Publié le 2 Mars 2011

-Les photos artistiques de Christian Labeaune

 En gobant la lune et le firmament

 Je suis une petite fille
Et je me souviens

J'ai fait une fugue à l'usine un dimanche d'automne
L'usine, j'habitais à côté et je ne la connaissais même pas !
Je suis passée par dessus la grille derrière la maison et par le hangar aux fenwicks
Et je l'ai vue !
Enorme, béante, métallique et comme hantée avec le vent glacial qui soulevait ses voiles de plastiques , avec ses cliquetis  de chaînes et de câbles, avec ses poumons d'acier tout brillants de graisse noire...

Je ne l'ai jamais dit à personne. C'est mon secret!

Je suis une petite fille
Et je me souviens.

Un cadre s'était garé devant le panneau de stationnement interdit de l'infirmerie, juste devant notre maison.
Mon père a eu une bonne idée et le cadre ne s'est jamais plus garé devant le panneau.

-Il faut rrrespecter les lois quand elles sont chustes, disait mon papa avec son accent suisse et en roulant les r comme un vrai bourguignon.

Je suis une petite fille
Et je me souviens

Des nuits de brouillard ou des feux d'artifices
Des corbillards et de bien des malices
D'une chasse à courre et de champs de blés
De jardins merveilleux
De la maison des ancêtres
Des concours de pêche
De la visite à Colombey
De l'Abbaye de Fontenay
Du vase de Vix et d'une princesse

Des feux follets et de Tom Sawyer
Des ouvriers coriaces
De la blouse blanche de ma mère
De toute la suie qu'a avalée mon père
Et du vin, du vin divin bourguignon
Et du vin divin qui souvent rend si crétin


Je suis une petite fille mais plus pour très longtemps
Je gobe la lune et le firmament
Je troque des plumes contre de faux diamants

 

-Une patinoire à Châtillon sur Seine !

 Le long temps des éphémères

 Je te dirai les vents de l'enfance
Et les tours des nuages
Les couleurs des rois mages
Et le sang des cristaux
Le temps suspendu
Les caches du rêve

Je te dirai des forces ouvrières
Et la tonte en bouteille
Les rires des pas sages
Et la larme en faucille
Le chant du carnaval
Des clowns tristes

Je te dirai les vents de l'enfance
Et des tours de passe-passe
Des douleurs de Poucette
Et des larmes d'ogre
Les trésors du canal
Une terre de métal
 
Je te dirai
Tout ce dont je me souviens

De ces temps où les éphémères
Se déplacent lentement

A la vitesse de la lumière

(Des commentaires sur le thème de l'article seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse et ils me donneraient envie de continuer à  l'alimenter .

Merci.)

 

 

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Rédigé par Christaldesaintmarc

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Publié le 12 Juillet 2010

Quelques poèmes de Valérie, illustrés par des photos du lavoir  de Sainte Colombe sur Seine...

-Les ovins Châtillonnais

Voyage à la source

L'horizon a migré bleu dans mes voeux
Et les toits de mon village ont souri
De leurs longues bouches charnues et rouges.
Les champs de colza se sont mordorés
Du morcellement roux de ma conscience.

Exhibant ses courbes sinueuses
La Cuesta s'est avancée, bienveillante,
Défilant son chapelet clairsemé
D'édifices romans et solitaires
Et devant, les monts doux de Gargantua
Me creuseront les joues de leurs rondeurs

La fière colline du Mont Lassois
Répandra ses légendes d'autrefois
Et la princesse de Vix et son vase
Hanteront mon voyage et ma mémoire
Les prés colorés tisseront la trame
Des tableaux, de la soie de mon enfance

Le renard, l'épervier et l'hirondelle
Me chanteront le corps et la vie pleine
Et des poissons d'argent ou bien d'avril,
Et des amis d'antan sur même fil
Se reflèteront dans l'étang tranquille
De mes pupilles gaies et juvéniles
Tiens! ça rime

J'irai dire à la mère que je l'aime
Que les larmes retournent au ruisseau
Et qu'un peu plus haut, il fait toujours beau
Quand on a toujours le coeur dans les poches
Si l'on aime encore user ses galoches

Et elle me dira comme d'habitude
Tu écris bien mais tellement étrange
Et nous rirons de la lèvre de l'ange
Et le soir, elle oubliera ses douleurs,
Sûre de l'amour de tous ses enfants
Et de celle qui adopta la lune...

A ma mère, à qui j'ai tout pardonné depuis que j'ai...des filles.


