-
"Diderot et l'encyclopédie", une conférence de Michel Lagrange pour l'Association Culturelle Châtillonnaise
Madame Simon, présidente de l'Association Culturelle Châtillonnaise, a souhaité qu'une deuxième conférence sur Diderot et l'Encyclopédie soit présentée aux adhérents de l'Association, avant leur voyage à Langres le mardi 25 mars 2014.
Elle a demandé à Michel Lagrange, érudit et poète Châtillonnais, s'il accepterait de faire un exposé sur le sujet.
Michel Lagrange a relevé le défi en nous présentant une éblouissante conférence sur le siècle des Lumières, sur Diderot et l'Encyclopédie.
Michel Lagrange a commencé son exposé par deux clins d'œil :
A Dijon la maison natale de Bossuet a abrité longtemps un magasin vendant de la coutellerie de Langres... Quand on sait que Diderot qui a voué le Catholiscisme et la Royauté ( dont Bossuet était un thuriféraire), aux gémonies, était le fils d'un coutelier de Langres, cette photo fait en effet, sourire !
Deuxième clin d'œil : la statue de Diderot à Langres, très mal acceptée par les Langrois de l'époque (Langres était une ville épiscopale, et l'athéisme de Denis Diderot révulsait ses habitants), a été réalisée par Bartholdi.
Or ce fut Bartholdi qui conçut la célèbre statue de "la liberté éclairant le monde" à New-York...statue qui nous évoque le "siècle des Lumières" si bien représenté par Diderot !
Denis Diderot est souvent évoqué par ce portrait de Fragonard, mais ce portrait ne le représente pas, sauf par son titre... "le philosophe"...
Deux portraits nous le montrent vraiment, celui de Van Loo :
Et celui de Garant :
Biographie de Diderot
Denis Diderot naquit à Langres en 1713 dans une famille de petite bourgeoisie, son père étant maître coutelier.
A l'âge de douze ans il fut tonsuré car on le destinait à la prêtrise. Mais Denis était un enfant indiscipliné. Dès qu'il le put il partit à Paris étudier le droit, en menant une "vie de bohème", pratiquant de nombreux petits métiers pour survivre.
En 1743 il s'enticha d'une jeune lingère, Antoinette Champion et voulut l'épouser. Son père lui refusa son consentement et le fit enfermer dans une abbaye.. Mais il s'en échappa et se maria tout de même.
Ce mariage ne fut pas heureux, car Denis était un homme sensuel, jouisseur, passionné...
En 1746 il écrivit ses "Pensées Philosophiques", un ouvrage délibérément anti-Pascal, où il émettait une critique virulente contre la religion, puis un livre sulfureux érotique "les bijoux indiscrets" qui lui valut d'être dénoncé auprès du Prévôt car il "corrompait les mœurs" !
Sa "lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient" provoqua un grand scandale, il fut alors incarcéré à Vincennes.
Une petite anecdote relevée par Michel Lagrange :
Jean-Jacques Rousseau, ami de Diderot (à l'époque, car plus tard ils se fâchèrent) lui rendit visite en prison. Durant son voyage il apprit qu'un concours était proposé par l'Académie de Dijon. Il y participa avec son "Discours sur les sciences et les arts" et gagna le prix en 1750 ! (Michel Lagrange a aussi reçu ce prix en ...1985 !)
Diderot parlait anglais, ce qui lui valut de prendre la tête de la traduction de la Cyclopedia d'Ephraïm Chambers . Cette traduction fut à la base de la composition de "l'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers" qu'il assuma avec de nombreux collaborateurs, pendant vingt ans .
Denis Diderot continua, malgré son lourd travail d'encyclopédiste, d'écrire des pièces de théâtre (l'enfant naturel), des essais (le paradoxe du comédien) , des romans (la religieuse, le neveu de Rameau)
Diderot correspondit avec son amie Sophie Volland, fut critique d'Art lors des salons de peinture de l'époque. Il décrivit à merveille les tableaux de Fragonard, comme "le verrou"...
de Watteau, "L'embarquement pour Cythère" :
Ou "l'épousée de village" de Greuze.
Michel Lagrange nous lut d'ailleurs la critique éblouissante que Diderot fit de ce tableau...
Diderot fut en relation avec Catherine II de Russie, mécène éclairée. En 1765 il lui vendit sa bibliothèque.
Denis Diderot mourut à Paris en 1784, il fut enterré dans l'église Saint-Roch. Ses ossements furent jetés à la fosse commune par les révolutionnaires.
Ses cendres ne pourront donc jamais entrer au Panthéon, où, néanmoins, une statue lui rend hommage :
Michel Lagrange évoqua ensuite "l'Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers".
Frontispice de l'Encyclopédie :
Michel Lagrange nous rappela que le XVIIIème siècle fut un siècle d'effervescence morale, de libertinage, en réaction avec le siècle précédent, si austère, du règne de Louis XIV.
Les "salons" apparurent (Madame Geoffrin, Madame de Lespinasse), les cafés comme le Procope, permettaient aux intellectuels de se retrouver et de confronter leurs idées.
L'Encyclopédie fut une "machine de guerre" contre l'ancien régime et la religion catholique, dont elle dénonçait les travers, souvent à mots couverts...mais lisibles tout de même, ce qui déclencha son interdiction et même son rejet par le Pape !
L'ouvrage faisait comprendre que le pouvoir doit être dévolu au peuple et à lui seul, que l'homme doit être libéré de ses superstitions politiques et religieuses, car "la foi est un bandeau qui aveugle". On n'est pas loin, remarque Michel Lagrange, de ce que disait Karl Marx en qualifiant la religion d'"opium du peuple".
Diderot collabora un peu à l'Encyclopédie de Panckoucke, qui était plus facile d'accès, car les articles étaient classés par ordre alphabétique (ce qui n'était pas le cas de l'Encyclopédie de Diderot).
Quelques planches de l'Encyclopédie en diaporama :
Avant de conclure, Michel Lagrange nous lut l'article de l'Encyclopédie consacré à Châtillon sur Seine et à ses environs.
J'ai photographié la page de cet ouvrage précieux, apporté par Madame Gueneau, la Bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Châtillon sur Seine.
Et en plus gros, (je suis un peu chauvine !), le passage qui parle de Saint Marc, appelé Saint Mard.
Saint Mard avec un D , ce n'est pas une erreur, c'est l'encyclopédie qui a raison, c'est son véritable nom, car à l'origine ce village s'appelait Saint Médard !
Un autre tome de l'Encyclopédie prêté par Madame Gueneau :
Michel Lagrange conclut son brillant exposé en affirmant que l'Encyclopédie fut un ouvrage capital pour la pensée française. L'Encyclopédie nous présente un idéal humaniste où la morale doit être naturelle, séparée de la religion, la priorité étant donnée à l'individu.
Néanmoins la démarche des encyclopédistes (pas loin des loges maçonniques) fait preuve d' une dérision généralisée, une démarche vers un "politiquement trop correct". L'encyclopédie fait aussi la part trop belle aux techniques.
Michel Lagrange répondit ensuite aux questions des auditeurs qui le remercièrent ensuite par de vibrants applaudissements.
Merci à lui pour cette conférence qui nous permettra d'arriver sereins à Langres la semaine prochaine !
Tags : conference, encyclopedie, diderot, michel, lagrange
-
Commentaires