L'histoire de l'Hôtel de Ville de Châtillon sur Seine, racontée par Dominique Masson
Publié le 3 Mars 2019
L'historien Châtillonnais Dominique Masson a eu l'idée extraordinaire de s'intéresser à ce qui subsistait de la construction de l'ancienne abbaye des Bénédictines, devenue notre Mairie, lors de sa réfection en 2018.
Il a pris de nombreuses photos et les a accompagnées de ses recherches sur l'histoire du bâtiment.
Dominique Masson nous livre, ci-dessous, une étude passionnante de l'histoire de notre ville, merci à lui de nous la faire si bien connaître.
Notule d’histoire
L’hôtel de Ville de Châtillon sur Seine (1)
En 2018, la municipalité de Châtillon a fait faire le ravalement des enduits de façade de la mairie, côté place de la Résistance, avant de se poursuivre côté jardin de la mairie. La mise à nu des pierres de construction permet de faire quelques observations sur la construction du bâtiment.
A l’origine, la zone entre les deux bras de la Seine, le quartier des Ponts, était relativement vide de constructions ; aussi pouvait-on trouver des terrains constructibles d’assez grande surface. Après le concile de Trente (de 1545 à 1553), Châtillon devint un centre de la Contre-réforme. Par décret royal, les monastères de femmes devaient se réfugier dans les villes pour leur sécurité. A Châtillon, l’évêque de Langres, avec l’appui de l’évêque de Genève, le futur saint François de Sales, parvint, non sans mal, à ce que l’abbaye du Puits d’Orbe, fondée au début du XIIe siècle près de Verdonnet, soit transférée à Châtillon, ce qui eut lieu le 21 décembre 1619. Monastère royal, la reine Anne d’Autriche leur promit une somme de 40 000 livres.
Les moniales résidèrent d’abord dans la rue du Recept, qu’elles quittèrent trois ans plus tard pour venir habiter sur la rive gauche de la Seine. En 1643, avec l’appui de la reine Anne d’Autriche, trois religieuses parisiennes du Val-de-Grâce vinrent apporter la réforme en ce lieu. Le mercredi 27 avril 1650, la reine mère, le cardinal Mazarin et les princes et princesses visitèrent l’abbaye ; celle-ci devait être en pleine construction. Anne d’Autriche va décéder en janvier 1666 et les deux ailes du monastère furent achevées en 1667, comme semble l’indiquer la date inscrite au-dessus de la lucarne au centre de la façade.
On pense que, n’ayant plus le soutien financier de la reine, les religieuses ne purent terminer la construction des corps de bâtiment sud-ouest et sud-est qui devaient fermer la cour carrée.
La disposition des façades et des ouvertures n’est pas semblable côté cour et côté extérieur. Côté cour, le rez-de-chaussée se trouve légèrement enterré et sujet aux inondations de la Seine voisine. Sur toute sa hauteur, il y a des pierres calcaires appareillées, mais de provenance très différente. Sur la façade nord-ouest, on compte six ouvertures ; on peut se demander s’il n’y a pas eu quelques modifications au cours de la construction, car il y a un petit soupirail bouché à un endroit. Le sol intérieur de cette partie basse a été surélevé il y a quelques années.
Figure 4 :le couloir de la salle des Bénédictines actuellement
Le rez-de-chaussée est séparé du premier étage par un boudin en pierre, surmonté d’un bandeau lisse en pierre en bas-relief, débordant légèrement. La partie nord-est devait peut-être comporter la cuisine, tandis que la partie nord-ouest devait servir de réserve et de cave ; ces parties sont desservies par un couloir, qui se retrouve à l’étage supérieur. Un puits est encore visible, la moitié se trouvant à l’extérieur, du côté du jardin de la mairie, l’autre partie étant à l’intérieur.
Figure 5 :l'angle sud-ouest du bâtiment au rez de chaussée
Lorsque le bâtiment fut devenu la mairie, un lampadaire fut installé à l’angle sud-ouest. Il reste encore le logement pour la corde et la manivelle, le passage de la corde et la poulie.
Le premier étage est la partie noble. On y accédait par un perron à double rampe, débouchant sur un corridor, courant tout le long des deux ailes, ouvrant sur de larges baies, réapparues lors de la réfection. Ce corridor desservait des salles assez spacieuses. Il y a huit baies sur chaque façade, mais la baie correspondant à l’entrée n’est pas exactement au milieu de la façade. Ces arcs reposent sur un chaînage de rangées de pierre, d’abord une rangée en saillie au-dessus du boudin de pierre limitant le rez-de-chaussée, puis des pierres bien appareillées, et enfin une autre bande en saillie.
Le second étage devait correspondre aux cellules des religieuses. Il y a huit ouvertures, aussi bien sur la façade nord-ouest que nord-est. Chaque encadrement de fenêtre repose sur un chaînage en pierre bien appareillé.
Des lucarnes sont disposées au niveau du toit, quatre sur chaque façade, avec des frontons triangulaires aux deux extrémités et à l’angle, et deux frontons semi-circulaires ; l’un, avec la date de finition des travaux, se trouve au dessus du perron.
Mais, à l’extrémité de l’aile sud-ouest (comme probablement à l’autre extrémité), il n’y a pas d’arc de prévu, preuve que cette extrémité a été rajoutée pour fermer le bâtiment, faute de construire les autres côtés. On trouve là un escalier à chaque extrémité, occupant la moitié de la largeur du côté ouest, mais la totalité de la largeur à l’est. Un œil de bœuf éclairait la cage d’escalier, au second étage, côté jardin de la mairie. Sur la façade sud-ouest, il y a trois ouvertures à chaque niveau. Au rez-de-chaussée, deux fenêtres sont au raz de la chaussée, sous le boudin de pierre, et la porte d’escalier, plus haute, coupe le boudin (mais il manque des chaînages de pierre dans les parties supérieures par rapport à la partie sud-est). Il devait y avoir la même configuration du côté sud-est, mais la porte du rez-de-chaussée, du fait du dénivelé, ne coupe pas le boudin (voir la figure 10). Un autre escalier se trouvait également dans l’angle des deux ailes.
Pour installer la mairie, le cloître fut bouché et fermé par des fenêtres avec encadrement de pierre, dans l’axe des arcades en pierre de l’ancien cloître. Mais, sous l’enduit, apparaissent certaines réparations ou bouchages avec les moyens du bord.
Le bâtiment a été partiellement inscrit au titre des Monuments Historiques le 9 août 1929. Ceci concerne les façades et les toitures, ainsi que les boiseries de la petite pièce à l'extrémité nord-ouest du premier étage.
Dominique Masson
La girouette de la Mairie avec les armes de la Ville.