Une conférence-débat à 14h30 avec Philippe Masson, professeur d'histoire en diététique à l'Université de Nancy a eu lieu samedi 31 mai au château de Montigny sur Aube...
Marie-France Saint-Hillier, Présidente de l'Association des Amis du Château de Montigny sur Aube a évoqué le cycle des animations qui se dérouleront au château de Montigny du 31 mai au 21 septembre.
Une très belle exposition de documents, de plantes médicinales utilisées au Moyen-Âge sera présentée, accompagnée à certaines dates de dégustations de mets inspirés de l'époque médiévale (31 mai, 1er juin, 12 juillet, 15 août, 20 et 21 septembre).
Pour débuter ce cycle, madame Saint-Hillier a présenté Philippe Masson, professeur d'histoire en diététique à l'Université de Nancy qui nous a fait un exposé passionnant sur la gastronomie médiévale.
Philippe Masson, au début de sa conférence, nous a précisé que la gastronomie médiévale est un sujet, encore aujourd'hui, méconnu. Il y a en effet peu de textes sur ce sujet et, dans ceux-ci, on ne connaît pas les proportions de produits, on ne sait pas par exemple la quantité d'épices, fort prisées en ce temps-là, qui agrémentaient les aliments.
On peut avoir une idée de ce que mangeaient les paysans et les seigneurs en regardant les vitraux, les tapisseries, les livres de comptes, les guides pour pèlerins. On peut aussi se baser sur l'archéologie : ossements d'animaux, d'humains, la science actuelle pouvant déterminer quelles sortes d'aliments avaient été ingérés en étudiant la composition des os.
Deux livres de cuisine existaient néanmoins au Moyen-Âge, le plus célèbre étant le "Viandier " de Taillevent, datant de 1391.
Taillevent était le cuisinier des rois de France Charles V et Charles VI. Il fut annobli par le roi et devint "Maistre des garnisons de cuisine du Roi".
Sur sa pierre tombale, Taillevent est représenté en combattant, entouré de ses deux épouses.
Un autre livre de cuisine "Le ménagier de Paris" fut écrit par un bourgeois à l'usage de son épouse. Ce livre se trouvait d'ailleurs dans la bibliothèque des Ducs de Bourgogne. Le Moyen-Âge est une période qui dura près de mille ans, on vit donc, au cours du temps, une évolution dans ce que consommèrent paysans et seigneurs.
Au début la nourriture était semblable à celle des gallo-romains, mais peu à peu, avec le passage des Barbares, elle évolua en incluant les aliments de cueillette, que ces derniers pratiquaient : champignons, framboises fraises etc..On vit donc apparaître un équilibre entre culture et cueillette.
On ne peut prétendre connaître le goût des différentes catégories sociales, mais on sait à l'évidence que le paysan ne mangeait pas la même chose que le seigneur.
Les grandes catégories d'aliments étaient, néanmoins, les mêmes pour tous :
-La viande: petit bétail, volailles, animaux issus de la chasse (jusqu'au Xème siècle pour la paysannerie, les seigneurs se la réservant ensuite). on ne consommait jamais de cheval ni de chèvre dont les pieds fourchus évoquaient le diable
-Les poissons :brêmes, carpes,brochets
-Les fromages de brebis surtout, les moines des abbayes élaboraient de bons fromages comme à Citeaux
-L'alimentation était principalement végétale, privilégiant les céréales, seigle, orge, épeautre, mais aussi les légumes secs, fèves, haricots secs, pois chiches.
-Les légumes et les fruits : panais,carottes, navets, poireaux, ail, salades, champignons, fraises et framboises sauvages. plus tard arriveront épinards, abricots, citrons.
-Beaucoup de plantes aromatiques étaient utilisées dans la cuisine et, de plus, elles pouvaient soigner.
-La boisson était essentiellement du vin, consommé par les adultes mais aussi par les enfants, car il contenait très peu d'alcool. On en mettait dans l'eau de boisson, car on pensait ainsi l'assainir. Lorsque le vin manquait on buvait du cidre.
