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Le colloque "Alise-Sainte-Reine" : un pèlerinage, un hôpital, un patrimoine" s'est poursuivi dans la matinée du 9 novembre 2019
Après la brillante conférence de Claude Grapin sur "les sources du pèlerinage de sainte Reine" :
Le colloque s'est poursuivi avec trois autres interventions.
Gérard Stassinet, Président de l'association Desnoyers-Blondel, nous a confié qu'il y a plus de vingt ans, paraissait l'ouvrage "Reine au Mont Auxois", consacré à l'histoire du culte et du pèlerinage de sainte Reine.
Cette remarquable synthèse, richement illustrée, était publiée dans le but avoué de contribuer à la restauration de la chapelle de l'hôpital d'Alise : chœur, maçonnerie, peintures, dont le cycle de 13 tableaux du XVIIème siècle relatant la vie de Reine, son martyre et son culte.
Un de ses auteurs, Dominique Julia, Directeur Honoraire de recherches au CNRS, Centre de recherches historiques de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, nous a présenté une conférence intitulée "Le voyage de sainte Reine à l'époque moderne"
Monsieur Julia a évoqué la fontaine Sainte-Reine, cette eau miraculeuse qui, dit la tradition, jaillit sur le lieu du martyre de Reine, à l'endroit où sa tête tomba.
Cette fontaine fut très fréquentée, car elle guérissait plusieurs maladies de peau et aussi celle qu'on appelait "la grosse vérole" autrement dit la syphilis.
Les guerres de Religion réduisirent les pèlerinages, mais ils reprirent lors de la paix religieuse induite par l'Edit de Nantes de 1598.
Les Cordeliers fondèrent en 1644, une chapelle pour la prise en charge des pèlerins et, en 1659, sous l'influence de la Compagnie du Saint Sacrement, un hôpital pour l'accueil des pèlerins malades.
Entre 1670 et 1685, 400 malades se firent soigner à l'hôpital Sainte-Reyne.
Le culte de sainte Reine à Alise fut très florissant de la fin du Moyen Âge jusqu'au XVIIe siècle, on nota qu'en 1575, 60 000 personnes effectuèrent le pèlerinage !
De nombreux miracles furent signalés ce qui contribua au regain du culte de la sainte.
Mais il n'y avait pas que des pèlerins qui venaient à Alise, il y avait aussi des personnes qui croyaient aux vertus thermales de l'eau dite "miraculeuse", ainsi Anne d'Autriche croyait aux vertus de cette eau, elle s'en faisait apporter et en buvait à table. C'était aussi le cas de madame de Grignan, la fille de madame de Sévigné.
Il s'agissait alors d'un "voyage thermal" pour les gens de qualité.
Mais d'autres catégories de la population se rendaient aussi à la source sainte Reine, nous dit Dominique Julia, plutôt des hommes, de 15 à 29 ans, célibataires, venant surtout des villes. Il y avait aussi des ouvriers qui faisaient leur "Tour de France" et qui en profitaient pour venir boire l'eau de sainte Reine.
Parallèlement aux pèlerinages et aux fréquentations de la source, un commerce florissant se développa : on vendit des chapelets, des médailles, des "boîtes de sainte Reine" qui contenaient des statuettes de la sainte.
La Révolution Française fit cesser le pèlerinage, mais autorisa la garde des reliques dans l'église saint Genet.
Le pèlerinage reprit au début du XXème siècle, dans une petite mesure.
Par contre l'histoire de sainte Reine est restée vivace dans l'esprit de la population, puisque tous les ans on y représente "le mystère de sainte Reine" avec un grand succès.. Cette tradition est attestée depuis 866 et perdure encore aujourd'hui. Ce serait le plus ancien mystère célébré sans interruption en France.
Dominique Julia fut très applaudi pour cette passionnante conférence.
Une petite anecdote personnelle : ma grand-mère, originaire de Saône et Loire, dès qu'elle voyait que je laissais une porte de placard ouverte m'ordonnait: "ferme donc ta sainte reine".
Intriguée je lui ai demandé plusieurs fois d'où venait cette expression, et si elle connaissait cette sainte, elle ne sut pas me répondre mais elle m'affirma que c'est sa propre grand-mère qui l'utilisait...
Ce devait donc être au début du XIXème siècle.
J'ai appris depuis que des colporteurs passaient dans les villages de Saône et Loire avec des coffrets à battants qui contenaient une statue de notre sainte Reine de l'Auxois, alors pour les ruraux de cette époque un placard devint une "sainte reine". Hélas ma grand-mère ne sut jamais l'explication , puisqu'elle disparut avant que je fasse cette découverte, c'est bien dommage...
Gérard Stassinet nous a raconté ensuite qu'il y a quelque temps un groupe de personnes est venu à Alise, a visité l'église saint Genet, s'est recueilli devant la source de sainte Reine, et s'est rendu à la chapelle de l'hôpital Sainte-Reyne pour prier devant les reliquaires de la sainte.
Très heureux de leur pèlerinage à Alise-Sainte-Reine, car s'en était un, ils ont fait un don à l'association Desnoyers-Blondel.
Qui étaient donc ces personnes ?
Eh bien, c'étaient "des Blancs".
