différente le jour où l’expansion allemande s’attaquerait à l’indépendance ou à l’existence des Etats auxquels nous lient des engagements spéciaux » ! 

    Les déclarations de Neville Chamberlain sont du même acabit :

    « Ils (les événements)ne peuvent être vus par le gouvernement de Sa Majesté avec indifférence ou sérénité.  Ils auront des conséquences qui ne peuvent encore être mesurées.

      Leur résultat immédiat est l’intensification du sentiment d’insécurité en Europe. 

    Ce n’est pas le moment de prendre des décisions hâtives ou de prononcer des mots imprudents.  Nous devons analyser la nouvelle situation rapidement mais de sang-froid ».

    [1]Ce sont des élections municipales qui sont considérées comme un désaveu de la monarchie.  La gauche s’en contente et prend le pouvoir.  Pour la droite rurale, conservatrice et monarchique, le nouveau régime républicain n’est pas légitime.

    [2]Dollfuss, né en 1892, commence sa carrière dans les coopératives agricoles.  Il est partisan d’un régime autoritaire, social-chrétien, nationaliste et totalement indépendant, de l’Allemagne notamment.  Il se refuse à toute collaboration avec les socio-démocrates.

    [3]Ce parti est l’ancien parti socio-démocrate qui a changé de nom (parti Socialiste ouvrier d’Autriche).

    [4]Arthur Seyss-Inquart(1892-1946) anime le parti national socialiste d’Autriche.  Il est ensuite nommé gouverneur en Pologne puis gouverneur des Pays-Bas où il se distingue par la mise en œuvre d’une politique anti-juive féroce.  Il est condamné par le tribunal de Nuremberg et exécuté.


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  •  Dernière partie.

    Encore merci à Robert Fries pour ce génial survol historique de la période 1929-1939.

     La crise des Sudètes,les accords de Munich et le démembrement de la Tchécoslovaquie.

    La partie ouest de la Bohême et de la Moravie est peuplée par des Allemands [1],

    les Sudètes en Bohême, les Allemands des Carpates en Moravie. 

    Ces populations ont dès 1919 souhaité être rattachés à l’Allemagne, mais cela leur a été refusé.

    D’où des rancœurs.  De plus elles sont soumises à une pression constante de la part de militants nazis dirigés par Konrad Henlein [2]

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

    Des incidents se multiplient à la suite de provocations orchestrées par Henlein.

    Face à ces désordres le gouvernement central rétablit l’ordre avec plus ou moins de bonheur.

    Les Sudètes apparaissent comme des martyrs et Hitler ne manque pas de les défendre. 

    Il soutient les revendications de Henlein qui demande de plus en plus d’autonomie. 

    En avril 1938, lors du congrès du parti pronazi, le Parti Allemand des Sudètes, son leader Konrad Henlein demande l’autonomie.

      Pour le gouvernement de Prague, il n’est pas question de prendre en considération cette requête.

      Les pères de l’Etat tchécoslovaque ont voulu un Etat centralisé et non un Etat fédéral.

      Une brèche est ouverte dans l’unité du pays. 

    Hitler s’y précipite.

    Après des incidents violents entre des militants nazis des Sudètes et les forces de police tchèques, Hitler demande le 12 septembre, au congrès du NSDAP, à Nuremberg, le rattachement de la région au Reich. 

    S’il ne lui est pas donné satisfaction, les armées du Reich envahiront la région occupée par des populations allemandes dès le 1er octobre. La crise des Sudètes est ouverte.

    La Tchécoslovaquie entretient de bonnes relations avec la France. 

    En 1924 un traité d’alliance et d’amitié [3] est signé par le Président du conseil Poincaré

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

    et le ministre des Affaires étrangères tchèque Edouard Benes.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

      Ce traité ne contient pas de dispositions d’ordre militaire.

      En cas de menace le traité prévoit une consultation systématique, mais pas de soutien militaire ou diplomatique. 

    Un échange de lettres entre les deux signataires prévoit des consultations régulières entre les états-majors des deux pays.

     En revanche, le traité de garantie [4] entre la France et la Tchécoslovaquie qui fait partie des multiples accords bilatéraux conclus à Locarno prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression. 

    La valeur de ce traité a été mis en cause en 1938, dès lors que l’Allemagne avait mis fin au pacte rhénan – garantie des frontières est de la France – en remilitarisant la rive gauche du Rhin. 

