• Dominique Masson nous offre aujourd'hui une étude sur les toits et les pigeonniers d'Ampilly le Sec (mais cette étude recouvre aussi les toitures que l'on peut voir dans tout le Châtillonnais)

    A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly-le-Sec

     Quand on passe à Ampilly-le-Sec, on peut voir, au bord de la route départementale, un groupe de maisons, aux toitures différentes.

    Mais le village d’Ampilly, si l’on parcoure ses rues à pied, offre un grand échantillonnage de toits variés.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

     Autrefois, les toitures étaient en chaume, mais présentaient beaucoup de risques d‘incendies. La lauze, ou la « lave », dans le Châtillonnais, évitait ce genre d’inconvénient. Il reste aujourd’hui peu de toits en lave dans le Châtillonnais et la confection d’un toit en pierre était laissée aux maîtres laviers.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    La tuile, en argile, depuis l’époque romaine, était fort employée. Des tuileries existaient, depuis le moyen-âge et peut-être même avant, dans le Châtillonnais, fournissant, en particulier, les châteaux ducaux.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    La tuile plate peut présenter plusieurs aspects ; si la plus courante se présente sous forme de rectangles, on trouve aussi des tuiles de forme écaille ou queue de castor.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Ces tuiles peuvent également être vernissées.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    En 1840, les frères Gilardoni d’Altkirch (Haut Rhin), inventèrent la tuile à emboîtement en terre cuite. Le principe consiste à gagner de la surface utile en remplaçant le recouvrement important des éléments entre eux, nécessaire à l’étanchéité des tuiles plates, par un jeu de chicanes emboîtées. C’est ce que l’on rencontre essentiellement aujourd’hui.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Mais il existe plusieurs formes de ces tuiles.

    On trouve couramment la tuile losangée.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Par contre, la tuile violon est plus rare ; quelques exemplaires de toitures avec ces tuiles se trouvent aussi à Montigny-sur-Aube ou à Lucey.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    La pierre ou l’argile ne sont pas les seuls matériaux pouvant servir sur une toiture. Au XIXe siècle, il y eut une mode, souvent pour marquer l’aisance ou la richesse, ou pour honorer Dieu : c’est l’ardoise, venue par le train d’autres régions françaises. En plus, le poids était beaucoup moins important sur les charpentes.

    Là aussi, les ardoises peuvent n’être que des rectangles, maintenus par des crochets de fer au lattis sous-jacent.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

     Mais il peut y avoir un peu plus de fantaisie.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Et il ne faut pas oublier les abouts de rive.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

     Les pigeonniers offrent une autre forme architecturale, en rond ou en carré, avec un rebord en pierre pour que les oiseaux puissent arriver ou s’envoler, voire un cercle entier afin que des prédateurs ne puissent entrer.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Mais il y a encore d’autres richesses à voir à Ampilly…

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    (Photographies Dominique Masson)


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  •  L'église Saint-Jean Baptiste, située rue Docteur Robert à Châtillon sur Seine est en pleine restauration extérieure.

    Dominique Masson nous montre quelques photos du début du chantier et nous raconte l'histoire de cette belle église.

    Merci à lui.

    Notule d’histoire :

    la réfection des extérieurs de l’église Saint Jean de Châtillon

     La population du quartier de Chaumont augmentait sensiblement au XVIe siècle et les habitants n’avaient dans la rue que la chapelle Saint Michel des Antonins.

    Sinon, ils devaient aller à l’église Saint Nicolas ou à l’église de l’abbaye Notre Dame, mais en devant franchir les murailles de Châtillon.

    Aussi, grâce aux libéralités d’un riche marchand de la rue, Jean Dupuis, obtinrent-ils de l’abbé de Notre Dame et de l’évêque de Langres la permission de construire une chapelle, entre la Grande Rue de Chaumont et la Petite, sous la coupe de l’abbé.

    Cette chapelle fut consacrée, le 10 janvier 1551, par Philibert de Beaujeu, évêque de Bethléem, au nom du cardinal de Givry, évêque diocésain.

    L’évêque fit en même temps don d’un ossement de Saint-Jean-Baptiste, pour le mettre dans une chasse et le conserver dans la chapelle.                                                                                                                   

    En 1610-1617, les habitants, probablement nombreux et trouvant la chapelle trop exiguë, l’agrandirent de plusieurs travées.

    Mais il semble que la construction ait été faite rapidement, mais avec peu de soins, de sorte qu’il fallut assez vite faire des réparations.

    La voûte menaçant ruine, des piliers arcs-boutants furent construits en 1740, les « épiliers ».    

    En 1774, les réparations devinrent urgentes, car les murs de l’église s’écartaient et le clocher menaçait de s’écrouler.

    La voûte sous le clocher fut abattue et d’énormes arcs-doubleaux construits pour le soutenir.

    Extérieurement, les arcs-boutants furent exhaussés pour mieux contrebalancer la poussée des murs ; la toiture fut réparée avec de la lave et des tuiles.

    L’année 2021 voit une nouvelle campagne de réparations, concernant les extérieurs de l’église.

    Après plus d’un mois pour monter les échafaudages, la restauration proprement dite va commencer et ne se terminera qu’en 2022.

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    figure 1 :Les travaux à effectuer à l'église Saint-Jean

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 2 : La construction des échafaudages

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 3 :La mise en place des éléments supportant la toiture, côté rue Docteur Robert

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 4 :La mise en place des éléments supportant la toiture côté rue Saint-Jean

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Fifure 5 : Les éléments de toiture en place

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 6 :La pose des plastiques formant la couverture le temps des travaux

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 7 : Un exercice d'équilibriste

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 8 : L'église Saint-Jean "enveloppée" le temps des travaux

    Dominique  Masson et Jean Millot ont fait découvrir les richesses intérieures de  l'église Saint-Jean Baptiste il y a quelques années, voici l'article qui relate cette visite :

    http://www.christaldesaintmarc.com/visite-de-l-eglise-saint-jean-baptiste-a701708


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  • Dans ce nouveau notule d'histoire, Dominique Masson nous fait connaître la vie d'un châtillonnais peu connu de nos concitoyens, Gustave Tridon , qui joua un rôle important dans la "Commune de Paris", dont on commémore cette année le 150ème anniversaire, puisqu'elle a eu lieu  du 18 mars au 28 mai 1871.

    Merci à l'historien pour ses recherches toujours si intéressantes.


    Gustave Tridon, les châtillonnais et la Commune de Paris

    Le 21 octobre 1830, se mariaient Jean Baptiste Tridon et Vorlette Elisabeth Morel.

    Le couple attendit le premier janvier 1841 pour avoir un fils, qui sera baptisé Edme Marie Gustave.

    Gustave Tridon

    (Figure 1 :acte de naissance de Gustave Tridon.Etat Civil de Châtillon sur Seine)

    Son grand-père paternel était Edme Tridon, marchand cirier, habitant rue de Chaumont (rue Docteur Robert) et son grand-père maternel Robert Morel, marchand tanneur, rue du Recept.

    La famille est aisée, Jean Baptiste Tridon s’était, paraît-il, enrichi en spéculant sur d’anciens biens nationaux achetés en bloc et revendus en détail [i].

    Gustave eut une enfance heureuse, choyé par une mère dévote.

    Peu avantageux physiquement, il était très intelligent et fut envoyé étudier à Dijon, puis Paris où il prépara une licence en droit [ii].

    Encore étudiant, en 1862, Auguste Tridon est accusé de complicité d’outrage public à la morale, mais il sera acquitté par la commission disciplinaire de l’enseignement supérieur, le 29 mars 1862 [iii]                                                                                 

    Devenu avocat, il ne plaidera jamais, étant indépendant financièrement, mais deviendra publiciste et se lancera dans la rédaction d’articles dans les journaux.

    En 1865, il est condamné pour outrage à la morale publique et religieuse, à cause d’un article paru dans le journal le Travail[iv].

    Il se retrouve alors à la prison Sainte Pélagie, prison pour les droits communs et les politiques, où il y fait connaissance de Louis Auguste Blanqui, socialiste non marxiste, opposant à l’Empire, condamné le 14 juin 1861 à quatre ans de prison [v].

