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Par Christaldesaintmarc le 29 Novembre 2023 à 05:55
Michel Lagrange, grand poète Châtillonnais, m'a fait l'honneur de me confier un des poèmes qu'il a écrit, inspiré par la vue du très beau sépulcre de l'église Saint-Vorles...
(cet article date de 2010, je le publie de nouveau, après la conférence de Jean-Luc Liez sur Claude Bornot, l'auteur de cette mise au tombeau extraordinaire dont personne à cet époque ne connaissait le nom)
Voici ce qu'il nous dit de l'inspiration qui l'a saisi devant cette magnifique mise au tombeau..
Ce texte, écrit en face de la mise au tombeau de l’église de Saint-Vorles, à Châtillon, est une méditation poétique sur le « Grand Mystère » de la mort et de la résurrection.
Même si une corde sépare les visiteurs des statues, il s’agit de la franchir, de passer outre, et de rejoindre ces statues, ce qu’elles incarnent…
D’abord, c’est l’angoisse, celle de ne pas être à la hauteur, de voir dénoncées ses propres ombres, ses manques, ses fautes… Le scandale est la mort du Christ, qu’il faut comprendre, et accepter, au-delà des réactions passionnelles, humaines, trop humaines…
La description de certains détails, loin de nuire à la portée du message, est chargée de les éclairer, faisant partie de la révélation.
Peu à peu, la communion s’établit entre le spectateur et les témoins directs de la mort scandaleuse du Christ. Il se fraie un passage, il adhère, il participe. Il est de plain-pied avec le silence et le message. Il est passé au-delà des apparences, au-delà du temps dont le spectacle est la mise au tombeau. Dans une éternité nouvelle.
MISE AU TOMBEAU
Mise au tombeau.
Une corde arc-en-ciel
Entre les vivants et les morts.
Je suis venu mécontent de ma vie.
Insuffisant. Au niveau courant de ma pente
Et curieux de toucher du doigt
Les plaies représentées par l’écho d’ici-bas.
Il faut passer par le tragique
Où la vie se déploie.
Partager la souffrance avec
Celle de Dieu qui est
Parmi les hommes,
Et les oblige
À des sublimations
Sans précédent.
Je suis comme un nomade affrontant des statues.
Comme un chevreuil qui voit venir quelqu’un…
Je voudrais me cacher.
En moi, l’angoisse.
Un tremblement profond. De qui se sent fautif
Et responsable.
Au-dessus de l’abîme, un corps
Est allongé,
Qui n’aurait jamais dû mourir.
Mais qui est mort,
Dans l’innocence,
Exprès pour sanctifier la mort
Et passer outre.
Un gisant pèse lourd.
Du poids de nos douleurs
Et de sa défection.
Il est impénétrable
Et divorcé de nous.
Sa bouche à demi close
Est un autel désaffecté.
Tous les morts ont des traits communs.
Ils font bloc dans l’absence
Et dans le froid qui les durcit.
Nous qui restons sur notre rive
Avons du mal
À ne pas nous sentir de trop.
Dans cette mort, le Christ est en exil.
Le temps méchant se fait prioritaire.
En attendant…
On est encore en cet instant
Sur le versant mortel de la crucifixion,
Dans le temps suspendu.
Alors que se profile
Un rendez-vous posthume
Avec la réconciliation glorieuse.
Absenté par la mort,
Le Christ a laissé porte close,
Avec la clé dans la serrure.
Un mystère à retardement – trois jours –
Va éclater.
Madeleine en sera témoin
Avant les autres.
Dans la douleur des survivants,
Les contemporains du Christ
Sont perdus.
Figés, comme le Christ,
Dans l’apparence
Où se complaît l’histoire.
Entre la rigidité du cadavre
Et la résurrection promise.
Leur désarroi n’est qu’une hésitation
Au carrefour du temps,
Où la mort du Christ a eu lieu.
Elle est coincée dans leur esprit
Comme un squelette
En travers de la vie confiante.
Tête à bout de patience,
Regard mi-clos,
Comme si fermer à demi les yeux
Diminuait l’éclat du scandale.
