1919-1939 : vingt ans de trêve en Europe . L’Europe démocratique : de l’affrontement à l’apaisement 1919-1929
Publié le 28 Janvier 2020
Ce dernier chapitre clôt l'étude de Robert Fries sur l'histoire des dix années qui ont suivi la Grande Guerre.
L'historien nous promet la suite, c'est à dire l'étude des dix années suivantes, de 1929 à 1939, pour l'année prochaine.
Merci à lui pour ses textes passionnants, si fouillés, qui ravivent notre mémoire....et qui nous apprennent bien des détails que nous ne connaissions pas.
Pour lire son étude dans le bon ordre, depuis le début, cliquer sur ce lien :
http://www.christaldesaintmarc.com/histoire-de-l-europe-de-1919-a-1939-par-robert-fries-c31215676
HUITIÈME PARTIE
Les relations franco-allemandes : La politique des réparations, les crises politiques et financières, l’amorce d’un rapprochement.
En matière de sécurité face à l’Allemagne, la France va de déconvenues en déceptions.
Elle souhaitait la création d’Etats indépendants sur la rive droite du Rhin ou, à tout le moins, la démilitarisation de cette région.
Les Anglo-Saxons y sont opposés. Ensuite elle a demandé à ce que ses frontières de l’est soient garanties solidairement par la Grande-Bretagne et les USA. Le traité de Versailles le prévoyait. Mais les USA n’ont pas signé ledit- traité et la GB n’a pas accordé sa garantie car celle-ci était subordonnée à celle des USA.
La France s’est alors tournée vers des mesures économiques et vers l’application à la lettre des réparations. C’est la politique menée par la droite et le centre incarnée par Poincaré, Président du conseil (janvier 1922-juin 1924) ...
... et par Millerand Président de la République à partir de septembre 1920, jusqu’en 1924.
C’est également la politique de la Chambre bleu horizon en place de 1919 à 1924, où domine le Bloc national.
Une autre politique est celle de Briand, ministre des Affaires étrangères presque sans interruption de 1925 à 1932...
...et du Cartel des Gauches au pouvoir de juin 1924 à juin 1925.
Il s’agit alors d’œuvrer dans le sens d’une réconciliation avec l’Allemagne, d’accepter une réduction des réparations et de jouer la carte de la limitation des armements dans le cadre de la SDN.
A ces enjeux de sécurité s’ajoutent des préoccupations financières liées au remboursement des emprunts colossaux contractés pendant la guerre.
La crise financière sera réglée en 1926 par Poincaré qui réussit une remarquable dévaluation du franc.
En Allemagne, la République de Weimar se met en place dans les convulsions.
Le danger spartakiste écarté, ce sont les mouvements nationalistes et populistes plus ou moins soutenus par l’armée qui représentent une menace permanente.
Les conditions du traité de Versailles sont unanimement rejetées. Il y a un consensus pour ouvrir une renégociation.
Dans un premier temps, la politique est à la non observation des obligations concernant les compensations. Cela entraine des représailles du côté français qui prennent la forme de l’occupation de la Ruhr (janvier 1923-août 1925).
Cela entraine également une crise financière sans précédent, le mark perdant toute sa valeur.
A partir de 1923, avec l’arrivée de Stresemann aux fonctions de chancelier, une politique d’apaisement se met en place, en dépit de la tentative de putsch d’Hitler à Munich en novembre 1923.
Un étalement et une réduction des réparations est prévue. L’Allemagne reprend sa place dans le concert des nations. L’apaisement est en cours, jusqu’à ce que la crise financière de 1929 ne rebatte les cartes.
L’occupation de la rive gauche du Rhin
Le traité de Versailles prévoit l’occupation de la rive gauche du Rhin pour des périodes variant de 5 à 15 ans.
C’est le résultat d’un compromis, Foch et Poincaré souhaitant la neutralisation totale de cette zone.
La France occupe la plus grande partie de la zone avec une armée de 100 à 250.000 hommes.