    Tridon, d’abord orléaniste, puis converti aux thèses proudhoniennes,va être attiré par ces idées et deviendra le secondde Blanqui, au sein d’un parti blanquiste qui naît et s’organise dans ces années-là.

     

    [i] Dupaquier Jean ; article du Bien Public, du 23 mai 1971 ; cité dans Diey Michel : « 1870-1871, la guerre oubliée dans le châtillonnais » ; Cahiers du Châtillonnais, n° 151

    [ii] Un auteur a écrit qu’il fut élève au lycée Bonaparte (Condorcet) à Paris. Certains ont parlé aussi d’un doctorat en droit.

    [iii] Tridon Gustave, dit Karl-Morel ; « Archives nationales : affaires disciplinaires de l’enseignement supérieur (1838-1885) », inventaire des articles F 17 4391 à 4430

    [iv] Louis Auguste Martin, un habitué de la prison de Sainte Pélagie, raconte : « J’habitais l’immense chambre du premier étage du pavillon de l’est et j’avais pour codétenus MM. Blanqui et Jules Miot, que nous avions surnommé Vatel à cause des succulents ragoûts et des merveilleux rôtis qu’il nous préparait, Taule, Case et Tridon, trois jeunes et courageux esprits qui venaient glorieusement d’enterrer le journal Le Travail ».

    Cité par Dominique Bartet, dans le blog de christaldesaintmarc, du 20 janvier 2015

    [v] Blanqui ; le « Vieux » auréolé par une vie de sacrifices à la cause des travailleurs, produisait sur les jeunes gens une impression magnétique.

    « C’est lui, dira plus tard Paul Lafargue, qui nous a transformés. Il nous a tous corrompus ».

    Gustave Tridon fut conquis par le vétéran qui en fit l’un des chefs de son parti.

    L’autre surnom de Blanqui était « l’Enfermé ».

    Socialiste non marxiste, Blanqui est considéré comme le fondateur de l’extrême gauche française.

    En 1880, il publie : « Ni Dieu, ni maître ».

    Gustave Tridon

    (figure 2: Journal Candide N°8)

    A sa sortie de prison, le 3 mai 1865, il fonde le journal Candide, qui sert de plate-forme pour Blanqui et ses associés (Blanqui lui-même a contribué à des articles, sous un pseudonyme).

    Ce journal est consacré à la critique religieuse et à l’exposé scientifique et philosophique, dont il est le rédacteur en chef.

    Paraissant le mercredi et le samedi de chaque semaine, ce fut un succès ; le premier numéro fut tiré à 4 000 exemplaires, le deuxième à 6 000, le troisième à 10 000.

    Dans leurs articles, les auteurs guerroient contre le surnaturel, montrent l’origine humaine de la morale, dénoncent les méfaits du monothéisme sémitique.

    Mais, au bout de huit numéros, le journal est interdit et un procès aura lieu les 11 et 18 août ; Tridon est condamné à 6 mois de prison et 100 francs d’amende.

    Ceci n’empêchera pas l’étudiant en droit Tridon, fin octobre 1865, de se rendre à Liège, au Congrès international d’étudiants (29 octobre-Ier novembre) en compagnie de nombreux français, où ils affirmèrent leurs idées antireligieuses et où Tridon dénonce les études arides et l’absence des libertés universitaires .

    Dans un compte-rendu du 5 novembre, paru dans la Rive Gauche, Léon Fontaine écrivit : … dans l’ordre moral, nous voulons, par l’anéantissement de tous les préjugés et de l’Eglise, arriver à la négation de Dieu et au libre examen…, ce qui provoqua un énorme scandale.

    Puis Tridon accomplit sa peine de prison et fut libéré le 12 juillet 1866.

    Il représente alors Blanqui, en septembre 1866, au premier Congrès de l’Association internationale des Travailleurs (nom officiel de la Première Internationale) à Genève, qui débute le 3 septembre 1866, apportant l’ordre de Blanqui de s’abstenir de prendre part au Congrès .

    Mais l’un des camarades, Protot, ayant protesté, fut jugé et comparut devant ses pairs le 7 novembre 1866, au café de la Renaissance, dans le VIe arrondissement.

    La police, prévenue, arrêta tous les assistants, au total 41 personnes et, sous prétexte de conspiration,après quatre mois de prévention, l’avocat Tridon fut condamné, en mars 1867, à quinze mois de prison et 100 francs d’amende.

    Entre-temps, il avait probablement fondé une éphémère revue, la Critique .

     
    En 1869, Gustave Tridon fit publier « la Gironde en 1869 et en 1793 », où il fustigeait les Girondins :

    Cette race ergoteuse et bavarde a reparu avec son long cortège de périodes.

    Elle oppose encore l’obstacle du fédéralisme ; elle calomnie, disserte, ment, pleurniche.

    Tout est détrempé de ses larmes ou corrodé de ses impostures…

    Notre but à nous, c’est la liberté armée, la liberté avec sa pique, non la triste prostituée des livres et des discours…

    C’est l’égalité qui protège le faible contre le fort et jette, s’il le faut, son épée dans la balance.

    C’est la Commune, non les oligarchies provinciales d’avocats, d’industriels et de grands propriétaires.

    Nous croyons en Paris, cœur et cerveau de la France.

    De lui part le coup de tonnerre qui fait craquer les empires et tressaillir les nations.

    Paris vaincu, la liberté râle. Paris triomphant, le juste et l’opprimé relèvent la tête…

    Gustave Tridon

    (figure 3 :"Plainte contre une calomnie de l'histoire" 1864 (réédition en 1871 à Bruxelles)

    Karl Marx, dans une lettre du 3 mars 1869, écrit qu'

    une évolution très intéressante se dessine en France.

    Les Parisiens se remettent sérieusement à étudier leur passé révolutionnaire récent.

    Ils se préparent ainsi à la nouvelle entreprise révolutionnaire qui se rapproche.

    Ce fut d’abord l’Origine de l’Empire…

    Enfin, ce furent les blanquistes, avec G.Tridon : Gironde et Girondins. C’est ainsi que l’histoire fait bouillir son chaudron de sorcière…[i].

    Aux Girondins, Tridon avait opposé, dans le Journal des Ecoles, en 1864 une étude sur:

    les Hébertistes ; plainte contre une calomnie de l’histoire.

    Pour lui,

    l’avènement des Hébertistes fut l’avènement de la science et de la raison sous la forme la plus énergique, la plus populaire, mais aussi sous la forme qui pouvait seule en assurer le triomphe définitif.

    La science que les Girondins, les doctrinaires d’alors, avaient voulu cloîtrer dans une oligarchie lettrée, fut tirée du boudoir et jetée sur la place publique.

    Les Hébertistes s’adressèrent au peuple et lui dirent : « la science est la conquête, la science appartient à tous, viens et prends ! »…

    Ce qu’on veut flétrir du nom d’hébertisme est la face la plus brillante de la Révolution.

    Obscurcie aujourd’hui par des insulteurs jurés, elle est destinée à resplendir toujours davantage [ii].

    Ce pamphlet lui permettait de faire un parallèle entre les Girondins de 1793 et les Girondins de son époque.

     En décembre, il participe, avec son ami Albert Regnard, à l’anti-concile de Naples, en décembre 1869.

    La convocation d’un concile œcuménique, à Rome, en 1870, provoqua, en réaction, dans les milieux libres penseurs du temps, un rejet catégorique. Tridon était anticatholique ; dans l’avertissement de la première édition des Hébertistes, en 1870, il écrit

    un article sur les Hébertistes, inséré dans le Journal des Ecoles, et combattu avec talent et convenance par un écrivain distingué, M. Maréchal, m’avait ramené à publier en réplique un nouveau travail, qui eut le malheur, cette fois, de provoquer un violent accès d’épilepsie catholique.                      

    La même année, le 13 mai 1869, mourait à Châtillon son père, lui laissant près de 60 000 francs de rente.

    Le gouvernement impérial imagina d’arrêter les membres d’une société secrète, dont certains auraient voulu attenter à la vie de l’empereur.