Les paysans avaient une nourriture variée, équilibrée à base de céréales. La viande était celle du saloir, car les habitants des villes devenant plus nombreux, les paysans préféraient vendre, au marché de la ville, leurs viandes fraîches.
Les moines avaient une nourriture frugale à base végétale : pain et légumes. Ils ne consommaient pas de viande car, pour eux, tuer un animal, faire couler son sang, les éloignait, pensaient-ils, du jardin d'Eden originel.
La noblesse utilisait beaucoup d'épices: noix de muscade, gingembre, girofle. Car ces épices avaient aussi un aspect médicinal, elles rendaient les aliments plus digestes.
Chez les nobles on pensait que manger de la viande rendait fort. La chasse (autre façon nous dit le conférencier, de faire la guerre !) devint fondamentale, on chassait cerfs, chevreuils, sangliers et même...cigognes. On aimait aussi les volailles à la viande "aérienne". Les bovins étaient peu utilisés on pensait que leur viande était dangereuse pour la santé. On consommait aussi beaucoup la viande de mouton.
Les fromages forts étaient appréciés, les poissons également.
Le poids de la religion était très important dans l'alimentation: on jeûnait le vendredi et le samedi en consommant œufs, miel, verjus, poissons en utilisant du beurre, plus léger que le saindoux et la graisse de bœuf. Il y avait aussi les longues périodes de Carême...
Les paysans, comme sur cette gravure, avaient un lieu pour faire la cuisine, sans cheminée, seulement un trou au plafond. La cuisson se faisait avec un "pot" (d'où le potage, la potée) suspendu au dessus du feu par une crémaillère, on y cuisait des céréales bouillies avec des herbes. D'autres cuissons se faisaient au four banal.
Les moines avaient des cuisines modestes près des réfectoires.
Les seigneurs, comme les Ducs de Bourgogne possédaient de grandes cuisines, on peut d'ailleurs voir encore à Dijon celle de nos grands Ducs d'Occident. L'entourage des Ducs comptait environ 150 personnes ..de plus ils recevaient beaucoup. Le personnel de cuisine était donc très important: sauciers, rôtisseurs...environ 61 personnes travaillaient aux cuisines, au temps de Philippe le Bon.
Il n'y avait pas de pièce réservée dans les châteaux pour les repas. On dressait la table simplement avec une planche sur des tréteaux. On la recouvrait d'une nappe en satin damassé, doublé qui descendait jusqu'à terre, on s'essuiyait d'ailleurs les mains dessus. Les convives n'étaient assis que d'un côté de la table, souvent sur les bancs peu confortables, seul le seigneur était assis dans un fauteuil. Lui seul possèdait une cuillère et un verre personnels, les autres convives se partageaient verre et cuillère, cela donnait entre eux, nous dit le conférencier , une grande convivialité !!
les couteaux par contre étaient personnels.
Derrière la table on trouvait un buffet souvent à cinq étages dans lequel on rangeait la vaisselle et des décorations.
Sur la table on posait de très beaux objets comme cette salière somptueuse, les Ducs aimaient y placer une nef en métal, symbole de leur puissance.
Les règles de table étaient très strictes, les convives devaient avoir un comportement courtois...
Exemple de menus au temps des Ducs de Bourgogne où l'on consommait dans l'ordre :
Fruits crus, potages, rôtis, entremets, hypocras (vin aux épices), amandes et fruits confits.
Cette conférence de Philippe Masson a ravi l'assistance, nous avons appris énormément de choses sur la gastronomie médiévale, c'était vraiment passionnant.
Le conférencier a été très applaudi.
Madame Menage-Small, la châtelaine du château de Montigny sur Aube, nous a ensuite conviés à aller voir la très belle exposition de la Tour Jean Sans peur à l'orangerie du château, et à participer à une dégustation de mets de l'époque médiévale.
La visite de l'exposition était superbe, les mets médiévaux dégustés étaient succulents.
Pour profiter de toutes ces merveilles, rendez vous au château les jours indiqués, je publierai à ce sujet un article après le 21 septembre, lorsque l'exposition sera terminée.