Lundi 21 mars , Jenry Camus nous a présenté une passionnante conférence sur Victorine de Chastenay-Lanty.
Victorine, c'est son amour secret, celle qu'il espère toujours apercevoir de sa fenêtre , se promenant dans la cour de son château d'Essarois..Hélas, Victorine, née sous Louis XV nous a quittés sous le second Empire .
Sa vie fut bien remplie, elle côtoya tous les grands personnages de son temps, ce fut une femme de lettres remarquable.
C'est donc sa vie que nous conta Jenry.
Jenry Camus, outre les très belles projections qu'il a réalisées (dont je ne montrerai qu'une infime partie), a émaillé sa conférence de citations de Victorine de Chastenay : des réflexions sur sa vie, des descriptions de grands personnages de son époque, et la relation des événements historiques qu'elle put observer durant sa longue vie..elle qui vécut de Louis XV à Napoléon III !
Voilà le château d'Essarois où naquit Victorine de Chastenay...la légende dit que sa balançoire d'enfant était accrochée à cette grosse branche, pieusement jamais élaguée de l'arbre, qui étend ses branches dans la cour du château...
Le premier personnage de la lignée des Chastenay-Lanty fut Jean (1190), puis on trouve un Joachim (1598) gouverneur de Châtillon sur Seine.
Le père de Victorine fut Erard, que l'on voit peint, lisant dans un salon du château d'Essarois.
La mère de Victorine était normande,elle se nommait Catherine-Louise d'Herbouville.Victorine eut un frère qui mourut sans descendance : Henri-Louis de Chastenay-Lanty.
Victorine était une ravissante jeune-fille...
Elle reçut la meilleure éducation que l'on pouvait donner aux jeunes filles nobles de son époque, ses professeurs étaient célèbres : Madame de Genlis éleva le futur Louis Philippe, Nicolas Sejean était un organiste parisien très célèbre..
Victorine, à 9 ans, lisait Pétrarque et l'histoire d'Angleterre, elle apprit le latin,l'Italien,l'Anglais, elle fut formée aux Sciences Naturelles et au dessin (entre autres !)
Victorine devint Chanoinesse d'Epinal, c'était un titre qui ne donnait pas accès à la prise de voile, pour y accéder il fallait justifier de 200 ans de noblesse du côté paternel et maternel.
La Révolution dissout le Chapitre.
Victorine de Chastenay fut fort courtisée: par Louis Viesse de Marmont , futur Duc de Raguse, par son filleul Jean-Henry Dupotet (voir le chapitre que je lui ai consacré), mais aussi par François-Etienne Kellermann (jugé beaucoup trop vieux), par Jean-Baptiste Eblé et bien d'autres, elle les évinça tous..
Les années révolutionnaires furent des années noires pour les Chastenay-Lanty : Erard de Chastenay-Lanty, son père fut enfermé à la Conciergerie à Paris , Victorine et sa mère le furent à l'Auditoire Royal de Châtillon sur Seine (notre actuelle bibliothèque), elle en sortit au bout de 17 jours couverte de vermine..
Aussitôt libérée (sa mère l'avait été avant elle) elle n'eut de cesse de faire libérer son père, défendu par l'avocat Pierre-François Réal.
Ci-dessous un portrait de Victorine réalisé en prison par son frère.
Pierre-François Réal, l'avocat de son père , qui eut plus tard de hautes fonctions durant le Directoire, fut son grand amour, mais il était marié et père de deux enfants..
Elle lui écrivit 240 lettres où elle décrivait les plantes de nos régions.. Pour l'édition de son "Calendrier de Flore", elle ne conserva que les descriptions des plantes et changea le nom de Pierre-François en "Fanny" .
Victorine, je le disais plus haut, a côtoyé tous les grands personnages de son époque, elle fit la connaissance de Bonaparte (ami, à l'époque de Marmont, on sait ce qu'il en devint plus tard...), lorsqu'elle fut invitée au "Châtelot", la demeure de la famille Marmont à Châtillon sur Seine..Bonaparte se mit à genoux devant elle, mais il ne lui plut pas tant que ça, et plus tard devenu premier Consul et Empereur, elle le détesta.
Par contre, elle fut très amie avec l'impératrice Joséphine, pas du tout avec Marie-Louise.
Elle fréquenta Paul Barras, madame de Staël, Benjamin Constant, Talleyrand, Alexis Boyer (chirurgien de l'Empereur) Jean Nicolas Corvisart, Joseph Fouché,Valentin Haüy, Georges Cuvier, François Arago, Châteaubriand. et bien d'autres....
Victorine de Chastenay aimait les "Lettres" et avait un beau brin de plume : elle commença par traduire les écrivains anglais : Oliver Goldsmith (le village abandonné) , puis Ann Radcliffe , écrivain "gothique' (les mystères d'Udolphe).Puis elle rédigea " du génie des peuples anciens...." "de l'Asie"..