    Il y eut 72 accusés, dont 55 étaient présents.

    Mais Tridon, ainsi que Blanqui, put fuir et c’est par contumace qu’il fut condamné, le 9 avril 1870, à la déportation simple ; il rentra à Paris après le 4 septembre, proclamation de la République.

    Le 6 septembre, Tridon, avec Blanqui et d’autres de ses disciples, se réunissent et décident la publication du journal la Patrie en danger, financée par Tridon, portant en tête de son premier numéro (daté du 20 fructidor an 78) :

    En présence de l’ennemi, plus de partis ni de nuances.

    Avec un pouvoir qui trahissait la Nation, ce concours était impossible.

    Le gouvernement sorti du grand mouvement populaire du 4 Septembre représente la pensée populaire et la défense nationale.

    Cela suffit.

    Toute opposition, toute contradiction doit disparaître devant le salut commun.

    Il n’existe plus qu’un ennemi, le Prussien, et son complice, le partisan de la dynastie déchue…et on refusait de signer le déshonneur et le démembrement de la France [iii].                                 

    Et Tridon, le 8 septembre, écrira :

    A nous tout ce qui souffre et pense, tout ce qui travaille et gémit, et dont la poitrine se soulève au nom de la liberté.

    Il fut arrêté le 4 novembre, à la suite du soulèvement du 31 octobre, émeute contre la politique du Gouvernement de la Défense nationale, qui avait envoyé Thiers négocier l’armistice avec Bismarck ; un mois plus tard, il attendait encore le jugement, qui le libéra [iv].

     

    [i] Karl Marx et Friedrich Engels : la Commune de 1871 ; lettres et déclarations, pour la plupart inédites (traduction et présentation de Roger Dangeville). Marx évoque aussi, dans deux lettres (vers le 26 avril et le 13 mai 1871), un différend entre Félix Pyat et Gustave Tridon, ce dernier ayant répliqué dans un article du journal « la Cigale ».

    [ii] Dans la première édition, l’introduction, non signée, est de Blanqui ; Le texte sera publié de nouveau, à Bruxelles, en 1871, sous le titre : « la Commune de Paris en 1793 ; les Hébertistes », J.H Briard

    [iii] Le rédacteur en chef était Blanqui ; il y eut 267 numéros, du 07/09 au 08/12/1870. Cette proclamation avait été tirée sous forme d’affiche, le 6 septembre, pour être placardée sur les murs de Paris

    [iv] Jules Vallès a raconté le procès du 31 octobre dans son roman : l’Insurgé. Selon le dictionnaire des parlementaires français (tome V), il n’assista pas à l’affaire de l’Hôtel de Ville au 31 octobre, en raison du mauvais état de sa santé

    Gustave Tridon

    (figure 4: journal "La patrie en danger", financé par Tridon)

    Peu de temps après la proclamation de la République, le 13 septembre, se créa à Paris un Comité central républicain des Vingt arrondissements afin d’obtenir du Gouvernement de la Défense nationale des mesures politiques et sociales favorables aux classes populaires et demandant des élections afin de remplacer les maires nommés sous le Second Empire.

    Voyant que ce dernier n’en annonçait pas, pendant le mois de décembre, on va élire dans les clubs politiques parisiens des délégués pour la Commune ; Tridon devient l’un des membres du Comité central républicain des Vingt arrondissements, qui, le 30 décembre, se réunit sur l’ordre du jour : De la Commune révolutionnaire et des moyens pratiques pour l’installer révolutionnairement.                                          

    Il est aussi l’un des quatre rédacteurs de l’Affiche Rouge placardée dans la nuit du5 au 6 janvier 1871, qui prônait une réquisition générale, un rationnement gratuit et la lutte à outrance pour en finir avec le siège de la ville de Paris, encerclée par les Prussiens depuis le 17 septembre 1870, et l’appel à la formation d’une commune.

    Gustave Tridon, les châtillonnais et la Commune de Paris

    (figure 5 :"L"affiche rouge" Musée Carnavalet)

    Bismarck ne voulait faire un traité de paix qu’avec un gouvernement légitime.

    Dans des délais très brefs, des élections furent organisées pour le 8 février 1871.

    Dans les régions occupées, comme la Côte d’Or, les réunions publiques sont interdites et c’est l’occupant qui va se charger de l’organisation des élections.

    Tridon est au nombre des 43 socialistes révolutionnaires présentés à ces élections.

    Il lui manqua 3 000 voix à Paris (il eut 65 707 voix).

    En Côte d’Or, huit candidats orléanistes sont opposés à huit candidats républicains.

    Le 8 février 1871, c’est la liste républicaine qui l’emporta et Tridon devint député de la Côte d’Or pour l’assemblée nationale, avec 32 721 voix (à Châtillon, il n’avait eu que 755 voix), à côté de François Auguste Dubois, maire de Dijon, Pierre Magnin, ministre du commerce, Marie François Sadi-Carnot, Pierre Joigneaux, le général Garibaldi, Henri Moreau, maire de Saulieu et Jules Carion.                   

    Cependant, radicaux et extrême gauche ne réunirent que 72 sièges, soit 5,96 % des votes, contre 65,20 % pour la droite et 28,84 % pour les républicains.

    La nouvelle assemblée se réunit le 13 février à Bordeaux.  

      Le 17 février, Adolphe Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française et, le 21, Thiers et Favre entament les négociations de paix avec Bismarck ; celles-ci aboutiront à la signature d’un armistice le 28 janvier.

    Gustave Tridon

    (figure 6 : dépêche télégraphique annonçant la signature de l'Armistice. Archives Municipales de Châtillon sur Sine  4H11 (Fluteau)

    Le Ier mars, Tridon, après avoir voté contre la ratification des préliminaires de paix signés entre le gouvernement d’Adolphe Thiers et l’Allemagne, démissionne et part aussitôt pour Paris [i].   

    Dans une lettre aux électeurs de la Côte d’Or, il explique son geste :    

     Honoré de vos suffrages, sans les avoir brigués, je vous dois des explications sur la manière dont j’ai compris mon mandat et sur les motifs qui m’ont forcé à le résilier.

    Une démission est chose grave, je ne m’y suis pas résigné sans de sérieuses réflexions que je viens aujourd’hui vous soumettre.

    Placé dans une situation exceptionnelle, j’ai été, un des premiers, témoin et victime de la trame infâme qui avait pour but de livrer la France aux Prussiens, en haine de la République, et qui a obtenu, dans ces derniers temps, un si glorieux succès…

    Lors de mon arrivée à Bordeaux, la Chambre se prorogeait pour laisser le temps de bâcler le pacte odieux.

    On l’amusait avec des commissions qui ne commissionnaient rien du tout et des réunions creuses dans des bureaux déserts, tandis que Thiers et ses complices brocantaient notre chair et notre sang, l’honneur et l’intégrité de la France.

    Tous ils acceptèrent avec des larmes de crocodiles… Quant au paiement d’une somme de cinq milliards,permettez-moi de mettre encore plus vivement sous vos yeux cette formule de notre damnation nationale.

    Les pièces de cinq francs composant les cinq milliards, juxtaposées à plat les unes à la suite des autres, occuperaient une longueur de 6,250 lieues, soit les trois quarts du tour du globe terrestre.

    Empilées les unes sur les autres, elles formeraient une colonne de 2,700 kilomètres…     

    Et il terminait par :

    J’avoue, citoyens, qu’en voyant une Assemblée, prétendue française, sanctionner de pareils crimes et voter le démembrement et la ruine du pays ; qu’en entendant ces hommes vendre à Bismarck nos frères d’Alsace et de Lorraine, et par leurs cinq milliards engager, pour un temps indéfini, la vie et le travail de vos enfants, j’ai voulu, à tout prix, sortir de cette enceinte maudite [ii].

    A Paris, bon nombre de parisiens, ayant déjà connu une grave famine au cours de l’hiver 1870-1871, refusent que des canons de la Garde nationale, à Montmartre, soient enlevés, sur ordre de Thiers, lequel souhaite désarmer les parisiens.

    Un peu partout, la troupe, envoyée récupérer les canons, va fraterniser avec les parisiens qui élèvent des barricades, et deux généraux sont massacrés.

