"Le Mont Lassois, de l'Antiquité tardive au Haut Moyen-Âge", une étude historique de François Poillotte pour la SAHC
Publié le 3 Mai 2020
François Poillotte, Vice Président de la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais, est un historien passionné par l'histoire du Châtillonnais. Il nous présente aujourd'hui l'évolution de la vie sur le Mont Lassois après la disparition de la cité de la princesse de Vix, une étude fouillée et passionnante, merci à lui !
Société Archéologique et Historique du Châtillonnais
Le Mont Lassois, de l'Antiquité tardive au Moyen-Âge
(par François Poillotte)
La vie sur le mont Lassois ne s’est pas arrêtée avec la disparition de la dame de Vix. Si la découverte de la tombe princière en Janvier 1953 dans la vallée oxfordienne, au pied de la butte, a signé l’heure de gloire du site, celui-ci a connu un regain d’activités à certaines périodes.
Nous ne savons pas grand-chose sur les raisons de l’extinction de la présence celte sur le mont Saint-Marcel, et l’époque à laquelle elle a eu lieu. La désaffection de cet habitat princier, dont les substructures ont été mises à jour récemment, s’est sans doute effectuée petit à petit, dès la période du Hallstatt finissant (450 avant J.-C.) ou durant la Tène.
Le mont Lassois au temps de l’Antiquité tardive
A l’époque romaine, Latisco était devenu, semble-t-il, un simple oppidum gallo-romain, qui aurait été détruit par les vandales, selon le récit tardif (XIème s.) d’un moine de l’abbaye de Pothières.
On ne connaît pas la date précise de cette destruction, qui aurait sans doute eu lieu à la fin de l’antiquité tardive, au cours du IVème siècle.
L’hagiographe de Pothières parle des Alamans qui n’étaient autres que les Vandales, conduits par Crocus, qui dévastèrent à cette
époque les cités de la vallée du Rhône et qui furent défaits devant Arles.
Mais on peut se poser la question de savoir si la légende n’a pas pris, ici, le pas sur la vérité historique.
Voici le récit qu’en fait la chronique : « Un roi des vandales ayant trouvé Latiscon bien fortifié par l’art et la nature, et défendu par une bonne garnison, y laissa une grande partie de son armée pour en faire le siège et que pendant ce temps il continua le cours de ses ravages. «
Après un très long siège, la garnison épuisée pensait à capituler, lorsqu’un des assiégés, plus prudent que les autres, avisa de prendre un jeune bœuf, de le faire jeûner pendant trois jours, ensuite de le rassasier de froment et de le chasser de la ville, afin qu’étant altéré, il courut à la fontaine voisine.
Cet avis ayant été adopté et mis à exécution, le bœuf fut éventré par les assiégeants qui furent très surpris de trouver ses entrailles pleines de froment.
Cette découverte leur persuada facilement qu’en vain ils s’obstineraient à continuer le siège ; que la ville était imprenable par sa situation, et que d’ailleurs on ne pourrait la réduire par la famine, puisque les animaux même, étaient nourris de froment.
Ces réflexions firent lever le siège aux barbares qui se retirèrent à la hâte. « Bientôt, celui qui avait donné un si joli conseil, représenta aux assiégés qu’en poursuivant les ennemis avec précaution et prudence, on pourrait facilement les détruire.
Aussitôt on prend les armes, on court sans ordre et avec précipitation à la poursuite des barbares, on les atteint aux environs des Jumeaux, à une lieue de Latiscon, et le combat s’engage de part et d’autre, avec opiniâtreté, et le carnage est horrible.
Cependant la garnison de Latiscon affaiblie par la longueur du siège et de beaucoup inférieure en nombre, commence à battre en retraite et à revenir peu à peu vers la ville.