Ce nom intrigue, c'est pourquoi madame Michèle Frommherz, Membre associé de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, nous a donné des indications fort intéressantes sur ce qu'on appelle aussi "la Petite Eglise" au cours de sa conférence intitulée :
"Ils cheminent depuis le sud de la Bourgogne vers Alise. Les Blancs sont-ils les derniers pèlerins de notre siècle ?"
Lors de la Révolution française, fut proclamée en 1790, la Constitution civile du clergé. Certains prêtres refusèrent de s'y plier, et devinrent des prêtres réfractaires.
Bonaparte, Premier Consul, signa ensuite en 1801, un Concordat avec le pape Pie VII.
Une petite partie des fidèles de l'Eglise de France refusa ce Concordat comme elle avait refusé la Constitution civile du clergé.
Ces personnes, dont une partie des fidèles subsiste encore actuellement, surtout dans la Saône et Loire (en Brionnais) se nomment "les Blancs", ils font partie de ce qu'ils appellent la "Petite Eglise" et se voient comme des persécutés.
Leurs missels continuent d'utiliser les formulations en latin que lisaient le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette en captivité.
Les pèlerins prient longuement, individuellement le plus souvent,
dans des ouvrages du diocèse d Autun, d 'avant la révolution.Leur culte s'effectue dans la maison du chef de la Communauté, car ils n'ont pas de prêtres, ils ont conservé les fêtes religieuses d'avant la Révolution comme la Chandeleur
Leurs tombes sont extrêmement simples, ornées seulement d'un cœur blanc portant le nom du défunt.
Les "Blancs" viennent en Auxois pour le pèlerinage de sainte Reine. En chemin ils s'arrêtent dans des chapelles à Saint Thibault, Sainte Colombe en Auxois, à Alise où ils ont un petit oratoire.
Madame Frommherz nous a conseillé la lecture d'un roman de Jean Gauthier sur les "Blancs" du Charolais, intitulé "L'Oïasse" . Ce livre lève le voile de mystère qui recouvre cette "Petite Eglise" qui se perpétue depuis plus de deux siècles.
Merci à madame Michèle Frommherz de nous avoir permis de découvrir cette sorte de secte issue du catholicisme, véritablement inconnue par beaucoup de personnes.
De nombreux applaudissements saluèrent la conférencière.
La dernière conférence de cette matinée de colloque fut donnée par madame Christine Lamarre Professeur émérite à l'Université de Bourgogne. sous le titre :
"Des Archives des hôpitaux à l'histoire hospitalière à l'époque moderne : l'exemple de la Côte d'Or"
Madame Lamarre a précisé d'emblée que les archives hospitalières sont privées, comme celles des archives d'entreprises.
Elles relatent l'histoire fragmentée des établissements hospitaliers qui furent tous différents.
La conservation des archives par les hôpitaux se faisait dans un but d'administration et de conservation des actes.
Les hôpitaux furent créés à partir des dons d'un ou plusieurs donateurs (Guyotte à Châtillon sur Seine), mais aussi par des dons plus modestes de particuliers et de ceux de municipalités qui s'investirent en communautés de dons.
A Alise-Sainte-Reine ce sont deux pèlerins parisiens, Jean Desnoyers et Pierre Blondel qui furent tant émus devant la misère des malheureux pèlerins malades que leur vint l'idée de les secourir en créant un hôpital destiné aux patients pauvres. Revenus à Paris, ils en parlèrent à saint Vincent de Paul qui les encouragea dans leur idée.
Le 23 mars 1659, Louis XIV accorda des lettres de patentes autorisant la construction d'un hospice sous la direction de l'Evêque d'Autun qui donna également son accord.
Grâce à Saint Vincent de Paul, Anne d'Autriche prit l'Hôpital sous sa protection et constitua une rente de 1.000 deniers. Son paiement a été maintenu par Louis XV au décès de sa mère.
Dans les hôpitaux , les soins étaient donnés par des religieuses qui avaient un statut particulier. Il s'agissait de sœurs séculières qui renouvelaient chaque année leurs vœux simples de pauvreté, chasteté et obéissance. Elles étaient souvent issues de familles bourgeoises.
Certaines s'occupaient des médicaments de l'apothicairerie.
Bénigne Joly, à Dijon, leur donna par exemple une certaine autonomie.
Dans les hôpitaux, les patients étaient séparés par sexes.
Dans les archives hospitalières on trouve aussi les registres d'enfants abandonnés, ceux des mortalités infantiles, ceux des entrées de blessés et de malades à soigner.
Par contre on refusait les entrées de femmes enceintes, de malades incurables ou atteints de maladies vénériennes.
Certaines archives cachent aussi quelquefois des secrets, comme par exemple celles de l'hôpital de Dijon qui ne signalent aucun enfant abandonné (alors qu'ils étaient légion autrefois)...peut-être nous dit madame Lamarre que les sage-femmes donnaient ces enfants à placer, sous le manteau, par l'intermédiaire de leurs maris "meneurs d'enfants"... Un mystère bien intrigant.
Une conférence bien intéressante qui fut fort applaudie.
Après cette matinée chargée, et après un délicieux repas servi dans la cafeteria du Muséoparc d'Alésia, le colloque se poursuivit dans la chapelle de l'hôpital Saint-Reyne d'Alise.
Un article prochainement.
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