• "Un Bacchus pérégrin" un notule d'histoire de Dominique Masson

    Un Bacchus « pérégrin »

     En juin 1880, était créée la Société archéologique du Châtillonnais, avec comme président Victor Deheurle.

    Elle fut approuvée par le préfet de la Côte d’Or le 17 novembre de la même année.

    Son but était de rechercher, de conserver, et d’étudier les vestiges qui rappellent la vie des générations préhistoriques et tous les monuments de l’histoire locale.

    Devenue, en 1888, la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais, elle se lança dès ses débuts dans l’exploration de tumuli et, à partir de 1882, dans la reprise des fouilles à Vertillum, fouilles abandonnées par la Commission des Antiquités de la Côte d’Or une dizaine d’années auparavant.

    Les rapports de cette fouille furent faits, d’abord par Gustave Lapérouse, puis par Théophile Habert, et enfin par Henri Lorimy.

    Les objets retrouvés étaient transportés dans le musée créé par la Société, rue Bourée.

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    Figure 1 :Le musée de Châtillon rue Bourée Châtillon (C.P. H. Bogureau)

    C’est sous la direction d’Henri Lorimy qu’en 1894, la veille même de la clôture des fouilles de l’année, quelques coups de pioche mettaient à jour, à une faible profondeur (0m40 à 0m50, dans un terrain acheté par la Société), au milieu d’une terre fine et meuble, un jeune Bacchus gallo-romain, en bronze…

    Ce n’est pas seulement une pièce rare, c’est une pièce unique jusqu’à ce jour.

    Présentée à l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres par notre éminent compatriote M. Louis Cailletet, elle a été jugée d’une haute valeur artistique par les archéologues les plus compétents de cette assemblée.

    M. Héron de Villefosse, conservateur des antiques au musée du Louvre, considère ce bronze comme étant du plus haut intérêt, tant par son état parfait de conservation que comme un échantillon précieux de l’art gallo-romain (la même année, fut trouvée à Vertault la statue des déesses mères).

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    Figure 2 : Photographie de la statue de Bacchus insérée dans le bulletin de la Société Archéologique et Historique du Châtillonnaios (1896). Il en sera fait ultérieurement un autre tirage avec la même taille mais entouré d'une marge blanche importante, l'ensemble de la feuille faisant 36cmx27,5 cm

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    Figure 3 : Plan des fouilles à Vertault en 1894. Au numéro 145 la croix indique l'emplacement de la statue de Bacchus (bulletin de la SAHC op cit)

    Cette statue fut trouvée dans la parcelle n° 145, dans un vaste espace clos de murs, rempli d’une terre noire et fine et sans mélange de pierres, sur une épaisseur moyenne de 0m70 ...

    Ce petit Bacchus y était à peine enfoui, jeté là comme au hasard et sans aucune protection….

    Et M. Lorimy ajoute :Cet emplacement était bien un jardin et le Bacchus, seul objet recueilli en cet endroit, a dû y être caché précipitamment au moment de l’invasion.

    Cet espace devait être un jardin, avec un impluvium ou un bassin en forme de U, car il était bordé de deux côtés par des rigoles en pierre.

    Cette statue, selon madame Simone Deyts, sur le plan stylistique, est proche de deux autre bronzes, l’un trouvé à Reims, l’autre provenant peut-être de Pompéi, conservé au British Museum, ce qui dénote un modèle commun copié avec plus ou moins de variantes, sans doute d’origine italienne.

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    Figure 4 : la statuette de Bacchus, Reims

    C’est donc que ce n’est pas à partir de cette date de la découverte qu’a commencé le voyage du Bacchus enfant.

    Se pose alors la question de savoir où il a été fabriqué et comment, et pour qui il a pu être acheminé pour se retrouver dans la maison d’un riche propriétaire de Vertillum, une ville secondaire gallo-romaine, et donc peu connue pour la grande richesse de ses habitants.

    De plus, il avait connu par le passé quelques malheurs.

    Des traces de coups reçus dans l’antiquité sont apparents sur la main et le poignet gauches.

    Le bras gauche a été brisé dans l’antiquité, puis rajusté, et pareil accident semble être arrivé à la main droite : lepouce a été cassé puis rajusté à l’aide d’un goujon.

    Lors de sa découverte, en 1894, il reçut un coup de pioche sur le bras gauche.   

    Il ne resta pas longtemps au musée de Châtillon car, le 30 novembre 1894, M. Cailletet l’emmenait à Paris, où il fut présenté à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, puis il revint à Châtillon.

    Il refera un nouveau voyage à Paris, en 1937, à l’occasion de l’exposition universelle (exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne) ; il sera exposé au Palais national des Arts (palais de Tokyo), car c’est l’époque où l’on redécouvrit, en France, les richesses des musées de province et l’exposition universelle constituera l’apogée de ce mouvement de redécouverte des collections provinciales.

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    Figure 5 : Carton du menu du 27 mai 1957 à l'occasion du XXVIIIème congrès de l'Association Bourguignonne des Sociétés Savantes, réalisé par Pierre Garnier

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    Figure 6 : Dans sa première présentation, la statue était fixée sur un socle de marbre veiné. Cliché Chambon 1950

    Il restera ensuite au musée de Châtillon, rue Docteur Bourée, jusqu’après la deuxième guerre mondiale, bien qu’il ait failli être vendu, en 1926, au musée du Louvre.

    Puis il déménagera en 1949 dans la « maison Philandrier », acquise en 1928 par l’Association pour la sauvegarde de l’Art français.

    C’est là que, dans la nuit du 18 au 19 décembre 1973, la statue fut volée.

    Commence alors pour la statue un long voyage, dans le temps et dans l’espace, dans les frontières et probablement hors des frontières de l’Union européenne.

    Finalement, elle sera achetée, en 2019, par un collectionneur autrichien, qui accepta en fin de compte de restituer la statue à Châtillon.

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    Figure 7 : Détail de la statue de Bacchus

    La conservatrice en chef du musée de Châtillon, madame Monnet, partit ainsi à Amsterdam, avec le moulage de la statue de Bacchus.

    Car, en 1931, le musée du Louvre s’était proposé pour réaliser un moulage de la statue.

    Lors de la fonte, dans l’antiquité, pour cacher certains défauts, au moins 48 pièces de bronze ont été rapportées sur différentes parties du corps, en particulier sur la fesse droite.

    Toutes ces petites imperfections permirent d’identifier formellement la statue en bronze comme étant la statue volée.

    Au cours de ces pérégrinations, la statue a perdu un attribut qu’elle portait dans sa main droite : un végétal, une fleur stylisée peut-être, un quatre-feuilles, mais dont deux avaient été brisées.

    Ceci semble une réparation faite dans l’antiquité.

    La main droite devait, à l’origine, peut-être porter un canthare et, dans la main gauche, un thyrse, glissé entre ses doigts (bâton terminé par une pomme de pin et entouré de pampres et de lierre, attribut de Bacchus).

    La statue de Bacchus a rejoint les collections exposées dans le nouveau musée de Châtillon, ouvert en 2009 dans l’ancienne abbaye Notre Dame, rue de la Libération, pour, l’espérons-le, un long moment.

     ( Dominique Masson)

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    Bibliographie sommaire:

    -Bulletin de la Société archéologique et historique du Châtillonnais ; quatrième série-1894 ; Leclerc, 1896

    - Deyts Simone : Vertault à travers ses sculptures ; Bulletin de la Société archéologique et historique du Châtillonnais ; sixième série, n° 7, 2004 

    -Revue des Musées et collections archéologiques ; n° 14, 1928

     


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