Parmi ces soldats des troupes coloniales au nombre de 20.000. Les derniers Sénégalais quittent le sol allemand en 1920 ; à cette date, il ne reste qu’un régiment malgache.
La présence de ces troupes noires est particulièrement mal vécue. On accuse ces soldats de couleur de tous les crimes, notamment de viols.
Selon le rapport du général Allen, commandant des forces d’occupation américaines, le nombre de viols n’aurait pas dépassé 66 dont 38 avérés. En revanche de nombreux métis auraient vu la jour. On compterait 1 métis par soldat d’occupation séjournant 18 mois. Les estimations varient entre 3000 et 20.000 !
L’occupation prit fin le 30 juin 1930. En mars 1936, Hitler fait entrer ses troupes dans la zone démilitarisée ….
Faute de frontières garanties par les Alliés, la France se retourne vers des mesures économiques sensées affaiblir l’économie allemande au profit de la France.
Les mesures de rétorsion économiques
Le plan sidérurgique du Quai d’Orsay.
Il s’agit d’un plan conçu par des fonctionnaires du Quai d’Orsay : empêcher l’Allemagne de retrouver sa puissance industrielle notamment dans le domaine de la métallurgie. A cet effet, il est proposé :
- d’imposer à l’Allemagne des livraisons obligatoires de charbon et de coke vers la France (arme du goulot d’étranglement énergétique)
- de laisser entrer librement en Allemagne des produits finis provenant de Lorraine, d’Alsace et de Sarre.
Ce projet, mal perçu par les sidérurgistes français, est combattu par les Anglais et les Américains qui craignent l’installation d’un état bolchévique en Allemagne du fait d’un appauvrissement général. La conférence de Spa (juillet 1920) [1] met un terme au projet.
L’application à la lettre des réparations.
Pour la France et le Bloc national qui la dirige, les réparations jouent un rôle politique et financier capital.
- Politique : avec le slogan « l’Allemagne paiera » mis à la mode par le ministre des finances de Clemenceau Louis-Lucien Klotz.
- Le gouvernement peut se montrer large sans pour autant augmenter les impôts. Cette solution flatte aussi la vanité du vainqueur.
- Financier : les dépenses de reconstruction, de rentes aux veuves et mutilés et d’entretien des forces d’occupation ainsi que le remboursement des emprunts à l’étranger destinés à financer l’effort de guerre font l’objet d’un budget spécial, dit extraordinaire, devant être alimenté par les réparations.
Mais les Allemands sont bien décidés à ne pas payer [2], d’autant qu’ils sont eux-mêmes aux prises avec une crise financière exceptionnelle qui entraine la chute catastrophique du mark (1923-1924).
Les Britanniques sont conscients de cette situation et sont prêts à des aménagements.
Dans un premier temps, le Bloc national tient à faire payer l’Allemagne quitte à employer la force.
D’où le maintien sous les drapeaux d’une armée considérable, dont l’importance est mal perçue par les Américains et les Anglais.
En automne 1921, Briand se rapproche des Britanniques. Mais il est désavoué et doit céder la place à Poincaré qui lui est partisan d’une politique dure.
L’occupation de la Ruhr.
Cette politique est d’autant plus nécessaire que les Britanniques demandent eux aussi le remboursement des emprunts de guerre.
Poincaré subordonne alors ces remboursements au paiement des réparations. Devant la mauvaise volonté manifeste des autorités allemandes, en janvier 1923, en accord avec les Britanniques, Poincaré décide d’occuper la Ruhr. « Nous allons chercher du charbon, voilà tout » dit Poincaré.
10,4 Md Marks-or ont été versés sur les 24,9 exigibles. Les troupes françaises resteront dans la Ruhr jusqu’en août 1925.
Cette politique de force a une triple conséquence : la désobéissance active, le putsch de Munich fomenté par Hitler, l’aggravation de la situation économique et la crise financière de 1924 en Allemagne.
