• "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     Dernière partie.

    Encore merci à Robert Fries pour ce génial survol historique de la période 1929-1939.

     La crise des Sudètes,les accords de Munich et le démembrement de la Tchécoslovaquie.

    La partie ouest de la Bohême et de la Moravie est peuplée par des Allemands [1],

    les Sudètes en Bohême, les Allemands des Carpates en Moravie. 

    Ces populations ont dès 1919 souhaité être rattachés à l’Allemagne, mais cela leur a été refusé.

    D’où des rancœurs.  De plus elles sont soumises à une pression constante de la part de militants nazis dirigés par Konrad Henlein [2]

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

    Des incidents se multiplient à la suite de provocations orchestrées par Henlein.

    Face à ces désordres le gouvernement central rétablit l’ordre avec plus ou moins de bonheur.

    Les Sudètes apparaissent comme des martyrs et Hitler ne manque pas de les défendre. 

    Il soutient les revendications de Henlein qui demande de plus en plus d’autonomie. 

    En avril 1938, lors du congrès du parti pronazi, le Parti Allemand des Sudètes, son leader Konrad Henlein demande l’autonomie.

      Pour le gouvernement de Prague, il n’est pas question de prendre en considération cette requête.

      Les pères de l’Etat tchécoslovaque ont voulu un Etat centralisé et non un Etat fédéral.

      Une brèche est ouverte dans l’unité du pays. 

    Hitler s’y précipite.

    Après des incidents violents entre des militants nazis des Sudètes et les forces de police tchèques, Hitler demande le 12 septembre, au congrès du NSDAP, à Nuremberg, le rattachement de la région au Reich. 

    S’il ne lui est pas donné satisfaction, les armées du Reich envahiront la région occupée par des populations allemandes dès le 1er octobre. La crise des Sudètes est ouverte.

    La Tchécoslovaquie entretient de bonnes relations avec la France. 

    En 1924 un traité d’alliance et d’amitié [3] est signé par le Président du conseil Poincaré

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

    et le ministre des Affaires étrangères tchèque Edouard Benes.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

      Ce traité ne contient pas de dispositions d’ordre militaire.

      En cas de menace le traité prévoit une consultation systématique, mais pas de soutien militaire ou diplomatique. 

    Un échange de lettres entre les deux signataires prévoit des consultations régulières entre les états-majors des deux pays.

     En revanche, le traité de garantie [4] entre la France et la Tchécoslovaquie qui fait partie des multiples accords bilatéraux conclus à Locarno prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression. 

    La valeur de ce traité a été mis en cause en 1938, dès lors que l’Allemagne avait mis fin au pacte rhénan – garantie des frontières est de la France – en remilitarisant la rive gauche du Rhin. 

    Ce point de vue a été magistralement balayé par René Cassin dans un article d’août 1938 [5].  Les deux Etats se considèrent comme des alliés et Prague croit que la France viendra au secours de la Tchécoslovaquie en cas d’agression flagrante.

    Mais Paris tient un double langage vis-à-vis des Tchèques, Edouard Daladier promettant de tenir les engagements...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

      Georges Bonnet le ministre des Affaires étrangères incitant Benes à accepter des concessions.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    De toute manière, la France ne fera rien sans la Grande-Bretagne.

    La tension monte : la France comme la Tchécoslovaquie lancent une mobilisation partielle.

    Quant au Royaume-Uni, aucun traité ne le lie à la Tchécoslovaquie. 

    En 1937, le Foreign Secretary, lord Halifax, rencontre Hitler.

     Celui-ci réitère sa promesse : le territoire des Sudètes est la dernière extension territoriale du Reich. 

    Il lui fait confiance. 

    Le Premier Ministre, Neville Chamberlain...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    rencontre également Hitler, à deux reprises au mois de septembre ; il est partisan d’accepter des concessions, pour éviter un conflit européen.

    Une forte pression est mise sur le gouvernement de Prague, à la suite de la mission de lord Runcinam [6]...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    qui recommande d’accepter la cession au Reich du territoire des Sudètes.