A la fin de sa vie, elle se lança dans l'écriture de ses mémoires, en deux parties : en 1816 des mémoires historiques, en 1817-1818 des mémoires particulières.
Mais les mémoires particulières et historiques furent "mixées" par l'éditeur Rozerot et rééditées par Tallandier.
(Les autres oeuvres de Victorine ont été reprises par les Américains et sont rééditées aujourd'hui en Français)
Elle a ,dans ses mémoires, la plume acérée contre Napoléon III,Lamartine,Victor Hugo,Alexandre Dumas et Châteaubriand...
La Restauration la déçut,elle revint donc très souvent à Essarois avec ses parents, mais les malheurs s'abattirent sur la famille : son père mourra en 1830, sa mère et son frère suivront.
Et comble d'infortune , en 1826, elle s'aperçut que sa vue baissait, en 1835 elle ne put plus lire, on l'opéra de la cataracte d'un oeil (imaginez ce que cela devait être à l'époque !), ce fut pour elle "le désespoir de la nuit".
Pour écrire elle se servit alors de moyens de fortune : un calque, un poinçon, mais ses derniers écrits seront illisibles..
Revenue définitivement à Essarois , elle gèra les terres qui lui appartenaient totalement, à présent.
Ci-dessous, les possessions de la famille de Chastenay-Lanty : Essarois, Beaulieu, Rochefort..
En 1835 elle s'était intéressée aux fouilles qui avaient mis a jour, à Essarois, un temple dédié à Apollon, elle fit d'ailleurs faire les fouilles à ses frais.
Les objets sont visibles au Musée du Pays Châtillonnais-Trésor de Vix à Châtillon sur Seine.
En 1789, son père avait trouvé un curieux coffret, qui appartint plus tard au Duc de Blacas.
Ce coffret fut qualifié parfois d'objet ayant appartenu aux Templiers qui vivaient dans la région..En réalité ce coffret devrait plutôt, vu les signes cabalistiques qui le recouvrent , avoir appartenu à un alchimiste.
Il se trouve actuellement au British Muséum de Londres.Une copie se trouve au Musée de Châtillon sur Seine.
Voici un extrait d'une lettre écrite par Victorine, au sujet de ce coffret :
"Le coffret dont vous vous occupez a été acheté à Dijon, chez un marchand de curiosités, par M. Rollin, changeur à Paris, et a été vendu ensuite par ce dernier à M. le duc de Blacas. Le coffret portait pour toute inscription: "Trouvé dans la terre de la Cave, appartenant à M. le marquis de Chastenay." Vous savez, monsieur, quel est à Essarois le lieu qu’on nomme la Cave : c’est là qu’ont été recueillis les débris de sculpture que vous avez examinés. On peut bien croire qu’à l’édifice païen dont nous avons retrouvé les fragments et constaté la place, ont, après neuf ou dix siècles, succédé des constructions possédées par les Templiers. Voulaine, Bure étaient à eux; ils ont eu à Courban des propriétés. Je trouve dans nos papiers de famille les traces des ventes ou échanges avec les Templiers dans ces diverses contrées. C’est au commencement de 1789 que mon père chargea des ouvriers, employés déjà par les chartreux de Lugny, de quelques travaux à Essarois; c’était à la contrée de la Cave qu’ils devaient trouver les pierres dont ils avaient besoin. J’ai su depuis qu’ils avaient tiré des fouilles qu’ils y avaient faites quelques objets qui parurent sans aucun prix, et sans doute le coffret en aura fait partie. Continuez, monsieur, vos travaux et vos recherches; vous avez certainement une grande page d’histoire à créer."
(Ci-dessus l'acte notarial de succession)
Victorine de Chastenay-Lanty finit ses jours à Essarois .
Elle était nommée la "bonne Dame d'Essarois" , car elle faisait le bien autour d'elle.
Mais c'est à Châtillon sur Seine qu'elle mourut, en 1855, à l'âge respectable , pour l'époque , de 84 ans..
Elle légua ses biens à ses cousines, et attribua une rente perpétuelle de 300francs (or !) aux vieillards et aux enfants d'Essarois.
Elle donna aussi à la Commune d'Essarois un terrain où se trouve actuellement la Mairie, la Municipalité a d'ailleurs appelé une de ses salles "salle Victorine de Chastenay".
Elle , et ses parents, sont enterrés dans une petite chapelle de l'église d'Essarois, voici sa plaque funéraire :
Au dessus de la plaque on peut voir les très belles armes des Chastenay-Lanty :
D'argent à un coq de sinople,couronné,crêté, becqué, barbé et membré de gueules, ayant la patte droite levée, accompagné de trois roses de même, deux en chef, une en pointe.
Pour terminer, Jenry m'envoie une chronique qu'il avait écrite pour notre journal local, vous pourrez la lire en cliquant sur le lien :
Victorine de Chastenay, une chronique de Jenry Camus