La désobéissance active ou résistance passive.
Le 11 janvier 1923, les forces françaises et belges pénètrent dans la Ruhr.
Il s’agit de se servir en nature : charbon, fer, acier etc. pour compenser les réparations non versées. Cette occupation nouvelle est particulièrement mal vécue.
Les Allemands, le gouvernement de Wilhelm Cuno ...
...comme les syndicats, décident d’opposer une résistance passive : refus d’obéir aux ordres de l’occupant, refus d’ouvrir les mines et d’extraire le charbon, refus de faire fonctionner les trains et les télécommunications, sabotage, refus d’utiliser les soupes populaires organisées par l’occupant.
Les représailles sont sévères : emprisonnement, condamnation à mort, tribunaux militaires.
La situation économique se détériore à grande vitesse. La population est menacée de famine.
Dès septembre 1923, le chancelier Stresemann [3]
...décide de mettre fin à la non-coopération et de reprendre le paiement des réparations.
Un nouveau mark, le Rentenmark est introduit.
Il n’est plus gagé sur l’or mais sur la production agricole et industrielle. La monnaie se stabilise et les prêts américains reprennent.
L’occupation de l’Allemagne crée un courant de sympathie à son égard, conforté en France par le parti communiste qui s’est toujours montré hostile aux réparations.
En France, Poincaré puis Briand menacés par une déroute financière se rallient au plan Dawes (traité de Londres juillet août 1924) et acceptent de mettre fin à l’occupation de la Ruhr.
Le putsch de Munich.
Depuis juillet 1921, Hitler est le chef incontesté du parti national socialiste (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei [4]).
Il dispose d’une force paramilitaire les SA (Sturmabteilung).
Il est impressionné par le succès de la marche sur Rome de Mussolini (27-28 et 29 octobre 1922) et se propose de marcher sur Berlin à partir de Munich.
L’Etat est entre les mains des « criminels de novembre ». Il faut s’en débarrasser et instituer un ordre nouveau.
Le gouvernement de Bavière et les chefs de l’armée bavaroise ne sont pas favorables à une insurrection partant de Bavière. Le mouvement devrait partir de Berlin.
Le complot est préparé avec la complicité de Ludendorff.
Il est prévu pour le 9 novembre date anniversaire de l’instauration de la République de Weimar.
Les putschistes, environ 4000 hommes doivent occuper les centres névralgiques de la ville à l’heure où le gouvernement tient à la Brasserie Burgerbraükeller une réunion publique.
Le gouvernement de Bavière est présent. C’est un gouvernement animé par des nationalistes désirant faire sécession, donc des rivaux du parti NSDAP.
A 20h45, Hitler fait irruption un pistolet à la main, entouré d’hommes en armes. Une mitrailleuse est mise en batterie. Il annonce le renversement du gouvernement et la création d’un gouvernement provisoire. Les ministres bavarois présents sont obligés de faire allégeance.
Ludendorff également fait une apparition et affirme son soutien au mouvement. Mais des fautes ont été commises : les centraux téléphoniques n’ont pas été immédiatement occupés.
Autre erreur, les ministres dont on avait forcé l’adhésion à l’insurrection, dont le chef de l’armée locale (Lossov), sont autorisés à rentrer chez eux.
Enfin, Hitler a oublié le légalisme de l’armée. Les ministres en profitent pour renier leur allégeance.
Des renforts sont appelés. Les troupes régulières et la police sont restées loyales.
Le lendemain, Hitler organise un défilé dans la ville. C’est une démonstration de puissance. Il est persuadé que l’armée ne tirera pas sur ses hommes.
Au cours du défilé, un incident éclate. Des manifestants sont tués [5] et blessés. Les autres se débandent. Les chefs sont arrêtés, dont Hitler et Goering.
Les inculpés :
Hitler passera 13 mois en prison [6]. Ludendorff sera acquitté.
