blog d'une châtillonnaise
Anne Bouhélier est viticultrice et guide de pays à Chaumont le Bois. Elle a proposé aux visiteurs du marché de la truffe à Leuglay du 4 décembre 2016, une fort intéressante conférence sur l'origine de la vigne et la naissance du crémant dans notre Châtillonnais.
La "Côte "Châtillonnaise qui s'étend de la vallée de la Laigne à celle de l'Ource, est très bien exposée. Elle est entourée de cultures, de résineux plantés au siècle dernier, lorsque la vigne n'existait pratiquement plus.
Les Celtes connaissaient le vin, mais ne savaient pas cultiver la vigne. Le vin qui emplit le superbe vase de Vix, venait des bords de la Méditerranée, de Grèce sans doute, et arrivait dans des amphores. Ce vin était épais et devait être filtré avant sa consommation.
Les gallo-romains cultivèrent la vigne, on a trouvé à Vertillum cette statuette de Bacchus, ainsi que de nombreux outils de tonnellerie qui le prouvent.
Le développement de la culture de la vigne dans le Châtillonnais, comme ailleurs en Bourgogne, vient des abbayes. En effet les moines avaient besoin de vin pour célébrer leurs offices, mais aussi pour leur propre consommation (1/4 de litre de vin par jour pour un moine). Les abbayes recevaient aussi des visiteurs puisqu'elles pratiquaient l'hospitalité.
Plus tard les abbayes tirèrent de la vente du vin un bénéfice économique qui leur permit de s'enrichir.
Ce magnifique pressoir de l'abbaye de Molesme nous rappelle l'importance de son domaine viticole.
Anne Bouhélier, qui a fait de nombreuses recherches aux Archives , nous cite le cas de la Chartreuse de Lugny qui possédait, selon l'inventaire de 1701, 250 ouvrées de vignes soit environ 12 ha.
En 1700 un contrat mentionnait le nom d'un vigneron qui supervisait la culture de la vigne, interdisait la culture de légumes entre les ceps, pour obtenir un vin d'excellente qualité.
Les Seigneurs, eux-aussi, possédaient des vignes, et c'étaient eux qui possédaient les pressoirs.
La ville de Châtillon sur Seine s'enrichit avec le commerce du vin.
La frontière entre la Champagne et la Bourgogne n'était pas la même qu'aujourd'hui, mais il n'y avait aucun préjudice pour les vins du Châtillonnais puisque, à cette époque, les appellations n'existaient pas.
Au XIXème siècle, dans certains villages comme Chaumont-le-Bois, Vannaire, Gomméville, les vignerons représenteront jusqu'à 75% de la population.
Avec l'essor métallurgique, le nombre de vignerons se réduisit, les hommes étant tentés par un salaire fixe (un peu comme les trufficulteurs cités dans la conférence précédente par Léon Wehrlen...)
Le Maréchal Marmont qui fréquentait la haute société, va connaître, au cours de repas avec la noblesse, les premiers vins "champagnisés", il était, de plus, proche de la famille Moët d'Epernay.
Il tenta donc vers 1820, avec l'aide de spécialistes, de "champagniser" le vin de ses vignes Châtillonnaises. Mais vers 1827, il fit faillite et cette expérimentation s'arrêta.
Beaucoup de personnes travaillaient dans le secteur viticole :
Une maison prestigieuse de Châtillon sur Seine, Lemonnier et Nouvion, conçut un pressoir révolutionnaire qui ne nécessitait que deux hommes pour presser le raisin, on le nomma le "pressoir Châtillonnais"
Voir à ce sujet les recherches effectuées par Anne Bouhélier sur ces pressoirs :
Hélas, les coups durs pour la vigne se succédèrent :
Le phylloxéra ravagea les plants de vigne, les vignerons plantèrent alors de plants greffés qui furent peu donneurs, et des hybrides qui ne donnèrent pas des vins de qualité.
Il y eut aussi des aléas climatiques, l'arrivée du mildiou et de l'oïdium...
Le dernier événement qui précipita de déclin des vignes Châtillonnaises fut l'arrivée des vins du midi, peu chers, par le chemin de fer...
La délimitation opérée entre la Champagne et le Châtillonnais défavorisa le vignoble de notre région. Il y fut interdit d'y produire du "Champagne" et même de vendre des raisins aux maisons de l'Aube et de la Marne qui en produisaient.
L'effervescence fut expérimentée à Molesme en 1970, avec la "méthode champenoise", mais il ne s'agissait alors que des vins pétillants que l'on appelait "mousseux".
Heureusement les viticulteurs se mobilisèrent en 1986...
Beaucoup des anciennes vignes avaient été arrachées autrefois et remplacées par des résineux, il fallut donc les arracher...
puis planter des ceps de qualité : pinots noirs et chardonnays.
En 1975 fut créée l'appellation "crémant de Bourgogne"
La culture de la vigne châtillonnaise est pratiquée d'une façon assez proche de la culture des vignes de Champagne.
On récolte, par exemple, les raisins uniquement à la main.
Les crémants du Châtillonnais sont soumis à un élevage rigoureux qui leur permet d'être des vins effervescents de très grande qualité.
Le crémant Châtillonnais est de plus en plus apprécié !
Le vignoble du Châtillonnais a obtenu le label "Vignobles et Découvertes", un parcours très intéressant, qui se nomme la "route du crémant" permet de découvrir tous les vignerons du secteur.
Et de visiter les caves , où vous serez toujours très bien accueillis, n'hésitez pas à vous y rendre...
A Chaumont le Bois, Sylvain et Anne Bouhélier ont ouvert un petit musée fort intéressant, le musée du vigneron, que je vous invite à découvrir....(dernière photo en bas à droite)
http://www.christaldesaintmarc.com/le-musee-du-vigneron-a-chaumont-le-bois-a640891
Anne Bouhélier fut très applaudie pour son riche exposé qui permit à beaucoup de visiteurs, venus souvent de très loin au marché de la truffe, de pouvoir découvrir notre si belle région et son vignoble.