    C’est le début de l’insurrection, le 18 mars 1871, tandis que Thiers gagne Versailles et que nombre de bourgeois fuient la capitale.

    Ce mouvement communard va puiser largement dans le vocabulaire de la Révolution française.

    C’est dans cette ville qu’arrive Tridon, épuisé. Le 24 mars, il s’adresse aux électeurs parisiens :

     A peine arrivé, je tombe dans un lit de maladie, et suis réduit à contempler la lutte où se décide le sort de la République et de la France.

    Permettez à mon anxieuse impuissance de vous communiquer ses craintes…[iii].

    Aux élections municipales de la Commune, du 26 mars 1871, il n’obtiendra que 1304 voix dans le XXe arrondissement et 2253 voix dans le XVIIe, mais sera élu dans le Ve arrondissement (Panthéon), avec 6469 voix, sur 12422 votants [iv].

    Il va alors siéger à la commission exécutive, le 29 mars 1871, composée de 7 membres, chargée d’appliquer les décrets du Conseil de la Commune, puis à la commission de la guerre, du 21 avril au 15 mai [v].

     

    [i] Victor Hugo démissionne le 7 mars

    [ii] « Aux électeurs de la Côte d’Or » ; Œuvres diverses de G. Tridon ; Paris, 1891

    [iii] Maillard Firmin : Affiches, professions de foi-documents officiels-clubs et comités pendant la Commune ; Paris, Dentu

    [iv) On le trouve inscrit sur la Grande liste du Père Duchêne, dans le XXe arrondissement, et aussi sur la liste du Comité. Blanqui, bien qu’élu, avait été arrêté le 17 mars et était retenu prisonnier en Bretagne par le gouvernement de Thiers

    [v] Il assiste, le … à la destruction de la colonne Vendôme : « Gustave Tridon, 30 ans, fils de parents riches, élève du lycée Bonaparte ‘Condorcet), devenu socialiste à sainte-Pélagie sous l’influence de Blanqui, son voisin de cellule, avocat, élu du Ve, le visage pâle ».

    Gustave Tridon

    Gustave Tridon

    (figures 7 et 8 : affiches de la Commission exécutive de la Commune. Musée Carnavalet)

    Gustave Tridon

    figure 9 :Affiche de la Commission exécutive. Courbet fut membre de la Commune. Musée Carnavalet)

    Gustave Tridon

    (figure 10 : Commission de la Guerre. Musée Carnavalet)

    Il vote contre la création du Comité de salut public et signe le manifeste de la minorité :

    la Commune de Paris a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Salut public.

    Il s’abstint de paraître aux dernières séances des comités, même s’il fut accusé de lâcheté, après avoir traité ce Comité de défroque inutile et ridicule.

    En même temps, il poursuivait son activité de journaliste, en continuant à faire de nombreuses références à la Révolution de 1789.

    Dans le journal la Patrie en danger, il écrit :

    La Commune révolutionnaire qui a sauvé la France, et, par le 10 août et septembre, fondé la République, ne fut pas un produit d’élection régulière, une émanation bourgeoise d’un troupeau qui se rend aux urnes. Elle sortit d’une convulsion suprême, comme la lave sort du volcan.

     Dans le journal la Montagne, dont il est membre du comité de rédaction, en avril, il exalte les Hébertistes :

    Ils n’ont qu’une seule passion, l’idée.

    Ils s’abandonnent aux masses sans réserve comme sans mesure ; ils ne travaillent point dans un but personnel, mais pour le triomphe d’un principe. La foi les guide, non le calcul [i].

     

    [i] Le 6 janvier 1871, avec Jules Vallès, Emile Leverdays et Edouard Vaillant, comme les bourgeois de Paris et le gouvernement en place dans la capitale souhaitent que la ville se rende, il rédige une proclamation, réclamant une attaque en masse contre les allemands, la réquisition générale, le rationnement gratuit, la punition des traîtres, l’éducation pour tous, la terre aux paysans et le gouvernement du Peuple.

    Gustave Tridon

    (figure 11 : Journal "La Montagne" dans lequel écrivit Tridon)

    Mais toutes ces activités minent sa santé fragile :

    de son talent, de sa grande fortune, de sa personne, (il) a payé au service de la cause, quand elle semblait sans avenir… (mais) il n’a pour la servir aujourd’hui, qu’une âme usée, dans un corps débile [i]                                                                        

    Léon Massenet donne aussi le même portrait :

    Cet homme de vingt-neuf ans est déjà usé.

    Il est voûté au point qu’on le croit bossu, sa figure est criblée de boutons, ses joues pendent.

    Sa constitution débile, sa santé délicate ne lui ont point permis de surmonter la vie militante fiévreuse et les séjours prolongés en prison.

    Il est d’autant plus sérieusement atteint qu’il ne trouve, en dehors de ses camarades de son parti, aucune affection solide, pas même celle de sa mère, triste créature qui osa le chasser alors que, traqué par la meute des argousins, il lui demandait un refuge [ii].

    A Châtillon, les nouvelles qui parvenaient étaient uniquement celles provenant du gouvernement de Thiers.

    [i] Revue des Deux Mondes, 1904, tome 24

    [ii] Léon Massenet de Marancour : « Hommes et choses de la Commune : récits et portraits pour servir à l’histoire de la première révolution sociale ; cité dans Maitron.

    Après la mort de son mari, en 1869, la mère de Gustave Tridon était peut-être allée habiter à Paris.

    C’est là qu’elle mourut, en 1893

    Gustave Tridon

    (figure 12 : Affiche envoyée par Thiers aux communes françaises AMC 4H11)

    Gustave Tridon

    (figure 13 : Dépêche télégraphique adressée au Sous-Préfet de Châtillon, Leroy AMC 4H11)

    Gustave Tridon

    (figure 14 :Dépêche télégraphique arrivée à Châtillon AMC 4H11. Gustave Flourens , professeur au Collège de France fut élu Général par la Commune et chargé de la défense de Paris, mais il fut fusillé par les Versaillais)

    Tridon était gravement malade lors de l’entrée de l’armée de Versailles à Paris, qui mit fin à la Commune, après la semaine sanglante, le 28 mai 1871.

    Il put échapper aux représailles en étant hospitalisé à la clinique Dubois, sous un faux nom, Morel,qui était celui de sa mère.  

     Il gagna la Belgique et c’est là que

    l’homme riche qui a volontiers été emprisonné ou exilé, luttant pour les droits des autres, mourut [i], d’une phtisie galopante, huit jours après son arrivée, le 30 août 1871.

    C’est Julienne Sébert, une « communarde », qui le soignera et préparera son catafalque.[ii]

    Avant son décès, il avait veillé à venir en aide à son ami Blanqui en léguant sa fortune à Sophie Barrelier, la sœur de Blanqui.

    Particulièrement recherché en France comme membre de la Commune, le troisième Conseil de Guerre, chargé d’en condamner les membres les plus éminents, abandonna les poursuites, après l’annonce de sa mort.

    Son décès est transcris dans les registres de l’état-civil de Châtillon, le 24 septembre 1872 (n° 185).

    En 1884, parut un ouvrage posthume, rédigé lorsqu’il était en prison à Sainte Pélagie :

    Du molochisme juif : études critiques et philosophiques. A la suite en particulier de Voltaire et de Proudhon, les blanquistes vont élaborer un antisémitisme antichrétien et anticlérical.

    L’ouvrage de Tridon est un ouvrage délirant de glorification des Aryens et de rabaissement des Sémites, Juifs, Arabes, Phéniciens réunis.

    En amont, Tridon voit dans le Judaïsme une survivance du culte sanguinaire au Moloch, cette statue chauffée au rouge dans la gueule de laquelle les phéniciens jetaient des enfants vivants.

    En aval, il voit dans le christianisme une pauvreté de pensée et un asservissement typiquement sémite, contraire à la tradition aryenne.

    Il écrira même que, par leurs cruautés, par cet épouvantable cortège d’horreurs (les sacrifices humains), les Mexicains méritent d’être sémites.[iii]

    En 1891, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort, fut publié, à Paris, un recueil, œuvres diverses de G.Tridon.