L’hyperinflation
Pour financer l’effort de guerre, l’Allemagne a beaucoup emprunté : bons du trésor à court et à long terme.
Les impôts ont été augmenté de 6%. Le mark en papier n’est plus convertible en or et le papier monnaie a cours forcé.
A la fin de la guerre la dette allemande s’élève à 150Md marks. A cela s’ajoute la charge des réparations : 132Md marks.
L’Allemagne doit emprunter sur le marché international. Ce sont des emprunts à court terme, les prêteurs ne faisant pas totalement confiance aux possibilités de remboursement de l’emprunteur.
A partir de 1923, au moment de l’occupation de la Ruhr, le pays prend conscience de l’état des finances publiques. Les prêteurs également.
En juillet 1922 le $ vaut 420marks ; 49.000 en janvier 1923. Des opérateurs économiques [7] émettent des marks en grande quantité afin de subvenir aux besoins de l’économie.
Ces besoins vont croissant car les prix augmentent ainsi que les salaires.
La machine s’emballe. 1 livre de pain vaut 3Md marks ; un verre de bière 4 Md.
Pendant l’année 1923, le cours du dollar en papiermark est multiplié par 5,79X10 .000milliards.
Au début de l’année 1924, le nouveau ministre des finances Hjalmar Schacht...
...prend des mesures énergiques : il interdit les monnaies privées, il limite l’escompte ce qui force les entreprises à vendre leurs devises à la Banque centrale qui reconstitue son stock de $ ; surtout, il introduit une nouvelle monnaie le rentenmark, gagée sur les biens hypothéqués (6% de la valeur des biens hypothéqués).
En août 1924 le nouveau Reichsmark est créé. Il est gagé sur la richesse potentielle du pays (mines, agriculture, industrie).
Le rôle de l’hyperinflation dans l’arrivée du nazisme est discuté.
Les rentiers et les spéculateurs en ont été victimes, pas les artisans et les paysans. En revanche l’hyperinflation a nui à l’image d’efficacité de la démocratie.
Au cours de la décennie 1920, la France également connait des crises financières.
Elles ont la même cause : le poids des dettes accumulées dans le cadre de l’effort de guerre.
Ces dettes concernent l’étranger (Etats-Unis, Grande -Bretagne) et la France (Bons du Trésor, avances de la Banque de France).
Elles trouvent leur solution dans des mesures énergiques et souvent impopulaires prises par Poincaré : augmentation des impôts, transformation des bons à court terme en bons à moyen terme, affectation de certaines ressources au remboursement de la dette dans le cadre d’une caisse d’amortissement.
Le franc une fois stabilisé à un cours « raisonnable », Poincaré décide d’une dévaluation du franc.
Au lieu de représenter 322,5 mg d’or, le franc ne représente plus que 65,5mg d’or. C’est le franc Poincaré, convertible – par la Banque de France - en or ou en monnaies convertibles qui retrouve la confiance des investisseurs.
Détente et rapprochement franco-allemand
En août 1921, les Etats-Unis signent une paix séparée avec l’Allemagne. Le traité de Berlin reprend les dispositions du traité de Versailles à l’exception de la responsabilité des Etats-Unis quant au respect des clauses par l’Allemagne.
Le 16 avril 1922, la République de Weimar signe à Rapallo un traité avec l’URSS aux termes duquel chaque partie renonce à des réparations.
Ce traité est complété par un traité de commerce qui prévoit l’application de la clause de la nation la plus favorisée aux échanges entre les deux pays, ainsi qu’un traité secret militaire prévoyant l’entrainement de troupes allemandes dans des camps russes.
A partir de 1924, les acteurs de la scène politique européenne changent.
- En avril 1924, à la faveur de la victoire des Cartel des gauches [8] Poincaré cède la présidence du conseil à Edouard Herriot (socialiste).
- Aristide Briand, qui a toujours été favorable à un apaisement des relations franco-allemandes [9], est ministre des Affaires étrangères.
