• Le sépulcre de Saint-Vorles a inspiré Michel Lagrange...

    Michel Lagrange, grand poète Châtillonnais, m'a fait l'honneur de me confier un des poèmes qu'il a écrit, inspiré par la vue du très beau sépulcre de l'église Saint-Vorles...

    (cet article date de 2010, je le publie de nouveau, après la conférence de Jean-Luc Liez sur Claude Bornot, l'auteur de cette mise au tombeau extraordinaire dont personne à cet époque ne connaissait le nom)

    -Les Amis du Musée

    Voici ce qu'il nous dit de l'inspiration qui l'a saisi devant cette magnifique mise au tombeau..

    Ce texte, écrit en face de la mise au tombeau de l’église de Saint-Vorles, à Châtillon, est une méditation poétique sur le « Grand Mystère » de la mort et de la résurrection.

       Même si une corde sépare les visiteurs des statues, il s’agit de la franchir, de passer outre, et de rejoindre ces statues, ce qu’elles incarnent…

       D’abord, c’est l’angoisse, celle de ne pas être à la hauteur, de voir dénoncées ses propres ombres, ses manques, ses fautes… Le scandale est la mort du Christ, qu’il faut comprendre, et accepter, au-delà des réactions passionnelles, humaines, trop humaines…

       La description de certains détails, loin de nuire à la portée du message, est chargée de les éclairer, faisant partie de la révélation.

       Peu à peu, la communion s’établit entre le spectateur et les témoins directs de la mort scandaleuse du Christ. Il se fraie un passage, il adhère, il participe. Il est de plain-pied avec le silence et le message. Il est passé au-delà des apparences, au-delà du temps dont le spectacle est la mise au tombeau. Dans une éternité nouvelle.

     

    -Les Amis du Musée

     MISE  AU  TOMBEAU

    Mise au tombeau.

     Une corde arc-en-ciel

    Entre les vivants et les morts.

     

    Je suis venu mécontent de ma vie.

    Insuffisant. Au niveau courant de ma pente

    Et curieux de toucher du doigt

    Les plaies représentées par l’écho d’ici-bas.

     

    Il faut passer par le tragique

    Où la vie se déploie.

    Partager la souffrance avec

    Celle de Dieu qui est

    Parmi les hommes,

    Et les oblige

    À des sublimations

    Sans précédent.

     

     Je suis comme un nomade affrontant des statues.

    Comme un chevreuil qui voit venir quelqu’un…

    Je voudrais me cacher.

     

    En moi, l’angoisse.

    Un tremblement profond. De qui se sent fautif

    Et responsable.

     

    -Les Amis du Musée

    Au-dessus de l’abîme, un corps

    Est allongé,

    Qui n’aurait jamais dû mourir.

    Mais qui est mort,

    Dans l’innocence,

    Exprès pour sanctifier la mort

    Et passer outre.

     

    Un gisant pèse lourd.

    Du poids de nos douleurs

    Et de sa défection.

    Il est impénétrable

    Et divorcé de nous.

     

    Sa bouche à demi close

    Est un autel désaffecté.

     

    Tous les morts ont des traits communs.

    Ils font bloc dans l’absence

    Et dans le froid qui les durcit.

    Nous qui restons sur notre rive

    Avons du mal

    À ne pas nous sentir de trop.

     

    Dans cette mort, le Christ est en exil.

     

    Le temps méchant se fait prioritaire.

    En attendant…

     

    On est encore en cet instant

    Sur le versant mortel de la crucifixion,

    Dans le temps suspendu.

    Alors que se profile

    Un rendez-vous posthume

    Avec la réconciliation glorieuse.

     

    Absenté par la mort,

    Le Christ a laissé porte close,

    Avec la clé dans la serrure.

     

    Un mystère à retardement – trois jours –

    Va éclater.

    Madeleine en sera témoin

    Avant les autres.

     

    Dans la douleur des survivants,

    Les contemporains du Christ

    Sont perdus.

    Figés, comme le Christ,

    Dans l’apparence

    Où se complaît l’histoire.

    Entre la rigidité du cadavre

    Et la résurrection promise.

     

    Leur désarroi n’est qu’une hésitation

    Au carrefour du temps,

    Où la mort du Christ a eu lieu.