Les vandales redoublent leurs efforts et poursuivent à leur tour les assiégés ; de sorte que les vainqueurs et les vaincus entrent pêle-mêle dans la place, qui tombe enfin sous le fer des barbares. Tout fut mis à feu et à sang et la ville ruinée. »
Selon certains historiens, comme Lapérouse (Bulletin de la Société Archéologique du Châtillonnais, t 1, 1881) ou Fernand Daguin (Les fouilles de Vertault, 1898, Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t LVII), la destruction de Vertilium, à la même époque, (milieu du IVème s.), imputée également aux vandales, serait à relier, selon eux, à celle du mont Lassois.
La découverte d’un certain nombre de tessons provenant d’ateliers céramiques gallo-romains d’Argonne, décorés de motifs chrétiens, peut laisser supposer que quelques premiers chrétiens étaient peut-être présents sur le plateau supérieur au IVème siècle.
Un petit oratoire y aurait été édifié. Mais on est très loin de la « Ville » dont l’existence est rapportée dans le récit ci-dessus.
La présence chrétienne se confirmera le siècle suivant. Latisco, sera reconstruite et retrouvera une certaine importance, confirmée par les Actes de saint Loup.
Vers 451, l’évêque de Troyes aurait fui sa cité épiscopale, en compagnie d’une partie de son peuple, pour échapper aux hordes hunniques, et se serait ainsi retiré sur le mont Lassois.
C’est la thèse émise par certains, comme l’abbé Leboeuf ou Lapérouse. Pour d’autres historiens, la cause de cette retraite serait bien différente. Saint Loup se serait réfugié sur la butte du mont Lassois, pour échapper au ressentiment de ses fidèles.
Le mont Lassois au haut Moyen Âge Le Haut Moyen Âge s’étend de la fin du Vème siècle à la fin du 1er millénaire. Durant la période mérovingienne, de 487 à 751, les informations écrites sont quasi-absentes à l’exception de quelques rares données narratives (Grégoire de Tours). La civilisation de l’oral s’est substituée à celle de l’écrit.
L’époque carolingienne qui lui succèdera sera plus fertile en sources, issues d’une féodalité qui s’affirme, mais aussi de la littérature épique.
L’archéologie a permis d’établir une présence humaine à l’époque mérovingienne, sur l’emplacement de l’ancien site Hallstattien.
Les traces d’un habitat isolé, avec l’existence séparée, un peu plus bas sur le mont Roussillon (à l’emplacement du château d’eau et du grand parking aménagé un peu plus loin) d’une nécropole mérovingienne où plusieurs dizaines de sarcophages ont été mis à jour, atteste cette présence.
La découverte sur le plateau supérieur du mont Saint-Marcel, à proximité immédiate de la maison à abside, datant du 1er âge du fer, lors du décapage de la terre de surface, d’une unique pièce de monnaie en or, datant de l’époque mérovingienne apporte une preuve supplémentaire de cette présence.
L’existence de deux monnaies de la même époque, conservées au Cabinet des médailles de la Bibliothèque Nationale de France à Paris, fournit un précieux témoignage sur l’importance que ces lieux ont conservé en ce temps-là.
L’une de ces pièces en or comporte sur l’une de ses faces, la légende « Latiscvne » (voir « Le mont Lassois et ses monnaies » de J. Stréer. Bulletin Archéologique et historique du Châtillonnais, n° 6, 2003). Toutefois aucune indication ne nous est donnée sur le lieu où ces pièces ont été frappées ni sur l’endroit où elles ont été découvertes.
Saint Valentin, serait né sur le mont Lassois ( ?). Sa date de naissance est incertaine, vers 507 selon A. Lavielle, 1885, ou 519 (Acta sanctorum).
Issu d’une famille de notables romains, installés à Pothières, il aurait été élevé à la cour de Théodebert, roi d’Austrasie, petit-fils de Clovis.
Fiancé contre son gré par son père, il se serait enfui les veilles de son mariage pour vivre une vie d’ermite dans une grotte des environs de Griselles. Sa piété fut telle qu’il acquit localement une grande réputation qui lui vaudra d’être ordonné prêtre, par l’évêque de Langres.