    [i] Joseph Martin McCabe, 1867-1955

    [ii] Selon certains, il se serait suicidé. Sur Julienne Sébert : Florence Loriaux : « Femmes et exil durant la Première Internationale » -Carhop, 2008-1. Selon Maitron, il aurait laissé une veuve, Delphine Eyraud ou Heyraud( https : // maitron.fr/spip.php?article72028, notice TRIDON Gustave)

    [iii] Certains antisémites de la fin du XIXe siècle, tels qu’Edouard Drumont, se revendiqueront de son influence.

    Gustave Tridon

    (figure 15 :"œuvres diverses de Tridon" 1891)

    Parmi ces textes, se trouve la Force, où il écrit :

    Nous sommes forts, nous sommes jeunes et nous avons faim non seulement de pain mais aussi d’idées, de justice sociale et de connaissances scientifiques…

    Pourquoi devons-nous continuer à attendre?

     A la fin du XIXe siècle, existait à Paris une bibliothèque populaire Gustave Tridon, dans le XVIIIearrondissement.

    Elle fut créée en 1890, en même temps que le groupe scolaire de l’impasse d’Oran, dont elle faisait partie. Par délibération du 21 octobre 1895, le Conseil municipal de Paris accepta et lui affecta un legs de 90 000 francs fait par madame veuve Tridon et produisant, déduction faite des droits de mutation, un revenu annuel de 2331 francs, assurant les achats de livres et l’entretien mobilier.

    En 1904, la bibliothèque possédait 3800 ouvrages, formant plus de 5800 volumes [i].                                     

    A Châtillon, une rue porte son nom dans le quartier reconstruit après-guerre [ii].

     Un autre Châtillonnais participa également à la Commune, Nicolas Georges Léger Alexis Monin, né le 17 juillet 1818.

    Il fut condamné à la déportation à l’île d’Aix après les audiences devant le troisième Conseil de Guerre.

     Dominique Masson

    (remerciements à M. Millot)

    [i) « Conseil municipal de Paris, rapport de la 4e commission, sur les bibliothèques municipales, présenté par M. Léopold Bellan ; 1904 ». Cette veuve ne serait pas sa femme, mais plutôt la mère de Gustave Tridon, décédée à Paris le 13 février 1893 (VIIIe arrondissement)

    [ii] Ce serait M. Georges Pitoiset, habitant cette rue, qui aurait demandé à la mairie de donner le nom de Tridon (blog de christaldesaintmarc, 27 juin 2008) 


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  • Notule d’histoire :

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais

     

    « La sainte des tranchées », ainsi est appelée Jeanne d’Arc. Celle-ci, née vers 1412 à Domrémy, est passée par le Châtillonnais lors de sa « chevauchée sacrée », qui la conduisit de Vaucouleurs à Chinon, en 1429, afin de rencontrer le dauphin de France.                                                                           

    La situation en France était assez confuse.

    L’intervention de Jeanne intervient dans la seconde phase de la guerre de Cent ans.

    Après l’entrevue sur le pont de Montereau, le 10 septembre 1419, où le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, est assassiné par le dauphin Charles, un traité est scellé, le premier décembre 1420, à Troyes (il y a 600 ans, autre commémoration), entre Henri V d’Angleterre et Isabeau de Bavière, reine de France et mère de Charles ; celui-ci est déshérité et, à la « paix finale », la couronne et le royaume de France reviendront à Henri V d’Angleterre.

    En 1422, le dauphin Charles, ne contrôlant qu’une petite partie du royaume de France, se proclame roi de France sous le nom de Charles VII, tandis qu’en Angleterre, Henri VI revendique la couronne.

    C’est alors qu’intervient Jeanne.    

    Ayant réussi à convaincre Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, forteresse voisine de Domrémy, elle partira, avec six compagnons, vers Chinon.

    Son départ se fit entre le 11 et le 23 février 1429, selon les historiens. Dans le « dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc », paru en 2017, c’est le 22 février qui est retenu[i].  

    "Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais", un notule d'histoire de Dominique Masson

      (Plaque apposée à Pothières sur l'ancienne maison abbatiale, cliché D.Masson)

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Statue de Jeanne d'Arc, sur un socle, à l'entrée de l'ancienne abbaye de Pothières, cliché D.Masson)

    On connaît avec certitude quelques étapes à partir de Vaucouleurs : l’abbaye de Saint-Urbain (Haute Marne) et la cathédrale d’Auxerre (Yonne) ; mais, entre ces étapes, c’est un itinéraire probable.

    Une plaque commémorative apposée sur le presbytère à Auxerre indique : « Jeanne, venant de Pothières, et allant à Gien, est passée par Auxerre, le 27 février 1429 … ».

    A Pothières, une autre plaque, apposée sur l’ancien logis abbatial, marque seulement: « Jeanne d’Arc est passée par Pothières , venant de Clairvaux , allant à Auxerre, février 1429 … » ; l’inscription sur le socle de la statue de Jeanne, à côté de la porte d’entrée de l’ancienne abbaye, se veut plus explicite :

    « l’an 1429, le samedi 26 février , sainte Jeanne d’Arc , venant de l’abbaye de Clairvaux et se rendant à Auxerre, fut hébergée en cette abbaye bénédictine de Pothières, avec ses compagnons… »

    Le « dictionnaire encyclopédique » a ainsi reconstitué la route de Jeanne et de ses compagnons :                                                       

    - première journée : de Vaucouleurs à Saint-Urbain ;                                                                                                                    -deuxième journée : de saint-Urbain à Clairvaux ; 

    - troisième journée : de Clairvaux à Pothières, en passant par Juvancourt, La ferté, Villars-en-Azois, Cunfin, Autricourt, Villers-Patras et Pothières ;

                                                                          - -quatrième jour : Etrochey, Laignes, Gigny, Gland, Saint-Vinnemer, Tonnerre, Fleys, Chablis et Auxerre. Elle serait arrivée le 4 mars à Chinon, et elle fera sacrer roi Charles à Reims, assurant sa légitimité, le 17 juillet 1429.   

                                                                                        

    Si Jeanne d’Arc est réhabilitée dès 1456 et chantée par François Villon (…et Jeanne la bonne Lorraine, qu’Anglais brûlèrent à Rouen…), les siècles suivants ne lui portèrent que peu d’intérêt.

    C’est au XIXe siècle qu’il y a un regain pour Jeanne d’Arc, car elle devient un symbole républicain et une figure unificatrice utile dans le cadre de la construction de la nation après la guerre franco-allemande de 1870-1871 ; elle sera aussi récupérée par différents partis politiques de tous bords.

    Elle est béatifiée en 1909.

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    ("Histoire de France des écoles primaires, cours moyen" par C S Viator, E.Robert, Paris vers 1900)

    La première guerre mondiale va conduire à une union sacrée autour de Jeanne.

    Civils et militaires peuvent s'identifier à celle qui a connu les pillages et les combats.

    La propagande s'empare d'elle : les statues détruites montrent la « barbarie » des Allemands, celles qui échappent aux bombardements témoignent des « miracles » de Jeanne, « soldat de Dieu », qui mènera à la victoire sur une nation majoritairement protestante.

    En 1917, Jeanne d'Arc est partout : au cinéma, au théâtre et à l'opéra.

    Pour beaucoup, la victoire de 1918 est imputable à Jeanne d'Arc.

    Les japonais la considéreront même comme la digne héritière des samouraïs, appréciant son image de femme guerrière.

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Carte postale datant de 1915, dessinée par L.Chapuis dessinateur-éditeur à Dijon, vendue au profit de "L'œuvre populaire des messes pour nos soldats morts", fondée à Dijon, autorisée et bénie par Nosseigneurs Monestès et Landrieux, évêques de Dijon)

    Après la première guerre mondiale, le Saint-Siège, souhaitant se réconcilier avec la République française, canonise Jeanne d’Arc le 16 mai 1920 (il y a donc 100 ans) puis, en 1922, le pape proclamera Jeanne d’Arc sainte patronne secondaire de la France, tout en réaffirmant la Vierge comme patronne principale.                                                                                                      Il y a aussi une récupération laïque de Jeanne, qui figure sur des monuments aux morts.