-Les ovins Châtillonnais

Au "pays"
Je reste la fille du ramoneur
La Valérie
Celle qui défiait le vertige,
Et qui déjà regardait le monde d'en haut.

Au "pays"

On m'paye des pots
On m'tape dans l'dos
On m'invite à l'apéro
On n'sait plus trop où j'vis
On n'sait plus trop c'que j'fais
On n'sait pas qu'j'étais pleine d'amerlune

Mais on voit, on voit enfin

Qu'j'ai les yeux qui pétillent
Comme un bon verre de champ'
Mais on m'croit, on m'croit,
Quand j'dis qu'nous aussi on brille
Tout au fond d'nos vallons

Au "pays", je ne suis rien

Au "pays" enfin j'y suis bien
On r'connaît les gens à leur gueule.
On s'dit: tiens!
C'uila, c'est l'fils au Jeannot
Si y s'ressemblent!
On s'dit: tiens!
Si j'allais voir la Denise
Qui va m'sortir sa p'tite goutte.
Si j'allais voir l'église
Même si l'bon dieu s'en est allé

On s'dit: tiens!

Si j'retournais à mon usine
Et voir l'jardin de mon enfance
Il a disparu mais j'le vois toujours.
Il me dit: t'as vu si t'as grandi!
J'reste ton p'tit coin de paradis

Pis on va voir sa mère qui va plus bien

On lui dit je t'aime mais tu l'sais bien
On va s'baigner au gué, au gré de la Seine
C'est bien plus froid!
C'est bien plus sale!
C'est tout en friche!
C'est plein d'cailloux!
Y'a plus d'poissons!
Et si ça pue!
Mais si ça rafraichit!

Et puis on s'dit, si j'suis riche de tout ça!

Les citadins, z'ont jamais connu ça!
On rencontre la Babeth et l'Bourinot
On va boire l'ratafia
Dans des p'tits pots

On repart tout en vrille

On roule un peu à gauche
Mais on s'en aperçoit
On s'fait arrêter par les gendarmes.
"Ah! vous êtes d'ici! passez-donc! V'là un 92!"

Faut faire attention à la murette

C'est là qu'y a un virage si traite
Mais la route, on la connait
On n'fait jamais à bouffer
Y'a toujours quelqu'un pour vous inviter

Mais on a bien vu qu' y a plus d'boulot

Qu'y a encore plus de gars dans les bistrots
Mais on a bien vu qu'c'est pas facile
Et qu'y a des rides aux coins des yeux.


On r'part pourtant avec un p'tit point au coeur,
De ceux qui vous font voir un peu d' bonheur.

(Des commentaires seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse.

Merci.)

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Rédigé par Christaldesaintmarc

Publié dans #bien, #pays, #tiens, #toujours, #valerie

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Publié le 18 Juin 2010

Depuis quelque temps, une lectrice , dont le pseudo est "Librelulle"  m'envoie des commentaires sur les articles du blog,commentaires pertinents et pleins de vivacité...
Librelulle, un jour, m'a adressé un commentaire  qui décrivait si poétiquement   l'usine de Sainte Colombe, que ...je n'ai pas voulu le publier avant de savoir qui  était cette correspondante...
Heureusement elle m'indiquait son adresse e-mail..
J'avais ma petite idée,je la lui ai soumise ..et il s'est avéré qu'elle était juste !
Librelulle c'est une jeune femme originaire de Sainte Colombe sur Seine, que beaucoup d'entre vous connaissent, Librelulle ..c'est Valérie Tröndle !
Pascaline Kromicheff lui avait consacré un article élogieux dans " le Châtillonnais et l'Auxois", lors de la parution de son  livre de souvenirs  intitulé "Au nom du Père"..
Dans ce livre,  que je me suis bien évidemment procuré et que j'ai beaucoup aimé,  nous  retrouvons les souvenirs plein de tendresse d'une jeune Colombine (habitante de Sainte Colombe sur Seine) qui suivait son père dans son travail de ramoneur, mais aussi une évocation de sa vie Châtillonnaise des années 80, avec ses joies, mais aussi ses peines.

-Valérie Tröndle,un écrivain Châtillonnais

Une correspondance a donc vu le jour entre nous deux, j'ai découvert une jeune femme pleine de sensibilité, naturelle , franche  et qui déteste l'hypocrisie !
Des textes me sont parvenus,des poèmes aussi...
Je lui ai demandé l'autorisation de parler d'elle sur mon blog,elle a accepté vraiment gentiment et je l'en remercie beaucoup, j'ai demandé des photos, elle m'en a envoyé..
La voilà Valérie avec son beau sourire...