Il fondera plus tard un petit monastère à Griselles. Décédé vers 547, il sera inhumé dans la crypte de l’église édifiée au sommet de la butte qui domine la vallée de la Laignes.
Un monastère sera fondé plus tard, en 1018, à Griselles, pour perpétuer le culte de saint Valentin.
Ce saint local, dont la notoriété n’a guère dépassé les frontières du Lassois, mais dont la célébration du culte s’est prolongée jusqu’ à la fin du XIXème siècle ne doit pas être confondu avec le « saint patron des amoureux » ainsi désigné par le pape Alexandre VI, fêté le 14 février de chaque année et qui vécut au IIIème siècle.
Dans le Châtillonnais, en dehors de l’église de Griselles, seule celle de Chamesson sera également placée sous le vocable de Saint Valentin de Griselles.
Le culte des saints a été fréquemment célébré, dans cette partie du Lassois, en cette période de christianisme triomphant.
Dans le village voisin de Marcenay où il s’était retiré quelques décennies seulement après saint Valentin, saint Vorles, mort le 16 juin 561 sera inhumé dans l’église du lieu.
Ses reliques furent transférées à Châtillon en grande pompe, en 868.
A l’époque carolingienne, on assiste à un déplacement de l’occupation vers le mont Roussillon et c’est sans doute là que fut édifié un oratoire au IXème siècle dédié en l’honneur de saint Marcel.
Latisco apparaît alors sous l’appellation de « Castellum », c’est-à-dire un château au centre du « Castrum », village fortifié sur une hauteur.
Le castrum latesconum, comportait en son sein, dès la fin du IXème siècle, cette petite église.
Dans le langage vulgaire de l’époque, le nom de Latisco est devenu « Latss ». On retrouve cette appellation sur le revers de quatre deniers de l’époque de Charles le Chauve, dont la légende est : « CASTELLATS », « CASTERLATSS », ou encore « CASTRELATSS » (J. Stréer, Bulletin SAHC n° 6 – 2003)
C’est sur le mont Roussillon qu’aurait été édifiée une forteresse, au IXème siècle, par Girart de Roussillon, dans laquelle il aurait résidé, comme le rappelle la légende consacrée à cet illustre personnage par les chansons de geste qui lui ont été dédiées. (Xème s. – XIIème-XIIIème s.)
Aucune trace physique confirmant l’existence d’un tel château n’a été révélée à ce jour, à proximité de la petite église romane que nous connaissons.
Une telle présence aurait-elle été le fruit de la seule légende ? Selon J. Laurent, (cartulaires de Molesme – commentaires – Aspect féodal du Lassois), nul texte digne de foi n’autorise à authentifier le castellum du IXème siècle avec le fabuleux château de Roussillon célébré par la littérature épique de la seconde moitié du Moyen Âge.
Mais qui était Girart (Girard ou Gérard), l’un des personnages centraux de la fin du haut Moyen Âge, fondateur de l’abbaye de Pothières ?
La vérité historique sur la vie et les exploits de ce grand féodal est difficile à extraire de la légende résultant de la littérature qui lui a été consacrée.
On ignore la date de naissance de celui qu’on appellera Girart de Roussillon en Bourgogne, Girart de Vienne dans le Dauphiné et Girart de Fraite en Provence.
Il a épousé avant 818, Berthe, la fille du comte de Tours, Hugues le Peureux ou le Poltron. A la suite de cette union il deviendra le beau-frère de l’empereur Lothaire 1er, qui avait épousé Ermengarde de Tours, la sœur de Berthe.
Très tôt, il devint comte du Lassois, puis comte de Paris en 838, sous le règne de Louis le Débonnaire, connu également sous le nom de Louis le Pieux.
Ce titre que portait déjà son père Leuthard 1er décédé en 816, il le conservera au début du règne de Charles le Chauve.
Au service de Lothaire 1er dont il était le beau-frère, il devint régent du royaume de BourgogneProvence sous Charles le Jeune. Au décès de celui-ci, il sera aux côtés de Lothaire II, contre les prétentions de Charles le Chauve.