    Jeanne d'Arc (et non Sainte Jeanne d’Arc) sera donc fêtée par la République le deuxième dimanche de mai, anniversaire de la délivrance d'Orléans, ne choisissant pas par hasard cette date, car elle précède de quelques jours la date de la Sainte Jeanne d'Arc fixée par l'Église catholique au 30 mai, jour anniversaire de sa mort.

    Elle est la femme qui a, depuis 1864, le plus grand nombre de rues à son nom (rue Jeanne d’Arc à Châtillon, par exemple). 

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Affiche américaine, éditée pendant la 1ere guerre mondiale)

    Des passionnés ont voulu créer un sentier Jeanne d’Arc, le GR 703, reliant Domrémy à Chinon.

    Il passe à Clairvaux, à Cunfin, mais écorne simplement le Châtillonnais en passant par Grancey-sur-Ource pour aboutir à Mussy ; de là il va aux Riceys et à Bagneux-la-Fosse.

    Dans son trajet, il passe par Colombey-les-Deux-Eglises.

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Statue de Jeanne d'Arc, musée Métallurgique Park Donmartin-le-Franc, Haute-Marne , cliché D. Masson) 

    [i]« Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc », par Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau ; éditions Desclée de Brower, Paris ; 2017

     

    Car le deuxième personnage célébré en 2020, c’est le général de Gaulle.

    Charles de Gaulle est né à Lille, le 22 novembre 1890.

    Le 9 juin 1934, il achète sur la commune de Colombey-les-Deux-Eglises, en Haute-Marne, le domaine de la Boisserie, vaste maison de quatorze pièces, en viager ; il en devient propriétaire deux ans plus tard.

    Séduit par l’isolement et le calme des lieux, il l’achète aussi pour sa famille et pour être près de Metz, où le colonel de Gaulle est affecté.

    A partir de 1946, elle devient sa résidence définitive.

    Même lorsqu’il devint président de la République, en 1959, le général continuera d’y passer beaucoup de temps et un week-end sur deux en famille.

    C’est là qu’il décède, le 9 novembre 1970, il y a 50 ans.

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Pièce de deux Euros, émise par la France en 2010)

    C’est probablement lors de l’un de ses week-ends à Colombey, dans les années soixante, un dimanche après-midi, que le général voulut aller voir la montagne de Vix et son église.

    Venant de la route de Chaumont, le cortège présidentiel, accompagné de motards,  dut tourner, par la D 118 C, vers Massingy.

    Dans le village, à l’embranchement de deux rues, au lieu de prendre la rue qui s’appelle Caron aujourd’hui (mais il n’y avait pas de nom à l’époque), puis la rue des Bordes, le cortège prit la rue du Four et la rue de la Margelle, allant vers la fontaine du même nom, mais, au bout de quelques dizaines de mètres, c’était un chemin de terre.

    C’est alors que les propriétaires de la ferme située au bout de cette rue, madame et monsieur Jean Dufour, eurent la surprise de voir arriver dans leur cour de ferme une DS noire, accompagnée d’une escorte, et y faire demi-tour ; la famille reconnut le général dans la voiture.

    Quelques mois plus tard, des panneaux furent installés dans le village, et notamment la signalisation de la voie sans issue menant à la ferme.

     

    (Dominique Masson)

     (Remerciements à madame et monsieur Jean-Pascal Dufour)

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

     

    (Rue de la Margelle à Massingy aujourd'hui, cliché D.Masson)

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

     

    (Pièce de deux Euros, émise par la France en 2020)

     

     

     


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  • Notule d’histoire châtillonnaise

    Les principes républicains de la Seconde République, en 1848

     

    En cette période d’attentats tendant à amoindrir les idéaux de la République française, on peut relire la proclamation faite en 1848, qui affirme les principes républicains.

    Après l’interdiction de banquets où l’on pouvait échanger des idées républicaines, une émeute éclate à Paris le 23 février 1848, après que la troupe ait tiré sur la foule.

    Le roi Louis-Philippe préfère alors abdiquer le 24.

    La République sera proclamée (ce sera la seconde République) et un gouvernement provisoire se met en place, dirigé par Ledru-Rollin et Lamartine.

    Ce gouvernement provisoire prend  aussitôt des mesures essentielles :

    -rétablissement du suffrage universel masculin 

    -liberté de réunion et de la presse 

    -abolition de l’esclavage dans les colonies françaises 

    -et la peine de mort est supprimée pour les délits politiques.

    Un climat d’euphorie s’installe alors, c’est « l’esprit de 1848 ». Les Français semblent  réconciliés autour d’un idéal de fraternité et les femmes aussi s’expriment, même si elles ne peuvent pas voter.                                                                          C’est dans cet esprit qu’est rédigé l’appel aux citoyens de Châtillon, réaffirmant ces principes républicains.

    "Les principes républicains de la Seconde République en 1848", un notule d'hisoire de Dominique Masson

     Citoyens de l’arrondissement de Châtillon !

    La REPUBLIQUE FRANCAISE est proclamée !

    Un Gouvernement provisoire a reçu de l’héroïque population parisienne la mission de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour régulariser ce grand mouvement, et il soumettra prochainement à la sanction de tous les Français, les bases de la constitution définitive de la République.

    Le glorieux drapeau tricolore est et sera toujours celui de la Nation. Citoyens, serrons nos rangs à l’abri de ses couleurs vénérées ! Rallions-nous de cœur et d’effet au Gouvernement provisoire dont tous les actes respirent le dévouement aux vrais principes de toute société libre et civilisée.

    Que les sentiments de liberté, d’égalité, de fraternité soient dans nos cœurs encore plus que sur nos lèvres !

    Restons unis pour maintenir l’ordre, les lois, le respect profond et sévère des propriétés publiques, de la propriété privée.

    Que tous les cultes soient respectés et protégés : la liberté des consciences est  au premier rang de nos libertés.

    Français, ayez toute confiance dans le Gouvernement ! Gardez la concorde entre vous : fermez l’oreille à toutes les vaines rumeurs aussi bien qu’à toutes les instigations perfides au moyen desquelles on chercherait à ébranler cette confiance et cet accord ! Formez, en un mot, une seule et grande famille de frères et d’amis ! Ainsi vous resterez les dignes chefs et les modèles honorés de ce magnifique mouvement dont vous avez donné l’exemple. Ce mouvement fait aujourd’hui le tour de l’Europe : il fera le tour du monde !

    Châtillon-sur-Seine, le 28 février 1848

    Le sous-préfet, Ad. Méliot

    (imprimerie de F.Lebeuf, à Châtillon-sur-Seine, en face de l’Hôtel-de-Ville)

    Merci à Dominique Masson d'avoir retrouvé ce texte  et de nous le faire connaître.


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  • Dominique Masson, Historien du Châtillonnais, m'envoie un nouveau très intéressant notule sur une sainte Côte d'Orienne, presque oubliée, Catherine Labouré originaire de Fain les Moutiers, mais qui vécut un certain temps à Châtillon, avant de rejoindre le couvent de la rue du Bac à Paris. C'est là qu'elle eut des apparitions de la Vierge Marie.

    Merci à Dominique Masson pour cette étude passionnante.

    Notule d’histoire

    La médaille miraculeuse et Catherine Labouré

     Au début de 1832, l’abbé Aladel, prêtre lazariste et confesseur d’une religieuse de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul, reçoit l’autorisation par l’archevêque de Paris de faire diffuser une médaille représentant la Vierge, qu’une religieuse de cet ordre dit avoir vue, suite à une vision.

    A l’avers, au centre, se trouve la Vierge,représentée en pied, les bras légèrement détachés du corps et les mains ouvertes, d’où partent des rayons de lumière symbolisant les grâces obtenues par son intercession ; Marie écrase sous ses pieds un serpent ; autour, on trouve l’inscription : « O Marie, conçue sans péché, qui avons recours à vous, priez pour nous » ; la date, en bas, de 1830,  est l’année des trois apparitions successives de la Vierge à la religieuse.