    Ce point de vue a été magistralement balayé par René Cassin dans un article d’août 1938 [5].  Les deux Etats se considèrent comme des alliés et Prague croit que la France viendra au secours de la Tchécoslovaquie en cas d’agression flagrante.

    Mais Paris tient un double langage vis-à-vis des Tchèques, Edouard Daladier promettant de tenir les engagements...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

      Georges Bonnet le ministre des Affaires étrangères incitant Benes à accepter des concessions.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    De toute manière, la France ne fera rien sans la Grande-Bretagne.

    La tension monte : la France comme la Tchécoslovaquie lancent une mobilisation partielle.

    Quant au Royaume-Uni, aucun traité ne le lie à la Tchécoslovaquie. 

    En 1937, le Foreign Secretary, lord Halifax, rencontre Hitler.

     Celui-ci réitère sa promesse : le territoire des Sudètes est la dernière extension territoriale du Reich. 

    Il lui fait confiance. 

    Le Premier Ministre, Neville Chamberlain...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    rencontre également Hitler, à deux reprises au mois de septembre ; il est partisan d’accepter des concessions, pour éviter un conflit européen.

    Une forte pression est mise sur le gouvernement de Prague, à la suite de la mission de lord Runcinam [6]...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    qui recommande d’accepter la cession au Reich du territoire des Sudètes.

    L’URSS qui a également conclu un accord avec la Tchécoslovaquie, se déclare prête à venir en aide à son allié sous réserve que la France en fasse autant. 

    Encore faut-il que la Pologne ou la Roumanie laissent passer les troupes russes, ce qui semble bien improbable.

    Le 21 septembre, Londres et Paris obtiennent de Prague un accord pour une rectification de frontières donnant satisfaction aux Sudètes. 

    C’est alors que Hitler double la mise. 

    Il veut aussi une rectification de frontières au profit des Polonais (région de Teschen) et des Hongrois (Slovaquie méridionale).  La guerre semble inévitable. 

    La tension monte. 

    La France mobilise.  Prague également. 

    Ni les Français, ni les Britanniques sont prêts à faire la guerre [7]

    Sur la suggestion de Mussolini, une conférence est décidée. 

    Elle se tient à Munich.  Le gouvernement tchèque n’est pas convié. 

    Il s’agit de dépecer le pays. 

    L’URSS non plus en dépit de l’accord France-URSS passé en 1935. Les Anglais n’en veulent pas. 

    Les Russes outragés se le rappelleront.

    Le 28 septembre 1938, Daladier [8], Neville Chamberlain [9], Mussolini et Hitler signent les accords de Munich.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

     L’annexion est autorisée et Hitler promet de ne pas aller plus loin. 

    Le président Benes part en exil.  Cela n’empêche pas Hitler de permettre à la Pologne d’occuper Teschen et la Hongrie de faire main basse sur le sud de la Slovaquie.

    Daladier et Chamberlain sont accueillis en héros à leur retour. 

    A son arrivée à Londres,Chamberlain brandit un document : c’est un accord entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. 

    En cas de différends, les deux pays se consulteront. 

    Le 6 décembre un accord de même nature est signé entre la France et le Reich. 

    Les frontières orientales de la France sont garanties. 

    On ne parle pas des frontières orientales de l’Allemagne.  C’est là où se jouera le prochain acte.

    Quelques mois plus tard, Hitler rompt sa promesse. 

    Le 14 mars 1939, à la demande appuyée de Hitler, la République Slovaque proclame son indépendance sous l’autorité du prêtre Joseph Tiso [10]

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    C’est un Etat fantoche qui subsistera jusqu’à l’arrivée de l’Armée Rouge en 1945. 

    Le 15 mars l’armée allemande pénètre, sans rencontrer d’opposition, en Bohême-Moravie qui devient un protectorat sous l’autorité du Reichsprotector Konstantin von Neurath

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    puis de Reinhart Heydrich

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    .  L’Allemagne nazie s’empare d’importantes usines sidérurgiques, notamment des usines Skoda spécialisées dans l’armement (tanks).

    La France s’est discréditée vis-à-vis de ses partenaires d’Europe centrale.

     La faiblesse des démocraties incite Hitler à poursuivre ses agressions. 

    Mussolini pense à la Tunisie, Djibouti, la Corse et pourquoi pas Nice et la Savoie. 