La vie de Girart sera dominée par ses démêlés avec Charles le Chauve.
Depuis la bataille de Fontenoy-en-Puisaye en 841, qui opposa Lothaire 1er à ses deux frères Louis le Germanique et Charles le Chauve, et le traité de Verdun, Girart et sa femme Berthe avaient réussi non seulement à conserver mais également à accroître leur patrimoine dans la Bourgogne franque, malgré leur confit avec Charles le Chauve.
Ils savaient aussi que leur situation patrimoniale était précaire face au souverain.
Afin de mettre ses biens à l’abri d’une confiscation éventuelle, mais aussi par piété, Girart fondera divers monastères, notamment dans deux de ses principales villae, l’un de femmes à Vézelay dans le diocèse d’Autun et l’autre d’hommes à Pothières, dans le Lassois, dans le diocèse de Langres, autour des années 858-859. Il les dota d’une grande partie de ses biens en s’en réservant les revenus sa vie durant. Ces monastères furent placés directement sous l’autorité du pape et sous sa protection.
« L’abrégé chronologique de l’histoire des évêques de Langres, jusqu’au concordat de 18011802 » de l’abbé Mathieu, sous la rubrique « Isaac, 37ème évêque » nous livre une version différente.
Au mois de mai 859, les premières séances d’un concile provincial présidé par Rémy, archevêque de Lyon, en présence du roi, se tiennent à l’église des Saints Jumeaux à Saints Géosme. Il se prolongera à Savonnières à proximité de Toul, où l’élection d’Isaac sur le siège épiscopal de Langres sera approuvée.
Au cours de ce concile, par l’autorité de Charles-le-Chauve, on dépouilla Girart, comte de Roussillon de ses charges, de tous ses comtés et de sa forteresse de Lassois, qui fut rasée nous dit-on, jusqu’aux fondements, «à cause des brigandages que ce seigneur commettait dans les environs et de sa révolte contre son souverain ».
Girart de Roussillon, rentré dans les bonnes grâces du roi, fondera avec Berthe, son épouse, vers l’an 863, l’abbaye de Pothières au bas de son château de Lassois, et une autre pour les femmes à Vézelay.
Ces établissements seront ratifiés par leur fille. Le monastère de Pothières sera placé sous la juridiction du souverain pontife avec le consentement d’Isaac, évêque de Langres.
On le constate, bien des interrogations demeurent quant à la véracité des faits et à leur chronologie.
Berthe, meurt en 873. Elle sera inhumée à Pothières, aux côtés de son fils Thierry, prédécédé. Girart, les rejoindra à son décès, en Avignon, en 877.
Le mont Roussillon aurait abrité un petit monastère au IXème siècle, placé sous l’invocation de saint Marcel. Cette obédience de la lointaine abbaye bénédictine de Saint-Marcel-les-Chalon, sera cédée, vers 887, à l’évêque de Langres Geilon.
A la même époque, Latisco, ou ce qu’il en restait, fut détruite par les Vikings, qui remontaient la vallée de la Seine.
Le mont Lassois fut le siège d’un pagus, le pagus Latiscensis, dont l’existence ne nous a été révélée qu’au début du VIIIème siècle.
A cheval sur les deux départements actuels de l’Aube et de la Côte d’Or, Il s’étendait dans la vallée de la Seine, de Châtillon à Bourguignon, un peu en aval de Bar-sur-Seine ; dans la vallée de l’Ource, depuis Recey jusqu’à la confluence de cette rivière avec la Seine et enfin, sur une partie de la vallée de l’Aube, entre Lanty et Dancevoir.
Le mont Roussillon a probablement abrité dans les derniers temps du haut Moyen Âge, un semblant d’administration de ce pagus. Girart de Roussillon, fut le plus connu des comtes de Lassois.