    L’URSS qui a également conclu un accord avec la Tchécoslovaquie, se déclare prête à venir en aide à son allié sous réserve que la France en fasse autant. 

    Encore faut-il que la Pologne ou la Roumanie laissent passer les troupes russes, ce qui semble bien improbable.

    Le 21 septembre, Londres et Paris obtiennent de Prague un accord pour une rectification de frontières donnant satisfaction aux Sudètes. 

    C’est alors que Hitler double la mise. 

    Il veut aussi une rectification de frontières au profit des Polonais (région de Teschen) et des Hongrois (Slovaquie méridionale).  La guerre semble inévitable. 

    La tension monte. 

    La France mobilise.  Prague également. 

    Ni les Français, ni les Britanniques sont prêts à faire la guerre [7]

    Sur la suggestion de Mussolini, une conférence est décidée. 

    Elle se tient à Munich.  Le gouvernement tchèque n’est pas convié. 

    Il s’agit de dépecer le pays. 

    L’URSS non plus en dépit de l’accord France-URSS passé en 1935. Les Anglais n’en veulent pas. 

    Les Russes outragés se le rappelleront.

    Le 28 septembre 1938, Daladier [8], Neville Chamberlain [9], Mussolini et Hitler signent les accords de Munich.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

     L’annexion est autorisée et Hitler promet de ne pas aller plus loin. 

    Le président Benes part en exil.  Cela n’empêche pas Hitler de permettre à la Pologne d’occuper Teschen et la Hongrie de faire main basse sur le sud de la Slovaquie.

    Daladier et Chamberlain sont accueillis en héros à leur retour. 

    A son arrivée à Londres,Chamberlain brandit un document : c’est un accord entre le Royaume-Uni et l’Allemagne. 

    En cas de différends, les deux pays se consulteront. 

    Le 6 décembre un accord de même nature est signé entre la France et le Reich. 

    Les frontières orientales de la France sont garanties. 

    On ne parle pas des frontières orientales de l’Allemagne.  C’est là où se jouera le prochain acte.

    Quelques mois plus tard, Hitler rompt sa promesse. 

    Le 14 mars 1939, à la demande appuyée de Hitler, la République Slovaque proclame son indépendance sous l’autorité du prêtre Joseph Tiso [10]

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    C’est un Etat fantoche qui subsistera jusqu’à l’arrivée de l’Armée Rouge en 1945. 

    Le 15 mars l’armée allemande pénètre, sans rencontrer d’opposition, en Bohême-Moravie qui devient un protectorat sous l’autorité du Reichsprotector Konstantin von Neurath

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    puis de Reinhart Heydrich

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    .  L’Allemagne nazie s’empare d’importantes usines sidérurgiques, notamment des usines Skoda spécialisées dans l’armement (tanks).

    La France s’est discréditée vis-à-vis de ses partenaires d’Europe centrale.

     La faiblesse des démocraties incite Hitler à poursuivre ses agressions. 

    Mussolini pense à la Tunisie, Djibouti, la Corse et pourquoi pas Nice et la Savoie. 

    A l’Axe Rome-Berlin proclamé le 1er novembre 1936 rien ne semble interdit, d’autant que le Japon rejoint l’Allemagne et l’Italie en septembre 1940. 

     La crise polonaise et la guerre.

    En France, à la suite de Munich, l’opinion évolue. 

    L’accord passé à Munich est approuvé par le Parlement (515 voix pour, 75 voix contre dont 73 communistes). 

    Une enquête d’opinion approuve l’accord : 57% pour l’accord, 37% contre.  70% des interrogés estiment que dorénavant la France et l’Angleterre doivent résister à toute nouvelle exigence de Hitler.

    En dépit de ses promesses, Hitler démembre la Tchécoslovaquie et fait occuper le territoire de Memel [11] en mars 1939. 

    Le territoire de Memel est incorporé à la Prusse orientale. 

    Il demande également de récupérer Dantzig [12] et de disposer d’une voie (chemin de fer et route) au travers du couloir de Dantzig. 