Ils ont la bouche entrebâillée
Afin d’évacuer les relents
De la mort dont les mots fermentent
Sur la paroi du sarcophage,
On voit les douze,
Habillés à l’antique.
Ils cherchent la parole et le mot guérisseurs.
Le bras posé de saint Jean sur Marie
Jette un pont de chaleur humaine,
En dépit de l’éclair de nuit
Qui a rompu la pierre.
Depuis que le flambeau a disparu,
La nuit n’a rien multiplié.
L’incandescence a des pouvoirs
Qui ne dépendent pas de nous.
L’épée brandie
N’existe plus,
Même si le bras du soldat
Pourfend le vide et joue les matamores.
Les donateurs sont plus petits
Que les contemporains du Christ,
Auxquels ils ont laissé
La priorité du geste officiel.
Ils sont agenouillés
Pour être à la hauteur
De l’affliction priante humaine.
Ils n’ont que l’âge en eux
De leurs mains réunies
Sur les mots silencieux de l’âme.
La femme est mutilée.
Ne souffre pas, n’interrompt pas pour autant
Sa prière.
Retrouvera ses mains
Au détour du chemin de la résurrection,
Déposées bien en vue,
Sur un bord de fenêtre,
Comme deux gants oubliés là…
Ces donateurs sont au courant
De ce qui aura lieu
À la fin du troisième jour.
Ils n’ont gardé que l’espérance
En écoutant le flux de la prière
Ouvrir en eux des sillons de fraîcheur paisible.
Au cimetière, à côté de Saint-Vorles,
Les morts sont enfermés
Dans un jardin de gravillons
Scrupuleux et balayés par le vent.
Trois jours et des poussières,
À l’ombre d’un château ruiné…
Le temps ne passe pas.
Se décompose un peu,
Plus lentement que la mémoire…
Ces morts sont en souffrance.
Oublieraient-ils que le Maître a péri
Avant eux, et qu’il a reparu avant eux,
Pour qu’il y ait résurrection de tous ?
Je vais je viens d’une émotion à l’autre.
Et me réconcilie avec le Christ
Au point de mire universel.
Il y a tant de mains ici
Que je ne sais laquelle apprivoiser.
Tenir entre les miennes.
Il y a tant d’humanité ici
Que l’homme est dépassé.
Et que le vide a disparu,
Et que le manque est bienvenu
Pour accueillir le Grand Mystère.
Le silence est habité par la grâce.
Il est ici chez lui.
Elle est ici chez nous.
Mon passage au milieu de l’unanimité
Tient du miracle.
Et ne fait ni remous ni confusion.
De près, je vois que ce n’est pas
Le goût de la mort qui s’impose
Entre les lèvres.
Je me mêle aux statues.
C’est comme si nous partagions
Une mission connue par cœur,
Et, bien avant de naître,
Initiatique.
C’est comme si j’étais le premier à leur dire :
« Attendez trois jours ! Revenez ! »
Clairvoyance intuitive !
Irradiation du sens au-delà du non-sens !
Je fais partie de la famille.
C’est la mise au tombeau du temps.
Merci, Monsieur Lagrange pour l'envoi de votre merveilleux poème .
NB: les dessins de la tête du Christ et de Marie Madeleine sont tirés du manuscrit de Michel Lagrange.
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Par Christaldesaintmarc le 16 Mars 2022 à 05:55
Monseigneur Roland Minnerath qui était archevêque de Dijon depuis 2004, a atteint la limite d'âge pour un évêque, c'est à dire 75 ans.
Il a donc dû démissionner de sa fonction épiscopale.
Un hommage lui a été rendu par les paroissiens qui ont fait éditer un superbe livre contenant de très belles photos réalisées pendant son sacerdoce.
A côté des photos, on peut voir des textes de Michel Lagrange qui s'est associé à ce très bel ouvrage.