    A l’Axe Rome-Berlin proclamé le 1er novembre 1936 rien ne semble interdit, d’autant que le Japon rejoint l’Allemagne et l’Italie en septembre 1940. 

     La crise polonaise et la guerre.

    En France, à la suite de Munich, l’opinion évolue. 

    L’accord passé à Munich est approuvé par le Parlement (515 voix pour, 75 voix contre dont 73 communistes). 

    Une enquête d’opinion approuve l’accord : 57% pour l’accord, 37% contre.  70% des interrogés estiment que dorénavant la France et l’Angleterre doivent résister à toute nouvelle exigence de Hitler.

    En dépit de ses promesses, Hitler démembre la Tchécoslovaquie et fait occuper le territoire de Memel [11] en mars 1939. 

    Le territoire de Memel est incorporé à la Prusse orientale. 

    Il demande également de récupérer Dantzig [12] et de disposer d’une voie (chemin de fer et route) au travers du couloir de Dantzig. 

    Varsovie ne veut rien savoir.  La question polonaise est posée en termes brulants.

    En Angleterre, le 17 mars Chamberlain prononce un important discours où il déclare que l’appeasement n’est plus à l’ordre du jour. 

    Il s’efforce de gagner du temps et active le réarmement du pays. En août 1939 un traité d’alliance militaire est signé avec la Pologne.

    La France est liée à la Pologne par un traité datant de 1921 qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’attaque (Russie ou Allemagne). 

    Un nouvel accord militaire signé le 19 mai 1939 par Maurice Gamelin, chef d’état-major français,

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    et le général polonais Tadeusz Kasprzycki

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    prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression. 

    Gamelin promet une « offensive de secours franche dans les trois semaines suivant une attaque ».

    Se pose alors le problème des relations avec l’URSS. 

    Paris souhaite une convention militaire sous forme d’un accord tripartite URSS-Royaume-Uni-France et tient à aller vite en besogne. 

    Londres préfère des accords bilatéraux et traine les pieds, une alliance avec les bolcheviques étant pour beaucoup insupportable.

    De son côté Staline, déçu par la façon dont il a été traité à Munich, ne fait pas confiance et craint un accord entre dictatures et démocraties au détriment de l’URSS. 

    Il joue donc sur les deux tableaux et engage des négociations avec le Reich. 

    Il remplace Litvinov – un diplomate chevronné favorable aux démocraties - par un fidèle, Molotov.

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    Avec l’Angleterre et la France les négociations reprennent à Moscou au mois d’août 1939. 

    Le passage de troupes soviétiques à travers la Pologne pose un problème qui bloque tout. 

    Le 21 août le négociateur français, le général Doumenc,

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    reçoit ordre de signer un accord d’assistance mutuelle quelle que soit la position polonaise. 

    Le négociateur britannique n’a pas les coudées aussi franches et fait attendre. 

    Le 23 août Ribbentrop signe à Moscou un accord de non-agression.

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      Pour les démocraties, c’en est fait de l’alliance russe.

    En août la tension monte. 

    Chamberlain ne croit plus à l’appeasement. 

    Le gouvernement français est plus divisé : Edouard Daladier, Mandel,

    Jean Zay...

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     Paul Raynaud...

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    ne veulent rien céder ; Bonnet, Paul Marchandeau...

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    sont prêts à rechercher des concessions de la part de la Pologne. 

    Les pacifistes comme Marcel Déat, alors député socialiste,

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    refusent de mourir pour Dantzig. 

    Mussolini propose une nouvelle conférence internationale.  Londres ne fait plus confiance.

    Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht pénètre en Pologne. 

    A Paris, le Parlement vote le 3 septembre des crédits de 70 milliards pour « faire face aux obligations de la situation internationale ».

    Le mot guerre n’est pas prononcé. 

    Le 3 septembre Londres puis Paris, à 5 heures d’intervalle, adressent un ultimatum à Berlin. 

    Les troupes allemandes doivent se retirer de Pologne.  Hitler refuse. 

    En fin d’après-midi, la France et la Grande-Bretagne sont en guerre contre le IIIème Reich.

    La France part en guerre à contre-cœur. 

    [1]Les Allemands représentent 30% de la population tchécoslovaque en 1920.  La région des Sudètes est la plus industrialisée du pays.  Cette population de langue allemande se partage entre tenants d’une autonomie et partisans du rattachement à l’Allemagne.  A partir de 1933 le courant indépendantiste est dominé par le parti de Konrad Henlein qui n’est qu’une excroissance duparti nazi.

