• "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Lectures choisies

    J'ai eu la grande joie d'assister à un spectacle de toute beauté dans le cadre magnifique du château de Bussy-Rabutin

    Quel plus bel endroit que le château de Bussy-Rabutin  où Hélène Babu et Marcel Bozonnet ont pu se donner la réplique et ont pu dévoiler l’intimité épistolaire des illustres cousins, la marquise de Sevigné et le comte Roger de Bussy-Rabutin ?

    Accompagnés par la violoncelliste Claire Gratton, les deux comédiens se sont installés, le temps de la lecture, dans le si beau salon doré.

    François-Xavier Verger, l'administrateur du château de Bussy-Rabutin a présenté les artistes.

    Marcel Bozonnet est un comédien et un metteur en scène français né à Semur-en-Auxois.

    Il a également été professeur à l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) de 1979 à 1984 et a dirigé le Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique de Paris de 1993 à 2001.

    Entré à la Comédie-Française en 1982, il en devient sociétaire en 1986.

    Nommé Administrateur Général de la Comédie-Française en 2001, il ouvrit la salle Richelieu à des auteurs contemporains, créa un spectacle remarqué autour des Fables de La Fontaine mises en scène par Bob Wilson et recruta le premier pensionnaire noir du Théâtre Français, Bakary Sangaré.

    Son mandat d'administrateur général de la Comédie-Française s'est achevé en 2006 

    Hélène Babu entra à l’âge de dix ans à l’école de danse de l’Opéra de Paris et commença son expérience professionnelle par la danse classique sur les plus grandes scènes.

    Six ans plus tard elle entama une formation théâtrale. Elle entra à la classe libre du cours Florent puis ensuite au Conservatoire National Supérieur d’Art dramatique de Paris.

    A sa sortie du CNSAD elle a joué dans La pluie d’été de Marguerite Duras mis en scène par Eric Vigner. Elle a travaillé également au théâtre avec Michel Didym, Julie Brochen, Arthur Nauzyciel, Jean Philippe Vidal, Laurent Laffargue, Roger Planchon…

    Au cinéma elle a tourné  sous la direction de Mathieu Amalric,Catherine Corsini, Roger Planchon, Jean Michel Ribes…

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Les lettres échangées par la Marquise de Sévigné et son cousin, le Comte de Bussy-Rabutin furent lues sous le portrait de ce dernier, vêtu à l'antique.

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Ce portrait de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné est tiré du triptique situé dans la chambre du Comte de Rabutin. Ce triptique représente la Comtesse de Rabutin épouse du Comte,  la Comtesse de Grignan, et la Marquise de Sévigné.

    Voici ce que disait Roger de Rabutin de sa cousine, dont il était secrètement épris :

     « Marie de Rabutin, une des plus jolies filles de France, épousa Henri de Sévigné, gentilhomme de Bretagne, ce qui fut une bonne fortune pour lui, à cause du bien et de la personne de la damoiselle ».

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Les différentes lettres choisies par les comédiens ont illustré tour à tour les liens entre les cousins, et nous ont entraînés au cœur du XVIIème siècle.

    Hélène Babu et Marcel Bozonnet ont donné superbement vie aux textes de la Marquise et du Comte et, par leur talent, ont magnifié les qualités d’écriture des auteurs.

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Le violoncelle de Claire Gratton a superbement fait la liaison entre les lettres tantôt joyeuses, tantôt plus acides des deux cousins.

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

     Roger de Rabutin, qui était mécontent du refus de sa cousine de Sévigné  de lui prêter de l'argent, avait tracé d'elle un portrait satirique dans son "Histoire amoureuse des Gaules".

    Il  lut ce portrait à sa maîtresse, madame de Montglas, qui  avait accepté de lui prêter cet argent. Cette dernière le transmit à une certaine madame de la Baume qui s'empressa de faire connaitre ce portrait acide de la Marquise à toute la cour, ce qui déplut fortement à Marie de Sévigné, on la comprend...

    Aussi, de 1666 à 1668, Roger Bussy ne cessa de correspondre avec Marie de Sévigné, pour rentrer en grâce.

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    La réconciliation fut longue et ardue, de très nombreuses lettres furent échangées, mais elle eut lieu, Marie pardonna à son cher cousin Roger...

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Hélène Babu esquissa quelques pas de danse au son du violoncelle...

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Les artistes furent très applaudis...

    Ils nous ont fait passer une merveilleuse après-midi, nous faisant redécouvrir avec émerveillement le si beau style épistolaire de cette époque...