    Au revers se trouve, au centre, la lettre M, pour Marie, qui entrelace une barre horizontale qui soutient le pied de la Croix ; au-dessous se trouvent deux cœurs, l’un encerclé d’une couronne d’épines, qui est le cœur de Jésus, et l’autre est transpercé par une épée, représentant la douleur d’une mère voyant son enfant mourir ; et, autour, sont disposées douze étoiles, symbolisant les douze tribus d’Israël et les douze apôtres.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

     Mais, à partir du 26 mars 1832, le choléra déferle sur Paris. Au total, il y aura plus de 20 000 morts.

    Fin mai, l’épidémie semblant reculer, l’abbé Aladel prend contact avec un bijoutier et lui passe commande de la médaille.

    Les 1500 premiers exemplaires sont livrés le 30 juin. La médaille va être d’abord distribuée par les sœurs de la Charité, dans la région parisienne, lors de la reprise du choléra.

    C’est alors que se produisent des miracles et des guérisons de personnes qui ont porté la médaille.

    Dès février 1834, la médaille est couramment qualifiée de « miraculeuse ». En fait, il ne semble pas y avoir corrélation entre la médaille et le choléra, mais, en 1839, 10 millions d’exemplaires de la médaille ont été distribués dans le monde entier (et un milliard en 1876).

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

    Par contre, la médaille a permis un renouveau de ferveur et de vocations ; alors qu’il n’y avait, en 1830, que 71 entrées au séminaire de la rue du Bac, à Paris, pour les jeunes sœurs de la Charité,il y en a 686 en1854.                                                                                                                        L’abbé Aladel est obligé de faire paraître une « notice historique sur l’origine et les effets de la nouvelle Médaille frappée en l’honneur de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge et généralement connue sous le nom de Médaille Miraculeuse ».  

    Cette notice expliquait les origines de la médaille, mais en restant assez vague : Depuis peu, Sœur M… nous a fait part d’une circonstance que nous avions omise en racontant les trois visions.

    C’est que ces grâces, figures dans les rayons, découlaient avec plus d’abondance sur une partie du globe qui se trouvait aux pieds de Marie ; et cette partie privilégiée, c’était la France ». La notice, imprimée à 10 000 exemplaires en août 1834, fut épuisée en moins de deux mois.

    L’imagerie populaire, entre autre celle d’Epinal va s’emparer de ce fait. On frappe aussi ultérieurement des médailles, associant au revers un saint local, comme saint Vorles.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

    Devant la ferveur envers la médaille et le nombre croissant de miracles, l’archevêque de Paris ouvre un Procès ; médaille et miracles seront examinés selon les méthodes d’investigation de Rome.

    Mais le principal témoin, la sœur qui a eu ces visions, refuse de témoigner devant le tribunal.

    C’est aussi dans ce sens que la médaille est « miraculeuse », car on ne sait d’où elle vient.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

     Cependant, comme la Vierge avait demandé à la visionnaire de rassembler une confrérie d’enfants de Marie, ce fut chose faite en 1837, avec la création des Enfants de Marie, rassemblant des adolescentes du milieu populaire pour former une élite de piété.

    La Vierge s’était aussi présentée à la visionnaire comme « conçue sans péché ». Dans l’Eglise catholique, plusieurs voix se font entendre pour demander au pape la formulation du dogme de l’Immaculée Conception.

    Après l’avis de théologiens, de cardinaux et des évêques, le pape Pie IX, le 8 décembre 1854, proclame solennellement ce dogme.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

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    Le nom de la sœur qui avait eu ces révélations n’était toujours pas connu mais, si le secret avait été peu à peu éventé par les religieuses de l’Ordre et connu de quelques personnes importantes, comme la maréchale Mac-Mahon, rien ne transpire auprès du grand public.

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    Ce n’est qu’après sa mort, survenue le 31 décembre 1876, que le secret est révélé à tous et que des miracles se produisent.

    Contrairement à l’usage d’enterrer les religieuses au cimetière, le corps de la sœur est mis dans un caveau à Reuilly, là où elle avait passé l’essentiel de sa vie.La fête liturgique de la manifestation de la Médaille miraculeuse sera célébrée le 27 novembre 1894.

    La sœur voyante sera déclarée « vénérable » le 11 décembre 1907, lorsque sa cause en béatification fut introduite ; elle sera béatifiée par Pie XI le 28 mai 1933.

    Son corps, exhumé le 21 mars et retrouvé intact, dans un « parfait état de conservation », avait été transporté le 22 mai au 140, rue du Bac, à la « maison-mère ».

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

    Le 11 juin, le même pape approuvait le culte de Marie, reine du monde (Vierge au globe).

    Catherine Labouré fut canonisée le 27 juillet 1947 par Pie XII.

     Car cette sœur, Catherine Labouré, a été appelée la « Sainte du Silence », selon l’expression du pape Jean XXIII.

    Elle est née le 2 mai 1806, dans la ferme de ses parents, à Fain-les-Moutiers, mais perd très tôt sa mère.

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    La petite Catherine, surnommée « Zoé », va assez vite se transformer en fermière et seconder son père, tandis que sa sœur ainée, Marie-Louise, part chez les Filles de la Charité, à Langres.

    Chaque fois qu’elle le peut, Catherine se rend à l’église pour prier.

    Une nuit, elle a un songe : un vieux prêtre lui apparaît, qui célèbre la messe et, se retournant, lui fait signe d’approcher, mais Catherine a peur.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

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    Catherine approche de ses 18 ans, mais elle n’est pas allée à l’école et ne sait signer.

    Une cousine, Jeanne (ou Jeannie) Gontard, qui tient un pensionnat à Châtillon (31 pensionnaires en 1841), au 7 rue Saint-Vorles, propose alors de la prendre.

    Comme sa petite sœur, Marie-Antoinette, dite « Tonine », est assez solide pour assumer la maison, son père consent à la voir partir.

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     Quand elle le peut, elle se rend à l’église proche de Saint-Nicolas, où elle rencontre le vieux curé, l’abbé Gailhac, qui lui dit que le prêtre vu en songe pourrait être Saint-Vincent.

    Elle va se rendre aussi chez les Filles de la Charité et là, elle est toute surprise de reconnaître parfaitement, dans une peinture qui y est accrochée, le portrait de ce vieux prêtre qui lui était apparu en songe : les sœurs lui apprennent que c’est effectivement le portrait de Saint-Vincent-de-Paul[i].

     [i]Selon l’abbé Laurentin, il y avait un portrait authentique de Saint-Vincent conservé par les sœurs de Moutiers, attribué à François de Tours, à 2,5 km. de Fain, mais il se trouvait à l’époque dans une salle de communauté réservée aux Sœurs et Catherine ne l’a pas vue lors de ses visites.

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    Saint Vincent de Paul (1626-1660) était un prêtre français qui, devant la misère spirituelle et corporelle des plus démunis, va fonder, d’abord, en 1625, la Congrégation de la Mission, qui prendra plus tard le nom de Lazaristes, vouée à l’évangélisation des pauvres des campagnes, et, en 1633, avec l’aide de sainte Jeanne de Chantal, les Filles de la Charité, aussi appelées « sœurs de Saint-Vincent-de-Paul » ou « sœurs grises », vouées au service des malades et au service corporel et spirituel des pauvres.

    A Châtillon, l’abbé Pierre Guyotte avait fondé un hôpital, en 1666, et des filles du Vénérable Bénigne Joly vinrent de Dijon s’occuper des malades, en 1704. Pour les pauvres, des dames de charité faisaient des quêtes et se chargeaient elles-mêmes d’en faire la distribution.

    L’une d’elle, veuve et sans enfant, Marie-Joseph de Sainte-Colombe, eut le projet de fonder un établissement des Sœurs de la Charité.

    Son projet fut approuvé par lettres patentes du roi en juin 1787.

    Ayant pu acheter une petite maison « à l’extrémité de la Haute-Juiverie, à l’endroit où la rue se coude brusquement pour tomber dans la rue de l’Isle », trois sœurs « grises » arrivèrent l’année suivante, ayant un traitement de 300 livres chacune.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

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     Malheureusement, à la Révolution, les sœurs furent chassées et leur maison vendue le 16 fructidor, an II.

