Souvenirs de la vie du Père Achille Caillet à Ceylan (4)
Publié le 21 Janvier 2021
Épisode IV
Le 11 janvier au matin, Mgr. Masson m’envoie au collège saint-Joseph situé au beau milieu de la ville avec consigne d’apprendre le plus d’anglais possible.
Saint-Joseph est un immense collège catholique fondé par Monseigneur Bonjean, mais qui doit tout son rayonnement au Père Le Goc, un Breton qui le dirigea pendant un quart de siècle.
Le Père Le Goc, qui était un savant, a fait une impression profonde sur tous les milieux à Ceylan et même aux Indes.
Et quand il mourut, tué net dans un accident d’auto le 16 mars 1945, ce fut un deuil national.
(Le Père Maurice Le Goc)
Les funérailles furent un triomphe et, comme il était officier de la Légion d’Honneur, c’est sur les épaules des marins français du « Richelieu », alors en rade à Colombo, qu’il traversa la foule énorme de toutes races et de toutes religions, venue le pleurer.
Quand j’arrivai au collège, je fus impressionné par la belle ordonnance des bâtiments disposés autour d’un grand terrain de sports et d’une seconde cour de récréation.
La chapelle aux lignes modernes, d’une conception très originale occupe le centre…
Le Père qui avait étudié à Rome et dans les universités anglaises pendant de longues années, m’accueillit en me parlant français.
Tous les 11 Pères, les 70 ou 80 professeurs et les 1 600 élèves étaient Ceylanais. J’étais donc le seul blanc.
Comme les Pères étaient beaucoup trop peu nombreux, on me confia la surveillance des internes, section des petits, ce qui me prenait 6 heures par jour et réduisait d’autant le nombre d’heures que je pouvais consacrer à l’étude de l’anglais.
De plus, la prononciation de l’anglais par les Ceylanais est loin d’être la prononciation correcte, mais je réussis à les comprendre assez vite et 5 semaines après mon arrivée , je pus entendre les premières confessions en anglais.
Ce fut en une occasion mémorable, à l’occasion de la proclamation de la Sainte Vierge comme Reine de l’île, sous le titre de Notre-Dame de Sanka, titre reconnu et approuvé par le Saint-Père.
50 000 personnes étaient présentes pour rendre grâce à Notre-Dame d’avoir sauvé l’île de l’invasion japonaise.
Les messes se succédèrent à la grotte de Tewatte à partir de 4 heures du matin et je distribuai la Sainte Communion pendant plus de 2 heures.
Monseigneur Masson m’avait promis, à Lourdes, que j’assisterais à cette cérémonie et, quelques jours avant le 15 février 1947, il envoya une lettre spéciale au Père Supérieur pour lui dire de m’envoyer à Tewatte.
(La basilique de Notre-Dame de Sonka à Tewatte)
Ce bon Monseigneur Masson fut constamment plein d’attentions pour moi et je lui serai toujours reconnaissant des encouragements et des conseils qu’il me prodigua.
Quand arrivèrent les vacances de Pâques, il insista pour que j’aille passer 3 semaines dans les montagnes du centre de l’île avec les autres Frères.
Aussi sa mort soudaine, au matin du 28 juillet 1947 fut une peine personnelle pour moi et me surprit douloureusement.
Et maintenant encore, quand je passe à la cathédrale où il repose, je prie pour lui qui était si imposant, si majestueux et en même temps si bon.
La vie de collège continua.
Je sentais que je devenais « anglais » un peu plus chaque jour, que je m’intéressais au cricket, ce jeu qui n’aurait guère de succès en France et qui est, à mon avis, avec le commerce, le seul lien entre les pays si divers du Commonwealth britannique.
Le Père Supérieur qui aimait beaucoup le basket-ball m’encourageait à l’enseigner aux élèves et nous avions ensemble beaucoup de plaisir.
Mais c’est un sport qui n’est pas fait pour les tropiques. Le volley-ball connaît à juste titre, beaucoup plus de succès.
Le sport occupe une place importante en Angleterre et dans les dominions et Saint-Joseph’s Collège en a une plus qu’honorable parmi les collèges de l’île.
Au point de vue religieux, environ 800 élèves sur 1 600 étaient catholiques.
Je ne voudrais pas comparer la piété des Orientaux avec celle des Occidentaux.
Extérieurement, pour ce qui est des démonstrations de piété, ils nous en remontrent, mais je me demande si leur religion ne s’arrête pas là…
Dans le domaine intellectuel, je crois que dans l’ensemble les Ceylanais sont plus portés vers les sciences mathématiques, physiques etc… que vers les Lettres.
Le collège prend les enfants à partir de l’école maternelle aux mains d’une dizaine d’institutrices et les conduit à l’examen d’entrée à l’Université.
On y enseigne, avec l’enseignement religieux (après trois mois on me confia 2 classes) toutes les sciences, la dactylo, les langues orientales : tamoul, cingalais, pali, sanscrit.
Un grand collège Saint-Bridget’s Convent, tenu par les Sœurs du Bon-Pasteur d’Angers, remplit pour les jeunes filles le même rôle que Saint-Joseph pour les garçons. Elles sont environ 850 élèves.