- Il le restera pratiquement sans interruption de 1925 à 1932. En 1926, il parvient à convaincre Poincaré revenu au pouvoir (juillet) de poursuivre la politique d’apaisement engagé par son prédécesseur.
- En Grande -Bretagne, les travaillistes arrivent au pouvoir, en janvier 1924, pour la première fois depuis la création du parti. Ils y resteront jusqu’en octobre de la même année. Le Premier ministre est James Macdonald, Ecossais, enfant naturel, fils d’une servante.
- Ce gouvernement est hostile aux réparations qui ruinent l’Allemagne et favorable à un apaisement. Le gouvernement conservateur dirigé par Stanley Baldwin...
- ...et avec Austen Chamberlain comme foreign secretary...
- ...partage les mêmes vues quant à l’Allemagne. Les milieux de la City tiennent à ce que l’Allemagne redevienne un partenaire commercial de premier plan.
- En Allemagne, depuis le 13 août 1923, Gustav Stresemann (1878-1929) est chancelier puis ministre des Affaires étrangères d’août 1923 à octobre 1929.
- Il est arrivé en pleine crise de la Ruhr, avec l’échec de la politique de désobéissance passive.
- Bien que monarchiste et patriote, il a le sentiment que la négociation, en divisant le camp des Alliés, est le seul moyen d’obtenir la révision du traité de Versailles [10] .
- Il paiera donc les réparations mais négociera un échelonnement des remboursements et cherchera des aides financières aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Cette politique d’apaisement va prendre les formes suivantes :
- Plan Dawes (août 1924) organisant l’échelonnement et la réduction des réparations
- Evacuation de la Ruhr (janvier 1925)
- Traité de Locarno (16/10/1925) entre France, Allemagne, Grande-Bretagne, Tchécoslovaquie, en présence de Mussolini. L’Allemagne reconnait ses frontières occidentales mais refuse de prendre des engagements sur les frontières orientales. Ce traité vaudra à Briand et à Stresemann le Prix Nobel de la Paix.
- 1926 : entrée de l’Allemagne dans la SDN, qui devient le 5ème membre permanent de son conseil.
- Accord commercial franco-allemand dans le domaine de l’acier. C’est une anticipation de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier)
- Pacte Briand-Kellog signé en août 1928 entre 15 pays dont les Etats-Unis et l’URSS, et les belligérants de la première Guerre mondiale. Ce pacte a pour but de « mettre la guerre hors la loi[11] ». Il s’agit notamment de permettre aux Etats-Unis et à l’URSS de manifester leur adhésion au principe de « sécurité collective », bien que ne faisant pas partie de la SDN.
- Août 1929 : conférence internationale de La Haye qui prévoit l’évacuation anticipée de la Rhénanie en juin 1930.
- Octobre 1929 : plan Young qui rééchelonne les paiements des réparations
- Juillet 1930 : les Alliés évacuent la Rhénanie.
Mais en même temps,
- L’Allemagne signe en 1926 un traité à Berlin qui reconduit celui de Rapallo. C’est la poursuite d’une coopération militaire plus ou moins secrète entre l’Allemagne et l’URSS.
- La France soutient la « Petite Entente » (1920-1921) entre la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et la Roumanie qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression de la Hongrie.
- De plus la France signe un traité de garantie mutuelle avec la Pologne et la Tchécoslovaquie. Chacun promet un soutien armé en cas d’attaque de l’Allemagne (octobre 1925). On connait l’application qui fut faite de ces traités.
La Société des Nations (SDN) - League of Nations
La Société des Nations correspond à une idée de Wilson qui fut intégrée dans le traité de Versailles. Elle est officiellement créée le 10 janvier 1920. Le pacte fondateur -Covenant - fut signé par 43 nations. Son but est d’assurer collectivement la sécurité de tous, la sécurité de chacun étant une préoccupation partagée par tous:
- en favorisant le commerce international (promotion du libre-échange)
- en faisant en sorte que les différends entre nations soient réglés par arbitrage
- en veillant à ce que le droit international soit respecté et que la diplomatie secrète soit remplacée par des accords connus de tous.