    "Correspondance choisie" entre la Marquise de Sévigné et le Comte de Rabutin

    Voici quelques extraits de la  lettre de reproches que madame de Sévigné adressa à son cousin, au sujet du portrait que ce dernier fit d'elle :

    À Paris, ce jeudi 26ème juillet de 1668

    Nous sommes proches, et de même sang. Nous nous plaisons ; nous nous aimons, nous prenons intérêt dans nos fortunes. Vous me parlez de vous avancer de l’argent sur les dix mille écus que vous aviez à toucher dans la succession de Monsieur de Chalon. Vous dites que je vous l’ai refusé, et moi, je dis que je vous l’ai prêté. Car vous savez fort bien, et notre ami Corbinelli en est témoin, que mon cœur le voulut d’abord, et que lorsque nous cherchions quelques formalités pour avoir le consentement de Neuchèze, afin d’entrer en votre place pour être payé, l’impatience vous prit ; et m’étant trouvée par malheur assez imparfaite de corps et d’esprit pour vous donner sujet de faire un fort joli portrait de moi, vous le fîtes, et vous préférâtes à notre ancienne amitié, à votre nom, et à la justice même, le plaisir d’être loué de votre ouvrage. Vous savez qu’une dame de vos amies vous obligea généreusement de le brûler. Elle crut que vous l’aviez fait ; je le crus aussi.

    (...)

    Il y eut des gens qui me dirent en ce temps-là : « J’ai vu votre portrait entre les mains de Mme de La Baume, je l’ai vu. » Je ne réponds que par un sourire dédaigneux, ayant pitié de ceux qui s’amusaient à croire à leurs yeux. « Je l’ai vu », me dit-on encore au bout de huit jours, et moi de sourire encore. Je le redis en riant à Corbinelli ; il reprit le même sourire moqueur qui m’avait déjà servi en deux occasions, et je demeurai cinq ou six mois de cette sorte, faisant pitié à ceux dont je m’étais moquée. Enfin le jour malheureux arriva, où je vis moi-même, et de mes propres yeux bigarrés ce que je n’avais pas voulu croire. Si les cornes me fussent venues à la tête, j’aurais été bien moins étonnée. Je le lus, et je le relus, ce cruel portrait ; je l’aurais trouvé très joli s’il eût été d’une autre que de moi, et d’un autre que de vous. Je le trouvai même si bien enchâssé, et tenant si bien sa place dans le livre, que je n’eus pas la consolation de me pouvoir flatter qu’il fût d’un autre que de vous. Je le reconnus à plusieurs choses que j’en avais ouï dire plutôt qu’à la peinture de mes sentiments, que je méconnus entièrement. Enfin je vous vis au Palais-Royal, où je vous dis que ce livre courait. Vous voulûtes me conter qu’il fallait qu’on eût fait ce portrait de mémoire, et qu’on l’avait mis là. Je ne vous crus point du tout. Je me ressouvins alors des avis qu’on m’avait donnés, et dont je m’étais moquée. Je trouvai que la place où était ce portrait était si juste que l’amour paternel vous avait empêché de vouloir défigurer cet ouvrage, en l’ôtant d’un lieu où il tenait si bien son coin. Je vis que vous vous étiez moqué et de Mme de Montglas et de moi, que j’avais été votre dupe, que vous aviez abusé de ma simplicité, et que vous aviez eu sujet de me trouver bien innocente, en voyant le retour de mon cœur pour vous et sachant que le vôtre me trahissait ; vous savez la suite.

    Être dans les mains de tout le monde, se trouver imprimée, être le livre de divertissement de toutes les provinces, où ces choses-là font un tort irréparable, se rencontrer dans les bibliothèques, et recevoir cette douleur, par qui ? Je ne veux point vous étaler davantage toutes mes raisons. Vous avez bien de l’esprit ; je suis assurée que si vous voulez faire un quart d’heure de réflexions, vous les verrez, et vous les sentirez comme moi. Cependant que fais-je quand vous êtes arrêté ? Avec la douleur dans l’âme, je vous fais faire des compliments, je plains votre malheur, j’en parle même dans le monde, et je dis assez librement mon avis sur le procédé de Mme de La Baume pour en être brouillée avec elle. Vous sortez de prison ; je vous vais voir plusieurs fois. Je vous dis adieu quand je partis pour Bretagne. Je vous ai écrit, depuis que vous êtes chez vous, d’un style assez libre et sans rancune. Et enfin je vous écris encore quand Mme d’Epoisses me dit que vous vous êtes cassé la tête.

    Voilà ce que je voulais vous dire une fois en ma vie, en vous conjurant d’ôter de votre esprit que ce soit moi qui aie tort. Gardez ma lettre, et la relisez, si jamais la fantaisie vous prenait de le croire, et soyez juste là-dessus, comme si vous jugiez d’une chose qui se fût passée entre deux autres personnes. Que votre intérêt ne vous fasse point voir ce qui n’est pas ; avouez que vous avez cruellement offensé l’amitié qui était entre nous, et je suis désarmée. Mais de croire que si vous répondez, je puisse jamais me taire, vous auriez tort, car ce m’est une chose impossible. Je verbaliserai toujours. Au lieu d’écrire en deux mots, comme je vous l’avais promis, j’écrirai en deux mille, et enfin j’en ferai tant, par des lettres d’une longueur cruelle et d’un ennui mortel, que je vous obligerai malgré vous à me demander pardon, c’est-à-dire à me demander la vie. Faites-le donc de bonne grâce.

    (...)

    La plus jolie fille de France vous fait des compliments. Ce nom me paraît assez agréable ; je suis pourtant lasse d’en faire les honneurs.

     


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