C’est également là qu’a été fixé le siège de l’archidiaconé du Lassois, dont l’existence est attestée dès le début du XIème siècle. Son étendue correspondait presqu’exactement à celle du pagus.
Il occupait le cinquième rang parmi les six archidiaconés qui composaient le diocèse de Langres : 1) Langres ou Grand archidiaconé, 2) Dijonnais, 3) Tonnerrois, 4) Barrois, 5) Lassois 6) et Bassigny. Jusqu’en 1163 l’archidiaconé du Lassois n’était qu’un doyenné, le doyenné du Laçois ou Lassois, qui fut démembré, en deux doyennés, celui de Bar-sur-Seine et celui de Châtillon. Une charte de donation par l’évêque de Langres, Geoffroy de la Roche-Vanneau, au profit de
l’abbaye de Montiéramey (Arch. Aube) de 1152, des églises de Loches et Landreville, révèle la présence parmi les nombreux témoins appelés à cette opération, de Ponthius archidiaconus lacesiensis. En 1162, dans une charte constatant la cession au profit de l’abbaye de Clairvaux, par plusieurs curés, de dîmes qu’ils percevaient, on voit encore paraître Hugues de La Chaume, doyen du Lassois, qui portera le titre, dans une autre charte de 1163 de doyen de Châtillon.
Les deux doyennés issus de cette division subsisteront jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Le site du mont Roussillon sera abandonné, sans doute à partir de cette époque, et le siège de l’archidiaconé sera transféré à Châtillon.
Ce transfert ne présenta guère d’intérêt localement, puisque l’archidiacre du Lassois avait sa résidence permanente à Langres, sa fonction étant ramenée à une simple dignité, dépourvue de tous pouvoirs.
Le Mont Lassois au bas Moyen Âge Le Moyen Âge classique du XIème au XIIIème siècles assure la transition vers le Bas Moyen Âge.
C’est sans doute la période la plus prolifique pour les sources avec l’introduction de la réforme grégorienne, du nom de son principal artisan, le pape Grégoire VII.
Cette réforme donnera naissance à de nombreux ordres monastiques dont sont issus la plupart des monastères du Châtillonnais (Molesme, Oigny, Notre-Dame de Châtillon, la Chartreuse de Lugny, le Val-desChoux).
Les multiples écrits qui accompagnent ces fondations, comme les chartes relatant les aumônes, les ventes, les sentences diverses, ainsi que les pancartes, bulles pontificales, ou encore les diplômes, nous fournissent une vision plus fiable des événements que les rares chroniques et récits du haut Moyen Âge, où la légende a trop souvent prévalu.
Ce qui subsistait du petit monastère, sans doute désaffecté avec sa petite église existante sous le vocable de Saint Marcel, devint la propriété de l’abbaye de Molesme, fondée quelques décennies auparavant (1075).
Robert 1er de Bourgogne, évêque de Langres, frère des ducs Hugues 1er et Eudes 1er, en fit donation à la grande abbaye bénédictine, pour la fondation de son anniversaire, avant 1103, comme nous l’indique la pancarte de cet évêque, du 17 août 1103 : ecclesiam Sancti Marcelli de Monte Latisconis vobis specialiter a nobis donatam pro anniversario nostro faciendo.
Béatrix, épouse de Guy III de Vignory, fera donation de son côté, à Molesme, des églises de Saint Marcel du mont Lassois et de Saint Didier de Montliot, à l’occasion des obsèques de Robert, évêque de Langres, son frère, à l’automne 1111 ou 1112.
Robert de Bourgogne, en raison de la grande estime qu’il portait à saint Robert, fondateur de Molesme, avait manifesté le souhait de recevoir l’habit bénédictin avant de mourir, et d’être inhumé à l’abbaye.
Il séjournait dans son château de Châtillon, à l’automne 1111 ou 1112, lorsqu’il tomba malade. Présentant sa fin prochaine, il fit appel à Guy de Chatel-Censoir, abbé de Molesme, successeur de saint Robert, décédé au printemps 1111, qui lui remit la coule.
