"A propos des carnets de campagne des poilus" une conférence proposée par les Amis du Canton d'Aignay le Duc
Publié le 10 Août 2014
Samedi 9 août, l'Association des Amis d'Aignay le Duc nous a conviés à une conférence double : tout d'abord, celle présentée par Patrick Degoix sur les carnets de campagne de son grand-père Gabriel Degoix, puis celle de Leslie Marchand qui nous a lu les lettres écrites à sa famille, durant le conflit, par son père Louis Marchand.
Ces deux témoignages bouleversants ont vraiment ému les auditeurs.
Chantal Gyulay, Présidente des Amis du Canton d'Aignay le Duc, a présenté les deux conférenciers, en précisant que ces conférences étaient le prélude de l'exposition qui aura lieu à Aignay le Duc les 15,16 et 17 juillet, salle Roidot, exposition intitulée "1914, le canton se mobilise".
Le bulletin des Amis d'Aignay le Duc qui sera présenté à cette occasion, comportera un extrait des premières campagnes de Gabriel Degoix, mis en page par Roland Fritsch.
Un numéro à ne pas manquer. (la suite en 2015 et 2016)
Patrick Degoix a présenté son grand-père Gabriel, menuisier, habitant de Saint Broing les Moines, qui fut mobilisé en juillet 1914.
Ce dernier avait une solide instruction primaire, prolongée de deux années au Collège, ses écrits sont très lisibles et remarquablement rédigés.
Il traversa la grande guerre de bout en bout, en consignant ce qu'il voyait, ses impressions, sur de petits carnets.
Ce qui revient le plus souvent dans ce qu'il écrit, c'est ce qui le touchait personnellement : le temps qu'il faisait, les conditions de vie, les pays traversés, les rumeurs qui circulaient, les combats auxquels il participait, les camarades qui disparaissaient, la joie d'une permission.
Il parle peu de ses faits d'armes qui lui ont valu pourtant deux citations, la médaille Militaire et la Croix de Guerre. Il ne montre, de plus, aucune haine à l'égard de l'ennemi, qu'il appellera seulement deux fois "les boches".
Voici ces carnets qui sont consultables aux Archives Départementales de la Côte d'Or, sous forme numérisée.
Gabriel Degoix était sous-officier au 60ème Régiment d'Infanterie de Besançon.
Du 31/7/1914 au 17/12/1918 il a rédigé , durant 1601 jours, ces carnets représentant un support de l'ordre de 200 pages.
Ces carnets, mis en page par son fils, permettent de reconstituer onze épisodes qu'a vécu ce vaillant soldat. Voici la première lettre qu'il écrivit,depuis Besançon, à ses parents qui demeuraient à Saint Broing les Moines (les photos sont cliquables, pour une meilleure lecture)
Le premier épisode qu'il raconte, c'est celui de sa mobilisation près de Mulhouse :
Puis vinrent les batailles dans la Somme et sur l'Aisne. C'est là qu'il présente, avec tristesse, la mort de Lucien Bersot qui fut fusillé parce qu'il refusa de mettre un pantalon sanglant qui venait d'être enlevé à un mort. (Cette histoire tragique, http://fr.wikipedia.org/wiki/Lucien_Bersot , fut d'ailleurs l'objet d'un téléfilm "le pantalon")
Puis ce fut la Champagne pouilleuse, où il fut séparé douloureusement de ses amis.
Il parcourut la Marne, la Meuse et le camp de Mailly.
Ce fut ensuite Verdun, un repos à Arc en Barrois, puis de nouveau Verdun....
Gabriel Degoix fut blessé: un obus éclata à huit mètres de lui, ses deux bras furent traversés, une plaie horrible lui enleva la moité du biceps, que de souffrances lors de son évacuation à Bar le Duc...
Il fut cité à l'ordre du régiment.
Dans la Somme, puis le Nord et la Belgique, il inhala des gaz qui le firent beaucoup souffrir.
Enfin ce fut la Champagne puis l'Armistice. Il put enfin retrouver sa famille et sa fiancée qu'il épousa à son retour.
Gabriel Degoix eut l'honneur de prononcer un discours lors de l'inauguration du Monument aux Morts de Saint Broing les Moines.
Ses faits d'armes lui valurent deux citations, la Croix de Guerre et la Médaille Militaire.
Patrick Degoix répondit ensuite aux questions des auditeurs.
Leslie Marchand nous lut ensuite quelques unes des lettres que son père, Louis Marchand, écrivit à sa famille habitant Minot, de 1914 à 1918.
Ces lettres sont extraordinairement bien rédigées, pleines souvent d'humour, un humour noir, terriblement efficace....
Les lettres qu'il envoya du Front étaient soumises à la censure, on n'y trouve donc aucune indication des lieux, du nombre de morts.
Il envoyait une lettre tous les trois jours, ces lettres parlent de la faim, de la boue, du froid, de la pénurie de nourriture (pain et vin gelés), des colis reçus de Minot, des coups de main, de la camaraderie...
La mort est un spectacle quotidien chez les humains, mais aussi chez les animaux : les chevaux ont aussi beaucoup souffert de ce conflit.
La "Fraternisation" qui arriva quelquefois entre Allemands et Français par dessus les tranchées est décrite par Louis Marchand avec une certaine émotion : les uns (français) lançant par dessus les tranchées des boîtes de sardines , du gruyère, du vin, les autres (allemands) du tabac, des cigares, des conversations eurent lieu...
Louis Marchand conte des anecdotes comme celle de la trouvaille d'un petit mot encourageant écrit par une ouvrière française à l'intérieur d'un masque à gaz, les bals dans les villages lors des déplacements.
Il s'étonne de voir dans des demeures alsaciennes des signes montrant l'attachement des habitants à la France...mais aussi à l'Allemagne...
Bien d'autres anecdotes encore sont décrites avec humour, comme je l'ai dit au début, nous avons ri parfois, mais nous avons eu aussi souvent le cœur serré !
Les conférences de Patrick Degoix et de Leslie Marchand furent deux très beaux témoignages sur cette grande guerre.
N'oubliez pas de venir à Aignay le Duc, les Vendredi 15, samedi 16 et dimanche 17 août, pour visiter la remarquable exposition "1914, le canton se mobilise". Carnets de campagne de poilus, cartes postales, objets fabriqués dans les tranchées, armes, vêtements, journaux d’époque, aquarelles, et bien d’autres choses encore, nous montreront comment le Canton s'est mobilisé durant ces 4 années, au front de guerre, mais aussi, loin des tranchées, au front de la vie quotidienne.