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Un épisode de la guerre de 1870-1871 : le crime de Sainte-Colombe sur Seine, un notule de Dominique Masson
Dominique Masson, avec ce nouveau notule, nous conte la fin tragique de Fructueux Terrillon, prêtre de Sainte-Colombe sur Seine...
UN ÉPISODE DE LA GUERRE DE 1870-1871 : LE CRIME DE SAINTE-COLOMBE
Fructueux Terrillon était né à Sainte Colombe le 9 janvier 1841.
Son père, Simon Claude, était décédé en 1864, il ne restait plus que sa mère, Marguerite Justine, qui mourra en 1895.
Il avait 5 frères.
De santé fragile, il avait failli mourir, étant jeune.
Jeune homme, il se consacra à Dieu et fit des études ecclésiastiques.
En 1870, il était diacre, dernière étape avant d’être ordonné prêtre[i].
Lors de l’invasion de 1870, il mit souvent sa maison à disposition de la municipalité pour décharger les malheureux qu’il voyait autour de lui[ii].
« Le 29 mars 1871, Sainte-Colombe fut occupé par des artilleurs et des uhlans ; les premiers, arrivés le matin, se montrèrent d’une exigence outrée pour obtenir des réquisitions : il fallait nourrir hommes et chevaux, et déjà on en était venu, dans certaines maisons, aux moyens violents.
Les uhlans ne furent pas moins exigeants, et ce qui exaspérait cette population épuisée par des réquisitions sans nombre, c’est qu’on gaspillait les denrées qui allaient faire défaut.
M. L’abbé Terrillon, qui se trouvait cejour-là chez sa mère, voulut s’opposer au pillage du peu de foin qui restait à la ferme.
Aidé de deux domestiques de la maison, il résista courageusement aux exigences des Allemands ; mal lui en prit, car dès cet instant sa mort fut résolue.
Le poste fut prévenu, et le soir même, entre onze heures et minuit, les soldats désignés pour exécuter ce guet-apens odieux et sans nom se rendent chez Madame Terrillon, pénètrent dans ses appartements et, n’y trouvant pas l’abbé, ils fouillent la grange et aperçoivent M. Terrillon et les deux domestiques qui faisaient le guet. Une lutte s’engage, lutte sans trêve ni merci. C’est l’abbé qui est le point de mire des barbares ; ils tirent sur lui à bout portant, ils le blessent à l’épaule et au bras, puis ils fendent la tête à coups de sabre ; l’infortuné tombe pour ne plus se relever.
Son cadavre est jeté dans la rue, traîné dans un fossé où les Allemands le laissent, le gardant à vue, pour que personne ne puisse le transporter à la maison et lui rendre les derniers devoirs.
Les deux domestiques sont blessés également, mais sans gravité ; ils parviennent à s’échapper par des passages donnant sur la campagne.
Pendant que ce meurtre sans nom s’accomplissait, un frère de la victime était allé prévenir l’autorité ; mais, à son retour, le crime était consommé, et il fut lui-même arrêté, garroté, maltraité et conduit au poste, pour n’être remis en liberté que le lendemain.
Les Allemands ajoutèrent à leur crime en retenant le cadavre de l’infortuné Terrillon ; il ne fut remis à la famille qu’après le départ des dernières troupes, le Ier avril.
Dans la nuit du meurtre, le presbytère était envahi, mis à sac, pillé de fond en comble, et cela sans motif apparent, sans raison,et sans qu’aucune autre maison du village ait eu à subir le même sort.
Toutes ces violences, toutes ces brutalités, tous ces crimes inutiles indiquent que les Allemands nous ont fait une guerre de brigands, et donnent une idée peu avantageuse de la fameuse discipline allemande. Des soldats qui rôdent toute la nuit et dégainent à tout propos sur des gens inoffensifs, sont-ils disciplinés ?
Sous l’œil et la main de l’état-major, ils ont peur, ils se tiennent bien ; mais, dans les faubourgs, ils volent ; à la campagne, ils pillent et ils assassinent.
Ils ont quitté Dijon le 28 octobre 1871, après avoir enseigné la haine à ceux qui ont dû souffrir leur contact.
On ne l’oublie pas.
Ils sont du moins partis assez à temps pour que, le jour anniversaire de la bataille de Dijon, la patriotique population pût pleurer ses morts sans que le cimetière fût souillé par la présence de ceux qui nous ont dépouillés après nous avoir vaincus ».
(Lucien Gaudelette : histoire de la guerre de 1870 en Bourgogne ; Paris (vers 1888)
C’est ainsi que mourut Fructueux Terrillon, qui avait trente ans.
[i] Ce doit être pour cette raison que, sur l’acte de décès, il est déclaré « sans profession ».
[ii] Discours du maire, M. Claude Mortet, à la fin de son mandat, en 1871
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