Cette prise d’habit « in extremis », comme l’élection de sépulture dans un monastère, était particulièrement recherchée par l’aristocratie, en ces temps de grande ferveur.
Mais un doute apparaît dans la nature même de la libéralité consentie par Béatrix, pour ce qui est de l’église Saint Marcel.
Nous avons vu qu’elle avait été donnée à l’évêque de Langres vers 887. Elle se trouvait donc appartenir à l’Eglise de Langres.
Rien cependant n’interdisait à Robert de Bourgogne de disposer, comme évêque, des biens de son église, ce qu’il fit.
Mais alors se pose la question de savoir à quel titre, la sœur de l’évêque a pu aliéner un bien qui ne lui appartenait pas. Détenait-elle, à titre personnel, des droits sur cette église qui auraient pu lui advenir par succession et partage ?
C’est à la suite de cette prise de possession, que fut érigé par l’abbaye de Molesme, un prieuré sur le mont Roussillon, très peu de temps après l’entrée du site dans le temporel de l’abbaye.
La construction de l’église Saint Marcel que nous voyons aujourd’hui remonte au début du XIIème siècle. Elle a sans doute été entreprise dans les années qui ont suivi la fondation du prieuré et se serait substituée à la petite église de la fin du haut Moyen Âge.
Il existait, à moins d’une demi-lieue du mont Lassois, un autre prieuré de Molesme qui eut une existence très éphémère. Le prieuré de Villemartin sur le territoire d’Etrochey a été fondé une décennie avant celui du mont Lassois.
Cette existence est confirmée par une notice qui constate la cession par le duc de Bourgogne Hugues II d’un droit d’usage au profit du prieuré de Villemartin, en présence notamment de Robert, évêque de Langres.
Hugues II Borel a succédé à son père, Eudes 1er mort à Tarse, en Cilicie, lors d’un pèlerinage en Terre Sainte, en 1102, Robert étant décédé quant à lui, probablement en 1111.
La trop grande proximité entre les deux prieurés a nui à leur développement.
Très rapidement, Villemartin sera supprimé et rattaché à celui du Lassois, mais il existait encore en 1145, ainsi qu’en fait état une grande pancarte du pape Eugène III du 18 novembre 1145, confirmant les possessions de Molesme : « ecclesiam sancte columbe cum capella ville martini ».
Le prieuré du Lassois ne survivra pas au Moyen Âge. Un prieur était encore en fonctions en 1227.
Cette année-là, l’archidiacre du Lassois constata un accommodement aux termes duquel le curé de Sainte-Colombe-sur-Seine et le prieur de Saint-Marcel du Mont Lassois se sont entendus : le premier, pour prendre en augmentation de son bénéfice, deux setiers de blé sur la
dîme du prieur de Channay ; le second, pour ne rien abandonner de ce qu’il percevait sur l’église de Sainte-Colombe.
Toute occupation permanente de la butte du Lassois, semble avoir cessé dans le courant du XIVème siècle.
L’activité humaine se limitera principalement à l’organisation, à la fin du Moyen Âge, de manifestations temporaires, sur le mont Roussillon.
Des foires s’y tenaient chaque année à la veille de la Saint-Marcel. A cette occasion, les officiers du duc de Bourgogne, percevaient sur les marchandises vendues, un droit de 12 deniers par livre.
Précisons enfin qu’à cette époque, le mont Lassois dépendait du duché de Bourgogne alors que le village de Vix était en Champagne. Cette appartenance à la Bourgogne, sera confirmée par un arrêt du parlement de Dijon, de 1752.
Conclusion
L’histoire médiévale de ce qu’on appelle aujourd’hui la Montagne de Vix, reste à préciser.
Bien trop d’interrogations demeurent. Souhaitons que l’archéologie puisse, dans les temps à venir, apporter les réponses que nous attendons, et suppléer à l’indigence des sources du haut Moyen Âge et aux incertitudes issues de récits trop hagiographiques.