    Elle est coincée dans leur esprit

    Comme un squelette

    En travers de la vie confiante.

     

    Tête à bout de patience,

    Regard mi-clos,

    Comme si fermer à demi les yeux

    Diminuait l’éclat du scandale.

     

    Ils ont la bouche entrebâillée

    Afin d’évacuer les relents

    De la mort dont les mots fermentent

     

    Sur la paroi du sarcophage,

    On voit les douze,

    Habillés à l’antique.

    Ils cherchent la parole et le mot guérisseurs.

     

     

    Le bras posé de saint Jean sur Marie

    Jette un pont de chaleur humaine,

    En dépit de l’éclair de nuit

    Qui a rompu la pierre.

     

    Depuis que le flambeau a disparu,

    La nuit n’a rien multiplié.

    L’incandescence a des pouvoirs

    Qui ne dépendent pas de nous.

     

    L’épée brandie

    N’existe plus,

    Même si le bras du soldat

    Pourfend le vide et joue les matamores.

     

    Les donateurs sont plus petits

    Que les contemporains du Christ,

    Auxquels ils ont laissé

    La priorité du geste officiel.

    Ils sont agenouillés

    Pour être à la hauteur

    De l’affliction priante humaine.

     

    Ils n’ont que l’âge en eux

    De leurs mains réunies

    Sur les mots silencieux de l’âme.

     

    La femme est mutilée.

    Ne souffre pas, n’interrompt pas pour autant

    Sa prière.

    Retrouvera ses mains

    Au détour du chemin de la résurrection,

    Déposées bien en vue,

    Sur un bord de fenêtre,

    Comme deux gants oubliés là…

     

    Ces donateurs sont au courant

    De ce qui aura lieu

    À la fin du troisième jour.

    Ils n’ont gardé que l’espérance

    En écoutant le flux de la prière

    Ouvrir en eux des sillons de fraîcheur paisible.

     

    Au cimetière, à côté de Saint-Vorles,

    Les morts sont enfermés

    Dans un jardin de gravillons

    Scrupuleux et balayés par le vent.

    Trois jours et des poussières,

    À l’ombre d’un château ruiné…

    Le temps ne passe pas.

    Se décompose un peu,

    Plus lentement que la mémoire…

     

    Ces morts sont en souffrance.

    Oublieraient-ils que le Maître a péri

    Avant eux, et qu’il a reparu avant eux,

    Pour qu’il y ait résurrection de tous ?

     

    Je vais je viens d’une émotion à l’autre.

    Et me réconcilie avec le Christ

    Au point de mire universel.

     

    Il y a tant de mains ici

    Que je ne sais laquelle apprivoiser.

    Tenir entre les miennes.

     

    Il y a tant d’humanité ici

    Que l’homme est dépassé.

    Et que le vide a disparu,

    Et que le manque est bienvenu

    Pour accueillir le Grand Mystère.

     

    Le silence est habité par la grâce.

    Il est ici chez lui.

    Elle est ici chez nous.

     

    Mon passage au milieu de l’unanimité

    Tient du miracle.

    Et ne fait ni remous ni confusion.

    De près, je vois que ce n’est pas

    Le goût de la mort qui s’impose

    Entre les lèvres.

    -Les Amis du Musée

    Je me mêle aux statues.

    C’est comme si nous partagions

    Une mission connue par cœur,

    Et, bien avant de naître,

    Initiatique.

     

    C’est comme si j’étais le premier à leur dire :

    « Attendez trois jours ! Revenez ! »

    Clairvoyance intuitive !

    Irradiation du sens au-delà du non-sens !

     

    Je fais partie de la famille.

     

    C’est la mise au tombeau du temps.

    -Les Amis du Musée

    -Les Amis du Musée

    Merci, Monsieur Lagrange pour l'envoi de votre merveilleux poème .

    NB: les dessins de la tête du Christ et de Marie Madeleine sont tirés du manuscrit de Michel Lagrange.

     


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  • Commentaires

    1
    bluetit
    Mercredi 29 Novembre 2023 à 07:55

    st Vorles cette église passionne 

    j adore y passer 

    belle journée bisous

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