La SDN est administrée par un Conseil avec des membres permanents et des membres non permanents.
Elle agit par l’intermédiaire de commissions telles que la Commission du Désarmement, la Commission des Mandats (il s’agit notamment des pays anciennement parties de l’Empire Ottoman et désormais administré par la France, la Grande-Bretagne, voire la SDN), l’organisation Internationale du Travail, l’Organisation Mondiale de la Santé, la Commission internationale de coopération intellectuelle (CICI) ancêtre de l’UNESCO.
La SDN dispose d’un secrétariat de plusieurs centaines de collaborateurs (700 en 1939).
Les premiers secrétaires généraux furent Sir Eric Drummond
(1919-1933)
, puis Joseph Avenol (1933-1940)
La SDN peut mettre à son actif quelques succès. Par exemple :
- Iles Aland dans la Mer Baltique. Ces iles appartenaient à la Finlande, mais étaient peuplées principalement de Suédois. La population locale souhaitait un rattachement à la Suède pour éviter de tomber sous la domination soviétique qui menace la Finlande. La SDN décida de conserver le rattachement à la Finlande, mais demanda que les iles bénéficient d’une vaste autonomie culturelle et politique (1921).
- Haute-Silésie convoitée par la Pologne et l’Allemagne. D’après un referendum, l’ensemble de la population était favorable à l’Allemagne, grâce à la population urbaine, mais la campagne préférait la Pologne. La SDN décida de partager la région en deux, une partie devenant polonaise, l’autre allemande (1922).
- Mossoul, une ancienne province ottomane, disputée entre la Turquie et l’Irak. La SDN attribua la province, peuplée de Kurdes, à l’Irak (décembre 1925). Cette décision fut contestée par la Turquie. Toutefois un traité en juin 1926 entre la Grande-Bretagne, l’Irak et la Turquie reprit les dispositions décidées par la SDN.
- Referendum sur la Sarre en 1935 qui donne une forte majorité aux partisans du rattachement à l’Allemagne.
Mais la SDN souffre d’imperfections qui ont rapidement entravé son action.
- D’abord les Etats-Unis n’en font pas partie. Ils n’ont pas confiance dans des institutions multilatérales et préfèrent -déjà ! – les traités négociés entre pays souverains.
- Ce point de vue est largement partagé par les conservateurs britanniques.
- Si ses décisions d’arbitrage ne sont pas appliquées, rien ne lui permet de les imposer. La SDN ne dispose pas de moyens coercitifs (armée). Des sanctions économiques peuvent être mises en œuvre, mais elles sont rarement proposées car la France comme la Grande -Bretagne répugnent à faire appel à de tels outils.
- Surtout, la SDN est impuissante quand un grand pays et surtout un des membres fondateurs est en tort. C’est le cas de la France quand les armées franco-belges occupent la Ruhr en janvier 1923. C’est le cas lors de l’invasion de la Mandchourie par le Japon (1931-1932). C’est le cas de l’Italie quand elle envahit l’Ethiopie en octobre 1935.
- A partir de l’avènement d’Hitler (janvier 1933) la SDN est impuissante et en général silencieuse devant le réarmement de l’Allemagne, l’Anschluss, l’invasion des territoires sudètes, les revendications allemandes sur Dantzig.
Comme l’observait Benito Mussolini : « La Société des nations est très efficace quand les moineaux crient mais pas du tout quand les aigles attaquent ».
La décennie 1920 a commencé dans le chaos et la violence mais avec des institutions nationales qui se voulaient démocratiques.
Quand elle prend fin un ordre relatif règne et les relations internationales sont moins tendues ; à l’exception des anciennes démocraties, tous les régimes évoluent vers l’autoritarisme quand ce n’est pas la dictature.
