L'aigrette et le brochet", un bien beau texte de Jean-Pierre Gurga, illustré par ses magnifiques photographies...
Publié le 13 Novembre 2016
Jean-Pierre Gurga m'envoie un bien beau texte accompagné de superbes photos. A l'instar de l'aigrette dégustant son brochet, régalez vous avec ses photos cliquables.
Etang de Marcenay, jeudi 20 octobre, 16h43
Cela fait près d’une heure et demie que je suis installé à la tête de l’étang, en bordure de la roselière, dans l’espoir de faire quelques photos d’oiseaux dont le nombre cette année est très important. Il y a des grèbes huppés, des foulques, des cygnes, des cormorans et plusieurs espèces de canards. Sans oublier les hérons cendrés et les gracieuses aigrettes au plumage blanc, toujours plus nombreuses.
Depuis plus de trois semaines l’une d’elles, solitaire, a élu domicile à une bonne centaines de mètres de là, à proximité d’une vieille barque coulée depuis bien longtemps et mise à jour en raison du niveau très bas de l’étang. Régulièrement, entre périodes de repos et de toilette, elle vient pêcher en face de moi, au milieu des canards et des cormorans en activité permanente. Une belle aubaine pour elle. Avançant à pas lents, souvent immobile,elle attend au milieu de ce remue-ménage qu’un poisson dérangé passe à sa portée pour s’en saisir d’une rapidité incroyable.
Je fais quelques photos sans grand intérêt, en attendant mieux, quand l’arrivée impromptue d’un promeneur et la conversation qui s’ensuit, font fuir l’aigrette apeurée, qui rejoint aussitôt son aire de repos. J’invite le promeneur qui ne m’a pas reconnu à cause de mon accoutrement, à me rejoindre, et, le hasard faisant bien les choses, il se trouve que nous nous connaissons bien. C’est l’occasion de parler de l’étang, de son avenir, de ses poissons, de ses oiseaux, l’occasion de se remémorer de lointains souvenirs de pêche et de parler d’amis communs, perdus de vue depuis de nombreuses années.
Au bout d’un certain temps, et contre toute attente, l’aigrette, qui est loin d’ignorer notre présence, mais qui juge notre comportement suffisamment rassurant, revient pêcher au milieu des autres oiseaux toujours aussi nombreux et actifs.
L’ambiance est chaleureuse, nous discutons à voix basse afin de ne pas les effrayer, tout en continuant d’apprécier le spectacle. Le temps passe, et j’envisage déjà de quitter l’étang, quand soudain, le changement d’attitude de l’aigrette m’interpelle. La tête penchée sur le côté,le cou à ras de l’eau, elle reste figée pendant de longues secondes. Sentant que quelque chose se prépare, je la cadre aussitôt dans le viseur et bien m’en a pris. Quelques secondes plus tard le cou se détend et un coup de bec foudroyant fend l’eau dans une gerbe d’éclaboussures.
Les photos s’enchaînent les unes derrière les autres. Une scène mémorable que je rêve de photographier depuis bien longtemps, sans trop oser y croire, se déroule sous mes yeux. Elle dure en tout et pour tout trente six secondes, trente six secondes d’immense plaisir mêlé à la fois d’incertitude quant à la réussite des images.
A mon grand étonnement, l’aigrette, non rassasiée et toujours aussi impassible, continue de pêcher comme si rien ne s’était passé. Quant à moi, je n’ai qu’une hâte: rentrer décharger la carte mémoire sur l’ordinateur afin de visualiser les photos.
Le lendemain,alors que l’eau a encore baissé, l’aigrette est de retour sur son poste de pêche et continue d’avaler les poissons à cadence régulière. Pas de photos ce jour-là. Pas de regrets non plus, les poissons avalés étant beaucoup plus petits que la veille, et l’aigrette s’étant trop éloignée de la roselière pour espérer des images acceptables…
Un autre jour peut-être…