    [2] Konrad Henlein (1898_1945), ancien professeur de gymnastique leader du front patriotique des Sudètes appelé à partir de 1935 Sudetendeutsche Partei.  Ce parti recueille 15% des voix aux élections de 1935.  C’est le premier parti du pays.  Après l’annexion des Sudètes, Henlein devient Gauleiter de la région.  Il se suicide en mai 1945.

    [3]Traité signé le 25 janvier 1925.

    [4]Traité du 16 octobre 1925

    [5] Les traités d'assistance entre la France et la Tchécoslovaquie.  René Cassin, Politique Etrangère, année 1938 (3-4) pp. 334-359 .Le traité franco-tchécoslovaque demeure en vigueu raussi longtemps que le pacte rhénan garantissant les frontières occidentales de l’Allemagne.  Or, le pacte rhénan a été rompu avec l’annexion de l’Autriche.  Le traité franco-tchécoslovaque est donc caduc.C’est le point de vue que réfute René Cassin.

     

    [6]Les conclusions de la mission font l’objet d’une lettre au Premier Ministre en date du 21 septembre 1938

    [7]Le 27 septembre Chamberlain déclare à la radio : « Quelle que soit notre sympathie pour une petite nation qui se trouve aux prises avec un grand et puissant voisin, nous ne saurions, en toutes circonstances, nous engager à entrainer l’Empire britannique dans une guerre pour cette seule petite nation.  Si nous avions à nous battre, cela devrait être pour des problèmes plus vastes que celui-là ! » (Cité par M. François Poncet Souvenirs d’une ambassade à Berlin, Tempus 2018, p. 450)

    [8] La France est à la veille d’élections, période peu favorable pour lancer des opérations musclées.  Elle abandonne la Tchécoslovaquie avec qui elle a un accord d’alliance.  Les députés sont munichois à l’exception de Jean Bouhey, député socialiste de Côte d’Or.

    [9]Churchill voit juste : il s’oppose aux accords de Munich : « You were given the choice between war and dishonour.  You chose dishonour and you will have war”.

    [10]Joseph Tiso sera fait prisonnier par les Alliés et jugé par un tribunal tchécoslovaque qui le condamnera à mort et l’exécutera en 1947.

    [11]Ce territoire situé au nord du Niemen est constitué par une bande de 140 km de long et de 20 de large.  Il sépare la Lituanie de la Prusse orientale.  Le port de Memel (Klaipeda en Lithuanien) est un centre économique important.  Avant la première guerre mondiale il faisait partie du Royaume de Prusse.  Le traité de Versailles en a fait un territoire autonome placé sous l’autorité de la SDN et administré par la France.  Le territoire est habité par une population de langue allemande et de religion luthérienne.  Dès 1920 un mouvement indépendantiste favorable à un rattachement ultérieur à l’Allemagne se manifeste.  En janvier 1923 une révolte armée éclate à Memel, fomentée par des groupes favorables à la Lituanie.  Avec l’accord de la SDN qui cède devant le fait accompli, une administration indépendante est mise en place.  Un mois plus tard, le territoire est annexé par la Lituanie sous forme d’une région autonome (parlement, système juridique, deux langues, …).  80% de la population est d’origine allemande.  Elle n’a pas été consultée lors de la cession à la Lituanie.  En 1926 le gouvernement de Lituanie mène une politique de lituanisation.  A partir de 1934 des groupes pronazis se manifestent et demandent le rattachement à l’Allemagne.  Aux élections de décembre 1938, les partis pro- allemands remportent 87% des suffrages.  Hitler fait du retour du territoire au Reich une priorité.  En mars 1939, après un « ultimatum oral » adressé au gouvernement lituanien, la Wehrmacht occupe le territoire.  Le Royaume-Uni et la France ne réagissent pas.

    [12]Dantzig, anciennement sous l’autorité des Chevaliers teutoniques, est la capitale de la province de Prusse Occidentale.  En 1919 Dantzig et son territoire peuplé à 95% par une population allemande, devient une ville libre administrée par la SDN.  Il n’y a pas eu de referendum, comme le prévoyaient les « 14 points de Wilson ».  La population, surtout après 1933, s’insurge à plusieurs reprises contre cette situation et demande son rattachement à l’Allemagne.  Hitler en fait une priorité.


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