Les Années folles sont terminées.
[1]C’est lors de cette conférence que la répartition des réparations entre pays vainqueurs est définie, leur montant n’étant fixé qu’au printemps 1921.
[2]En 1921, le montant des réparations est estimé à 132Md Marks or, soit 2.8fois le PIB allemand en 1913. A titre de comparaison, l’indemnité de guerre due par la France à l’Allemagne en 1970, soit 5Md francs or représentant environ 25% du PIB français. Des dispositions sont adoptées pour que les 50 premiers Md soient payés. La répartition des réparations est la suivante : France 52%, GB 22%, Italie 10%, Belgique 8%. Le plan Dawes de 1924, prévoit un rééchelonnement de la dette et un prêt de 200millions de Dollars. En 1929, le plan Young prévoit un nouveau rééchelonnement de la dette. Il ne sera jamais mis en œuvre en raison de la crise de 1929. En 1932, on renonce aux réparations. Le montant payé par l’Allemagne est sujet de discussions. Il est de l’ordre de 20 Md Marks-or, soit 2% du PIB annuel de l’Allemagne entre 1919 et 1931. Si on ajoute les transferts en nature, les réparations représentent environ 5% du PIB allemand pendant 10 ans. La charge financière des réparations fut compensée par des prêts octroyés généreusement par les vainqueurs, notamment les Etats-Unis. La crise de 1929 mit un terme à ces prêts ce qui entraina une crise économique en Allemagne et favorisa l’arrivée de Hitler.
[3]Gustav Stresemann (1878-1929), fondateur du parti du peuple (centre droit), partisan d’une entente avec les Alliés afin d’obtenir une amélioration du traité de Versailles. Il devient chancelier en août 1923. Il amorce une stabilisation de la monnaie, mais doit ,céder la place en novembre 1923. Il demeure ministre des Affaires étrangères jusqu’à sa mort. Il obtient le prix Nobel de la Paix en même temps que Briand.
[4]Parti fondé à Munich en 1920. Hitler se distingua par ses talents d’orateur de de tacticien sachant utiliser la propagande et la force. Munich est devenu le point de ralliement d’anciens militaires écœurés par le diktat de Versailles et terrifiés par la brève révolution marxiste.
[5]16 tués du côté des manifestants ; 4 du côté des forces de l’ordre.
[6]Il avait été condamné à 5 ans de prison. Il n’est pas renvoyé en Autriche comme le prévoit la loi. Il est interdit de séjour en Prusse jusqu’en 1928.
[7]Groupes industriels comme Thyssen, chambres de commerce, banques locales etc.
[8]Le Cartel des gauches est au pouvoir de mai 1924 à juillet 1926. Il obtient en mai 1924 le départ du Président de la République Millerand et son remplacement par Gaston Doumergue ; il tombe sur la crise financière de juillet 1926. Poincaré prendra la relève avec un gouvernement d’Union nationale.
[9]Briand considère que la situation démographique et économique de la France comparée à celle de l’Allemagne incite à éviter les conflits d’autant que les Anglo-Saxons ne sont pas prêts à soutenir des thèses françaises radicales.
[10]Stresemann souhaitait récupérer le couloir de Dantzig et rattacher l’Autriche à l’Allemagne. Il se propose, dans une lettre au Kronprinz, de s’inspirer de Metternich après 1809 : « finasser et se dérober aux grandes décisions ». Il est maintenant considéré comme un premier « Européen », d’autant qu’il n’a jamais cherché à favoriser le réarmement allemand ni à utiliser la force.
[11]En fait ce pacte présente des défauts évidents. Il tolère la guerre de légitime défense sans définir ce qu’est la légitime défense. De plus certains groupes de pays tels que l’Empire britannique sont considérés comme des entités politiques où les puissances tierces n’ont pas vocation à intervenir. Enfin, les sanctions à l’égard de contrevenants ne sont pas définies. On retrouve les mêmes travers que pour la SDN.