    Varsovie ne veut rien savoir.  La question polonaise est posée en termes brulants.

    En Angleterre, le 17 mars Chamberlain prononce un important discours où il déclare que l’appeasement n’est plus à l’ordre du jour. 

    Il s’efforce de gagner du temps et active le réarmement du pays. En août 1939 un traité d’alliance militaire est signé avec la Pologne.

    La France est liée à la Pologne par un traité datant de 1921 qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’attaque (Russie ou Allemagne). 

    Un nouvel accord militaire signé le 19 mai 1939 par Maurice Gamelin, chef d’état-major français,

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    et le général polonais Tadeusz Kasprzycki

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression. 

    Gamelin promet une « offensive de secours franche dans les trois semaines suivant une attaque ».

    Se pose alors le problème des relations avec l’URSS. 

    Paris souhaite une convention militaire sous forme d’un accord tripartite URSS-Royaume-Uni-France et tient à aller vite en besogne. 

    Londres préfère des accords bilatéraux et traine les pieds, une alliance avec les bolcheviques étant pour beaucoup insupportable.

    De son côté Staline, déçu par la façon dont il a été traité à Munich, ne fait pas confiance et craint un accord entre dictatures et démocraties au détriment de l’URSS. 

    Il joue donc sur les deux tableaux et engage des négociations avec le Reich. 

    Il remplace Litvinov – un diplomate chevronné favorable aux démocraties - par un fidèle, Molotov.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     

    Avec l’Angleterre et la France les négociations reprennent à Moscou au mois d’août 1939. 

    Le passage de troupes soviétiques à travers la Pologne pose un problème qui bloque tout. 

    Le 21 août le négociateur français, le général Doumenc,

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    reçoit ordre de signer un accord d’assistance mutuelle quelle que soit la position polonaise. 

    Le négociateur britannique n’a pas les coudées aussi franches et fait attendre. 

    Le 23 août Ribbentrop signe à Moscou un accord de non-agression.

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

      Pour les démocraties, c’en est fait de l’alliance russe.

    En août la tension monte. 

    Chamberlain ne croit plus à l’appeasement. 

    Le gouvernement français est plus divisé : Edouard Daladier, Mandel,

    Jean Zay...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

     Paul Raynaud...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    ne veulent rien céder ; Bonnet, Paul Marchandeau...

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    sont prêts à rechercher des concessions de la part de la Pologne. 

    Les pacifistes comme Marcel Déat, alors député socialiste,

    "L'Europe de crise en crise de 1929 à 1939 jusqu'à la guerre", une conférence de Robert Fries (partie 5)

    refusent de mourir pour Dantzig. 

    Mussolini propose une nouvelle conférence internationale.  Londres ne fait plus confiance.

    Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht pénètre en Pologne. 

    A Paris, le Parlement vote le 3 septembre des crédits de 70 milliards pour « faire face aux obligations de la situation internationale ».

    Le mot guerre n’est pas prononcé. 

    Le 3 septembre Londres puis Paris, à 5 heures d’intervalle, adressent un ultimatum à Berlin. 

    Les troupes allemandes doivent se retirer de Pologne.  Hitler refuse. 

    En fin d’après-midi, la France et la Grande-Bretagne sont en guerre contre le IIIème Reich.

    La France part en guerre à contre-cœur. 

    [1]Les Allemands représentent 30% de la population tchécoslovaque en 1920.  La région des Sudètes est la plus industrialisée du pays.  Cette population de langue allemande se partage entre tenants d’une autonomie et partisans du rattachement à l’Allemagne.  A partir de 1933 le courant indépendantiste est dominé par le parti de Konrad Henlein qui n’est qu’une excroissance duparti nazi.

    [2] Konrad Henlein (1898_1945), ancien professeur de gymnastique leader du front patriotique des Sudètes appelé à partir de 1935 Sudetendeutsche Partei.  Ce parti recueille 15% des voix aux élections de 1935.  C’est le premier parti du pays.  Après l’annexion des Sudètes, Henlein devient Gauleiter de la région.  Il se suicide en mai 1945.