Monseigneur Minnerath était venu en 2009 concélébrer une messe avec les anciens prêtres de la paroisse, dans l'église saint-Vorles de Châtillon sur Seine qui venait d'être restaurée :
http://www.christaldesaintmarc.com/une-tres-belle-ceremonie-a-saint-vorles-a546147
Et il avait béni la nouvelle statue de saint Bernard qui se trouve sur le parvis de l'église saint Vorles :
http://www.christaldesaintmarc.com/l-inauguration-de-la-statue-de-saint-bernard-a546167
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Par Christaldesaintmarc le 9 Février 2022 à 06:00
Lors des portes ouvertes de la nouvelle médiathèque, Michel Lagrange a présenté et dédicacé son nouvel ouvrage "Partir vers je ne sais quel ciel".
"Partir vers je ne sais quel ciel" associe la description poétique d'un voyage au Ladakh, appelé "le petit Tibet", à la réflexion que tout voyage engendre chez celui qui s'en va.
Sur place, d'abord le voyageur "émerge en désorient", perdu au milieu d'images décousues, sans profondeur ni signification.
Trop d'échecs en terre inconnue le mènent au bord de l'asphyxie physique et mentale il s'écroule, avant de se métamorphoser en un mendiant qui s'offre au monde humblement et qui peut recevoir les "leçons de la montagne" au-delà de ses souffrances et grâce à elles.
Le chemin s'ouvre enfin, prophétique et porteur de belles vérités Il est temps d'acquiescer , de devenir pèlerin de sa démarche, de pénétrer dans la beauté des choses, en communion spirituelle, tandis qu'un moine bouddhiste efface d'un revers de main un chef-d'œuvre de sable et qu'un papillon s'envole dans l'air impermanent.
Le recueil de poésies de Michel Lagrange est agrémenté de superbes photos qu'il a prises durant son voyage au Ladakh.
Durant la présentation de son nouvel ouvrage, Michel Lagrange a eu le grand plaisir de revoir ses amis Jean-Luc et Gisèle Runfola, avec qui il avait effectué ce trek au Ladakh.
Jean-Luc et Gisèle Runfola avaient présenté une conférence sur ce voyage, vous pourrez revoir l'article en cliquant sur le lien :
A noter que Michel Lagrange a fait don de ses manuscrits à la ville de Châtillon sur Seine, on peut les consulter à la nouvelle médiathèque..
Michel Lagrange est agrégé de lettres classiques. Professeur émérite, il est l'auteur de livres de bibliophilie avec des artistes comme Pierre-Yves Trémois, Pierre Soulages, Bernard Foucher.
Auteur d'une quarantaine d'ouvrages poétiques, il est lauréat de l'Académie française.
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Par Christaldesaintmarc le 30 Août 2021 à 05:55
La visite nocturne du Musée du Pays Châtillonnais a été un enchantement pour les visiteurs qui ont découvert plusieurs œuvres du Musée sous un autre angle, mystérieux et surprenant.
La surprise a été totale, lorsque, rassemblés entre le cratère et le torque d'or de la princesse de Vix, nous avons pu écouter un superbe poème que Michel Lagrange avait composé pour l'occasion...
Beauté auditive, beauté virtuelle, ce fut une soirée inoubliable....
AUTOUR DU TORQUE
Un torque
Une légende impressionnée par un or de silence
Une mémoire autour du temps
Un petit cheval indompté
Plus fort que l’espace et le jour
Sans le mors d’Athéna
-diadème d’or dans sa bouche écumante-
Pégase aux yeux fixés sur les replis de l’eau
Que son sabot fit naître
Une source… Hippocrène…
Méduse et ses yeux maternels
Punis d’avoir semé la mort
Méduse et son cri pétrifié
Entre ses dents de sanglier brutal
Elle mourut ensanglantée pour que vive la vie
Et que l’homme à l’épée paraisse
Et le petit cheval ailé
Sa mère au pilori de sa beauté barbare
Imposée gardienne aux flancs du cratère
Sa mère entourée de reptiles
Elle avait dans le sang ce cheval de fantasme
Le visiteur qui va et vient
Entre Méduse et le petit cheval ailé
Sait-il qu’il passe à travers la légende
Et qu’il risque un regard mauvais
Ce visiteur est un passant parmi des pages légendaires
Où le bronze aux reflets marins
Ouvre un chemin pour l’aventure
Au bord d’une falaise où se brisent les vagues
Où la Chimère est aux aguets
Persée l’enfant de la pluie d’or
Vient de franchir la fin de ce couloir
Il a tranché le col de la Méduse
L’eau et le sang font déjà des merveilles
Comment ne pas rester fidèle
À la beauté qui étreint qui délivre
Et ne pas être voyagé
Par la vie par la mort
Par l’au-delà des choses
Et des êtres vivants
Comment rester profane
Entre les murs de l’athanor
Où sont réunis les mystères
Afin qu’ils se répondent
Si le visiteur croit en eux
Une partie de son regard ne lui appartient plus……
Petits sursauts du cheval d’or
Écho mythique aux chevaux du cratère
Perpétuel mouvement du torque
Au défaut de la mort il brille
Et se souvient de la peau de la sueur
De la tiède émotion des clavicules
Et de la fébrilité d’une femme
Au soleil déclinant de la cérémonie
Il se souvient du froid de la rigidité fidèle
Et de la nuit dernière
Éventrée par les torches
Il a appartenu à la terre et au ciel
Bien avant de se retrouver
Posthume entre les mains des questionneurs
La beauté lui confère un pouvoir libre
Hostile aux anecdotes
À mi-chemin du trésor et de l’invisible
(Michel Lagrange août 2021)
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Par Christaldesaintmarc le 23 Mai 2019 à 06:00
Samedi 18 mai 2019, une bien agréable cérémonie s'est déroulée salle des Conférence de l'Hôtel de Ville de Châtillon sur Seine.
Ce jour-là, Michel Lagrange faisait don de tous ses manuscrits à la bibliothèque Municipale de la ville.
François Gaillard a tenu, avec beaucoup d'émotion, à retracer la vie et l'œuvre de son ami.
Moment de convivialité, moment de partage, moment de reconnaissance, moment de gratitude, et moment de poésie que nous vous proposons de vivre en l’honneur de notre poète Châtillonnais qui se définit lui-même comme un pèlerin du quotidien aux aguets » et qui a souhaité confier la précieuse matière de sa création poétique à la Ville de Châtillon sur Seine.
Il a écrit :
A Châtillon, j’ai beaucoup donné,j’ai beaucoup reçu. J’y ai fait ma vie avec ma famille. En paix, en profit, en bonheur ».
Ces paroles nous touchent, mais ne nous abandonnons pas à un « chauvinisme béat » et posons lui simplement la question pour savoir ce qui l’a frappé, ce qui l’a inspiré en Pays Châtillonnais, lieu qui lui fut donné par le hasard, et voici sa réponse : »Quand on s’attache à un lieu, on ne peut pas rester indifférent à ce charme qui agit sans cesse. On peut parler de sublimation, peut-être ! » et il ajoute « S’il n’y avait pas eu à Châtillon la Princesse et son Trésor de Vix, j’aurais peut-être renoncé à y demeurer ! ».Etonnant comme cette réflexion avoue son évidence ! des dizaines d’années après la fondation et l’installation de la famille Lagrange en nos murs. Et d’un coup, nous comprenons que pour Michel Lagrange, « l’invisible a des pouvoirs aussi prenants que ce qui visiblement nous entoure.
Je vous propose à travers quelques brefs extraits de « Leçons d’un paysage » de suivre le « voyageur oblique » en Pays Châtillonnais qui met « sa destinée dans les pas de la vie »
Plateau forêt gibier silence…
A chaque fois le mémorial
D’écorce vive ou de blé mûr
Atteste une présence et me répond
Par les ricochets de son jeu d’échos.
Regards sur la ville :
Au milieu de la ville intacte et bombardée
La neige a blanchi ma mémoire
Où des passants inscrivent
Au noir et blanc de ma conscience
A tour de rôle et de priorité
Un culte :
Un homme ainsi porte en sa chair
Un réseau vieux comme le monde
Où les disparus sont présents.
Et ce n’est pas Saint Vorles qui
Limitera mon cœur au simple lieu
De sa présence.
Il est où on ne l’attend pas
Ici, ailleurs, aujourd’hui comme hier
Cœur enflammé secourt l’enfant.
Notre histoire
Il y a des saisons sans calendriers ni concours
Qui me font le contemporain
Des Celtes, des Gallo-Romains,
Du manteau blanc des abbayes,
Des douleurs de ceux qui labourent.
La tradition
Rituel charivari fureur
Au bruit des chaudrons que l’on tape…
Esprits de l’hiver saisis de terreur
Devant les bourgeons vernissés,
C’est le cortège haut en couleurs
De l’espoir paysan
Et de la foi superstitieuse.
Histoire contemporaine
Maquis Tabou
Maquis Montcalm,
Et maquis Valentin-Balzac…
Et tant de noms que l’on murmure
Au niveau doré du silence
Et du respect…
Les secrets des sous-bois se sont mis à saigner
Quand la Résistance a dit « NON ! »
Et les soleils de conviction n’ont jamais renoncé
Enfin, lieu mythique intemporel
Source d’abondance et d’explorations !
Leçons de la grande eau majeure !
La Douix ressemble à la divinité
Tout armée sortie du ventre terrestre.
Il y a peu de cette résurgence à la résurrection,
De la captivité à la libération,
De l’enfermement à ce qui jubile
Quelle chance pour nous tous d’avoir auprès de nous, un révélateur éclairé des forces du présent, des secrets du passé, un amplificateur des sentiments les plus purs.
La main du poète a tracé tout cela sur de modestes cahiers qui seront confiés aux bons soins des générations futures.
C’est une richesse que nous sommes tous très heureux de partager et en la circonstance, cela se traduit , non pas par des phrases verbeuses mais par un profond et sincère MERCI , merci partagé avec tous eux qui ont souhaité t’entourer en ce jour.
Michel Lagrange, très ému, a dit son affection pour la ville de Châtillon qu'il a appris à aimer et qu'il ne quitterait pour rien au monde.
Cette ville, ainsi que le Châtillonnais qu'il a découvert avec ravissement, lui ont permis de ressentir profondément des liens avec la nature, la beauté des sites, les légendes, l'air si pur... tout a été pour lui une source de réflexions profondes qui l'ont inspiré et lui ont permis de composer de superbes poèmes qui nous parlent si fort aujourd'hui.
Michel Lagrange, avant de nous lire quelques poèmes, nous a montré une photographie qu'il a prise au milieu de l'hiver.
Se rendant à Dijon, il a aperçu au bord de la route, avant le village d'Aisey sur Seine, un arbre , peut-être mort, ou peut-être défeuillé par l'hiver.
Sur ses branches des dizaines de cormorans étaient perchés. Cette présence a inspiré le poète qui a composé de retour chez lui ce magnifique poème :
L'arbre aux cormorans
Grand arbre mort debout
Armé de cormorans
Comme autant de guetteurs
Postés pour scruter le mystère
Une vingtaine instinctivement regroupés
Selon des lois venues de loin
Apportées jusqu’ici
Répétition d’oiseaux-fruits mûrs
Essentielle harmonie de formes
Orchestrant les détails d’une perfection supérieure
Cette invention de la beauté
Me pousse hors de mes regards quotidiens
Je suis dans un spectaculaire
Etranger aux hasards
L’instant banal éclate
Un temps hors du commun des jours paraît
Seul véridique
Allumant dans mes yeux
Un chandelier porteur de magies noires
Il n’y a pas de révélations secondaires
Une anecdote a les profondeurs qu’on attend
Si l’on est prêt aux aventures
Et si la beauté va plus loin
Que le calendrier des apparences.
Michel Lagrange a été sollicité par un de ses amis vivant à Téhéran, pour composer des poèmes, destinés à accompagner un recueil de photos et d'œuvres d'art iraniennes.
Curieusement, dans cet Iran merveilleux, existe une légende, celle du Simorgh, oiseau fabuleux qui fait penser au "phénix".
Le poète soufi iranien Attar a écrit l'histoire d'une bande de trente oiseaux pèlerins partant, sous la conduite de la huppe, à la recherche d'un Simorgh dans le livre La Conférence des oiseaux (en persan : منطقالطیر).
À la fin de leur quête, ils découvrent leur moi profond .
La ressemblance entre l'arbre aux cormorans d'Aisey sur Seine et la légende du Simorgh et les trente oiseaux qui le recherchent, a inspiré Michel Lagrange qui a écrit ce second superbe poème :
L'arbre aux cormorans
A l’horizon
Un dôme en perfection turquoise
Et sympathie cosmique
Une rivière appelée autre part
Vers un soleil nouveau
Un arbre mort
Greffé de cormorans guetteurs
De passage ici-bas
Dans cet arbre humilié
Le diapason des oiseaux noirs
Une trentaine
Instinctivement regroupés
Selon des lois venues de loin
Pour donner corps à la Révélation future
Aucune envie de vol
Aucune incandescence
Au bord de la rivière
Une répétition d’oiseaux-fruits mûrs
Dans un arbre mort de chagrin
Couleurs de rouille et de plâtre étoilé
Autant d’oiseaux de l’ombre
Attendant la lumière
Autant de pèlerins désorientés
Un alphabet angulaire et coufique
Au hasard dans les branches
Espérant l’unité d’un texte sacro-saint
Cet arbre obligé au silence
Attend que je réponde
Et le délivre
En orchestrant les éléments d’un rêve éparpillé
Roulis des apparences
Emanation de la Beauté
La migration de trente oiseaux
Unanimement flambant neufs
Hubert Brigand, Maire de Châtillon sur Seine, a accepté, au nom de la Ville, avec un très grand plaisir le don des manuscrits de Michel Lagrange. Ces derniers iront enrichir, pour l'instant la Bibliothèque Municipale, puis dans quelque temps la nouvelle médiathèque.
Les premiers coups de pioche pour démolir l'ancienne grande surface le Marmont, auront lieu en juillet. La démolition sera délicate car le bâtiment est amianté.
La construction de la médiathèque suivra, et les manuscrits de Michel Lagrange y auront une place d'honneur.
Voici la pile des manuscrits offerts à la Ville par Michel Lagrange :
Et quelques uns de ces manuscrits, certains superbement illustrés par l'auteur :
Hubert Brigand a ensuite remis la médaille de la Ville à Michel Lagrange.
et des fleurs à son épouse...
Ce fut un bien beau moment d'émotion pour l'écrivain-poète, partagé par ses amis venus lui rendre hommage et le féliciter.
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Par Christaldesaintmarc le 22 Février 2018 à 05:55
Au début du vernissage des tableaux d'Hellen Halftermeyer et des sculptures de Pierre Mouzat dans la Galerie d'Or et d'Art de Châtillon sur Seine, Michel Lagrange a fait une mise au point très intéressante sur la notion de beauté dans l'Art.
Son texte avait toute sa place ici.
Quelques réflexions sur la notion de BEAUTÉ, face à des œuvres comme celles qui sont exposées aujourd’hui.
Beaucoup trop de visiteurs confondent beau et joli.
Est joli ce qui plaît, ce qui est agréable, facile, flatteur, décoratif. Une jolie fleur, un joli cœur… Je me rappelle des amis à qui je montrais un dessin de Pierre-Yves Trémois représentant des hommes en train de se battre, violemment. Ils ont accueilli ces dessins avec des cris d’horreur ! Ces spectateurs étaient sensibles de façon primaire et viscérale au thème de ce combat sans pitié, insensibles à la pureté admirable du dessin.
Est beau ce qui profondément nous touche, nous interroge, nous dérange par sa force, son harmonie nouvelle, son unité supérieure aux apparences. Une œuvre dont les éléments, même s’ils ne recherchent pas les critères de la beauté classique, créent une vague d’émotion par leur perfection formelle. Est beau ce qui bouleverse, même quand les apparences sont brutales, troublantes, horribles…Pensez à Jérôme Bosch, à Grünewald, aux damnés aux enfers des Jugements Derniers, à une symphonie de Chostakovitch, à une œuvre de Bernard Buffet, à un nu de Francis Bacon ou de Lucian Freud, à une sculpture de Marc Petit…
Ces œuvres sont belles car elles constituent un acte de vérité et la recherche d’une création unique, au service d’un univers où tout se tient, où tout signifie, où tout nous parle de nous et de notre condition humaine.
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