    Cependant, il y avait toujours plus de demande de secours de la part des pauvres.

    Le 22 pluviôse, an XI, le conseil municipal avait sollicité la remise en activité de l’établissement des sœurs de la Charité.

    Grâce à l’insistance du bureau de Bienfaisance, au soutien à Paris du comte de Chastenay et de sa fille, Victorine, et à l’argent de madame de Gissey, veuve d’Alexandre Jouard de Gissey, qui permit de racheter l’ancienne maison des sœurs, trois nouvelles sœurs arrivèrent, le 12 octobre 1804

    [i].En 1828, la sœur Joséphine Cany devint supérieure. Elle avait en particulier, pour la seconder, la sœur Victoire Séjolle, arrivée en 1827.

     [i] Née Viesse, elle décède le 16 mai 1813

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     Si Catherine a appris à écrire chez sa cousine, elle est mal à l’aise au milieu des jeunes filles de la bourgeoisie locale.

    Elle préfère rentrer chez elle, à Fain, mais elle est résolue à devenir religieuse et s’oppose violemment à son père vieillissant.

    Après un court séjour à Paris, chez l’un de ses frères, elle retourne à Châtillon, au pensionnat, où il y a des changements ; en effet, son frère Hubert a épousé sa cousine et Jeanne est devenue sa belle-sœur.

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    Catherine fréquente de plus en plus les Filles de la Charité et sympathise avec la sœur Victoire Séjolle, laquelle insiste auprès de sa supérieure, sœur Cany, afin de la recevoir dans la communauté.

    Mais il y a le problème de la dot ; son frère et sa belle-sœur vont y pourvoir, le père de Catherine s’y refusant.

    Au début de janvier 1830, sœur Cany (Anne-Joséphine, qui décèdera le 31 août 1872) envoie son avis favorable à la Maison-Mère, où le conseil des Filles de la Charité l’adopte en ces termes, à la date du 14 janvier : Ma Sœur Cany propose Mademoiselle Labouré, sœur de celle qui est Supérieure à Castelsarrasin.

    Elle a 23 ans, et convient très bien pour notre état ; une bonne dévotion, un bon caractère, un fort tempérament, l’amour du travail, et fort gaie.

    Elle communie régulièrement tous les huit jours. Sa famille est intacte, pour les mœurs et la probité, mais peu fortunée : on presse beaucoup pour la recevoir. 

                                                                               Le 22 janvier, la réponse arrive, et elle est favorable.

    Sœur Séjolle se fait une joie de la former aux prières et à la vie de communauté[i].

    Elle l’initie à la « marmite des pauvres malades » ; deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, vers une heure de l’après-midi, les sœurs donnaient une portion de bouillon aux pauvres de Châtillon qu’ils emportaient ensuite chez eux, et qui était aussi distribuée aux malades.                                                                                                                                 A la mi-mai, l’épreuve du postulat est terminée pour Catherine. Elle empile son trousseau dans une malle : 4 paires de draps mi- usés ; 12 serviettes mi- usées ; de la toile pour chemises et 11faites ; 5 robes (4 d’indienne et 1 de soie violette) ; 4 jupes (dont 1 indienne) ; 4 schals ; 1 fond blanc de laine à passe et 3 de laine noire (dont 1 bien mauvais) ; 13 fichus de soie violette ; 1 morceau de coton ; 30 serre-tête ; 11 mouchoirs de poche ; 3 paires de poches (ce qui tenait lieu de sac à main) ; 3 paires de bas ; 1 corset ; 1 robe noire ; plus la dot offert par son frère et sa belle-sœur, soit 693 francs.

     [i] Quand la sœur Séjolle apprendra, plus tard, qu’une sœur avait été favorisée des apparitions de la Vierge, elle pensera tout de suite que c’était Catherine.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

     C’est à Châtillon que Catherine va prendre la diligence pour Paris, accompagnée de sœur Hinaut, arrivée en 1811 comme supérieure, mais qui avait laissé sa place en 1828 à sœur Joséphine Cany et retournait à la Maison-Mère (elle y décèdera le 21 octobre 1838).                                                           

    Les deux sœurs arrivèrent ainsi, le 21 avril 1830, rue du Bac, car c’est là qu’en 1813, les Filles de la Charité avaient installé leur « maison-mère » et elles y avaient construit leur chapelle, consacrée en 1815.

    Catherine arrive juste avant le transfert des reliques de Saint-Vincent-de-Paul de Notre-Dame à Saint-Lazare, le 25 avril.

    C’est  alors que, revenant de prier devant ces reliques, le cœur de Saint-Vincent lui apparût, trois jours de suite ; puis, à la messe, elle voit l’hostie qui devient transparente comme un voile.

    Et la nuit du 18 juillet, un « enfant » la réveille et l’emmène à la chapelle où  la Vierge lui apparaît.

    Cette apparition se reproduira deux autres fois, en novembre et décembre 1830, la Vierge lui faisant des prédictions et lui ordonnant de faire frapper une médaille[i]. Elle aura encore la vision d’une Croix en 1848.

                                                                                                                    Le 30 janvier 1831, le séminaire s’achève et Catherine prend l’habit.

    Son confesseur, l’abbé Aladel, reçut ses confidences, mais mit du temps à croire Catherine.

    Le 5 février, Catherine est affectée à l’hospice d’Enghien. Fondé en 1819 par la duchesse de Bourbon, en souvenir du duc d’Enghien, il fut transféré à Reuilly en 1829, en y ajoutant la charge de soigner 50 vieux serviteurs de la famille d’Orléans.

     [i] La première apparition eut lieu dans la nuit du 18 au 19 juillet 1830 ; la deuxième, ce fut le 27 novembre ; et la dernière, en décembre. Toutes ont eu lieu à la chapelle de la rue du Bac.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

     Là, jusqu’à sa mort, elle ne cessera de s’occuper à servir les pauvres et les vieillards et de veiller sur la basse-cour, se montrant toujours humble.

    Elle fit trois relations écrites sur les Apparitions de la Sainte Vierge, mais non datées, la première probablement en 1841 et la dernière probablement en 1876.

    Elle décède peu après, le 31 décembre 1876.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

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    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

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    Après la disparition de leur établissement lors des bombardements de Châtillon en juin 1940, les Sœurs de la Charité purent s’installer dans une propriété entre l’allée des Boulangers et la rue Ernest Humblot.

    Peu de choses purent être sauvées de l’établissement bombardé ; l’ancienne grille  fut installée devant la cour de la bibliothèque municipale.

    Egalement, une petite statuette représentant la Vierge tenant l’Enfant Jésus, que Catherine dut voir à Châtillon, fut retrouvée intacte.

    Lors de leur départ de Châtillon en 1999, les Sœurs de la Charité portèrent la statue à Fain-les-Moutiers.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson

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    En 1950, le Conseil de l’Europe se mit en tête d’avoir un symbole pour le représenter.

    Après avoir refusé plusieurs projets, la commission chargée de cette mission retint celui d’un fonctionnaire du Conseil, Arsène Heitz.

    Il avait conçu un drapeau bleu sur lequel se détachent douze étoiles, pointes hautes, formant un cercle.

    Les membres du Conseil apprécièrent le ciel sans nuage et la symbolique des douze étoiles, rappelant la perfection, la plénitude et l’unité.

    Plus tard, Arsène Heitz raconta que, ce qui l’avait inspiré, c’était la médaille miraculeuse qu’il portait autour du cou.

    Quant au Conseil de l’Europe, il signa le texte portant l’adoption du drapeau le 8 décembre 1955, le jour de la fête de l’Immaculée Conception.

    "La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson(Dominique Masson)

     Remerciements à M. Michel Massé et aux sœurs de la Charité de Fain-les-Moutiers

    Bibliographie :

    -Frérot (abbé) : la maison de Charité de Châtillon-sur-Seine, 1788-1888 ; Châtillon-sur-Seine, Pichat, 1888-Laurentin René (abbé) : Vie authentique de Catherine Labouré ; Paris, 1981       -La médaille miraculeuse ; Abbeville ; 1930

     

     


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