-Valérie Tröndle,un écrivain Châtillonnais

et , studieuse, devant le bureau où elle écrit, près d'un  chat,qui est, comme chacun sait,  l'ami des écrivains !

-Valérie Tröndle,un écrivain Châtillonnais

Je vais donc publier ,petit à petit,les jolis textes qu'elle m'envoie,ses poèmes..
Je commence aujourd'hui par ce commentaire sur l'article "Métallos et Dégraisseurs" , que j'avais mis de côté..

Moi aussi, j'aimerais bien la voir cette pièce de théâtre..
J'ai lu cet article aussi avec un pincement au coeur
L'usine, j'ai habité juste à côté pendant 18 ans
Un p'tit texte que j'avais écrit en 2007

Le  poème , qui suit ce commentaire,  m'a beaucoup impressionnée, tellement il m'a rappelé la mise en scène de la pièce de Raphaël Thierry, où l'usine reproduisait des bruits bizarres, grinçants...tellement vrais !...

L'usine, elle tourne,
Elle rugit, elle ronronne.
Parfois, elle sonne à la porte. C'est l'Miguel et son oeil dans la poche. c'est la Paulette et son manque de pinard. C'est l'père Fouette qui porte sur son dos, son dos qu'en a marre, c'est l'Ahmed et son doigt qui s'balance, ou l'Toni et sa trêve du dimanche.

Et l'usine, elle tourne,

Elle rugit, elle ronronne.
Parfois, elle explose et s'ouvre et fanfaronne. C'est l'dirlo et son manque à gagner, c'est l'p'tit cadre et ses feuilles à trouer, sait pas écrire, c'est l'aut'e chef qu'à plus rien à branler, ou l'toubib qui veut boire un café, et c'est la grève et les portes à escalader, les chants de guerre aux pieds rassemblés, le défilé des monstres, de tous ces athées. c'est l'usine et ses rouges, ceux qui boivent de la piquette, ceux qui en bavent et qui embrasent l'Odette. Si ça bouge! ça fait peur aux femmelettes!

Mais l'usine, elle se réveille,

Et puis elle tourne,
Elle rugit, elle ronronne.
Et parfois, elle postillonne. C'est l'Bibi qui pleure, qui vient d'se faire virer, la Justine qui valse, qui vient d'se faire tirer, ou l'gars d'la CGT qui gueule, qu'a pas peur d'la ram'ner, le p'tit Godroche qui s'est déjà fait la malle, mais l'Pilou qu'est là pour remplacer.

Et l'usine, elle tourne,

Elle rugit, elle chantonne.
Et c'est l'bal, celui ou ça s'bastonne.
Fils d'ouvriers contre fils de bourgeois.
1950, 1960, 1970, 1980,
Même combat, c'es toujours comme ça!
Ceux du pont des fainéants contre les p'tits cons des commerçants!

Et l'usine, elle tourne,

Elle rugit, elle ronronne.
Elle happe, elle ensorcelle,
elle frappe, elle ribambelle,
Elle dévore, elle vomit,
Elle danse ou elle gémit.

Mais l'usine, elle fatigue,

Elle vieillit et ronronne au ralenti.
Elle a recraché un quart de ses ouvriers,
Parce que l'usine,
Elle s'époumone,
Elle s'abandonne,
Elle radote,
Elle agonise...


*les noms sont fictifs évidemment et il y avait des cadres qui savaient écrire aussi

C'est impressionnant n'est ce pas ? vous comprenez pourquoi j'ai voulu entrer en correspondance avec Valérie-Librelulle, cette écrivain (e) qui a tant de talent..
Je publierai les jours prochains d'autres textes qu'elle m'a offerts si généreusement,mais j'aimerais citer un passage de son livre "au nom du père" qui m'a touché tout particulièrement..

Les blessures ne se referment pas totalement.Elles restent vives mais on apprend à vivre avec et à en supporter les brûlures.Un jour , on ose se retourner sur son passé et après y avoir apprivoisé les ombres, on entrevoit la lumière….

Et puis un beau jour, comme on dit souvent, un jour beau, presque par hasard, on s’aperçoit que ça ne brûle plus.

Un petit tas de cendres sur lequel on pose un regard attendri avant de souffler dessus

D'autres extraits,d'autres textes et poèmes inédits bientôt..

Vous pouvez vous procurer le livre de Valérie Tröndle à la librairie du Musée , il vaut vraiment la peine d'être lu, ne vous en privez pas !

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Rédigé par Christaldesaintmarc

Publié dans #jour, #ronronne, #rugit, #tourne, #usine

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