    [3]Traité signé le 25 janvier 1925.

    [4]Traité du 16 octobre 1925

    [5] Les traités d'assistance entre la France et la Tchécoslovaquie.  René Cassin, Politique Etrangère, année 1938 (3-4) pp. 334-359 .Le traité franco-tchécoslovaque demeure en vigueu raussi longtemps que le pacte rhénan garantissant les frontières occidentales de l’Allemagne.  Or, le pacte rhénan a été rompu avec l’annexion de l’Autriche.  Le traité franco-tchécoslovaque est donc caduc.C’est le point de vue que réfute René Cassin.

     

    [6]Les conclusions de la mission font l’objet d’une lettre au Premier Ministre en date du 21 septembre 1938

    [7]Le 27 septembre Chamberlain déclare à la radio : « Quelle que soit notre sympathie pour une petite nation qui se trouve aux prises avec un grand et puissant voisin, nous ne saurions, en toutes circonstances, nous engager à entrainer l’Empire britannique dans une guerre pour cette seule petite nation.  Si nous avions à nous battre, cela devrait être pour des problèmes plus vastes que celui-là ! » (Cité par M. François Poncet Souvenirs d’une ambassade à Berlin, Tempus 2018, p. 450)

    [8] La France est à la veille d’élections, période peu favorable pour lancer des opérations musclées.  Elle abandonne la Tchécoslovaquie avec qui elle a un accord d’alliance.  Les députés sont munichois à l’exception de Jean Bouhey, député socialiste de Côte d’Or.

    [9]Churchill voit juste : il s’oppose aux accords de Munich : « You were given the choice between war and dishonour.  You chose dishonour and you will have war”.

    [10]Joseph Tiso sera fait prisonnier par les Alliés et jugé par un tribunal tchécoslovaque qui le condamnera à mort et l’exécutera en 1947.

    [11]Ce territoire situé au nord du Niemen est constitué par une bande de 140 km de long et de 20 de large.  Il sépare la Lituanie de la Prusse orientale.  Le port de Memel (Klaipeda en Lithuanien) est un centre économique important.  Avant la première guerre mondiale il faisait partie du Royaume de Prusse.  Le traité de Versailles en a fait un territoire autonome placé sous l’autorité de la SDN et administré par la France.  Le territoire est habité par une population de langue allemande et de religion luthérienne.  Dès 1920 un mouvement indépendantiste favorable à un rattachement ultérieur à l’Allemagne se manifeste.  En janvier 1923 une révolte armée éclate à Memel, fomentée par des groupes favorables à la Lituanie.  Avec l’accord de la SDN qui cède devant le fait accompli, une administration indépendante est mise en place.  Un mois plus tard, le territoire est annexé par la Lituanie sous forme d’une région autonome (parlement, système juridique, deux langues, …).  80% de la population est d’origine allemande.  Elle n’a pas été consultée lors de la cession à la Lituanie.  En 1926 le gouvernement de Lituanie mène une politique de lituanisation.  A partir de 1934 des groupes pronazis se manifestent et demandent le rattachement à l’Allemagne.  Aux élections de décembre 1938, les partis pro- allemands remportent 87% des suffrages.  Hitler fait du retour du territoire au Reich une priorité.  En mars 1939, après un « ultimatum oral » adressé au gouvernement lituanien, la Wehrmacht occupe le territoire.  Le Royaume-Uni et la France ne réagissent pas.

    [12]Dantzig, anciennement sous l’autorité des Chevaliers teutoniques, est la capitale de la province de Prusse Occidentale.  En 1919 Dantzig et son territoire peuplé à 95% par une population allemande, devient une ville libre administrée par la SDN.  Il n’y a pas eu de referendum, comme le prévoyaient les « 14 points de Wilson ».  La population, surtout après 1933, s’insurge à plusieurs reprises contre cette situation et demande son rattachement à l’Allemagne.  Hitler en fait une priorité.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :