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"La médaille miraculeuse et Catherine Labouré", un notule d'Histoire de Dominique Masson
Par Christaldesaintmarc dans -Les "Notules d'histoire" de Dominique Masson le 10 Septembre 2020 à 06:00Dominique Masson, Historien du Châtillonnais, m'envoie un nouveau très intéressant notule sur une sainte Côte d'Orienne, presque oubliée, Catherine Labouré originaire de Fain les Moutiers, mais qui vécut un certain temps à Châtillon, avant de rejoindre le couvent de la rue du Bac à Paris. C'est là qu'elle eut des apparitions de la Vierge Marie.
Merci à Dominique Masson pour cette étude passionnante.
Notule d’histoire
La médaille miraculeuse et Catherine Labouré
Au début de 1832, l’abbé Aladel, prêtre lazariste et confesseur d’une religieuse de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul, reçoit l’autorisation par l’archevêque de Paris de faire diffuser une médaille représentant la Vierge, qu’une religieuse de cet ordre dit avoir vue, suite à une vision.
A l’avers, au centre, se trouve la Vierge,représentée en pied, les bras légèrement détachés du corps et les mains ouvertes, d’où partent des rayons de lumière symbolisant les grâces obtenues par son intercession ; Marie écrase sous ses pieds un serpent ; autour, on trouve l’inscription : « O Marie, conçue sans péché, qui avons recours à vous, priez pour nous » ; la date, en bas, de 1830, est l’année des trois apparitions successives de la Vierge à la religieuse.
Au revers se trouve, au centre, la lettre M, pour Marie, qui entrelace une barre horizontale qui soutient le pied de la Croix ; au-dessous se trouvent deux cœurs, l’un encerclé d’une couronne d’épines, qui est le cœur de Jésus, et l’autre est transpercé par une épée, représentant la douleur d’une mère voyant son enfant mourir ; et, autour, sont disposées douze étoiles, symbolisant les douze tribus d’Israël et les douze apôtres.
Mais, à partir du 26 mars 1832, le choléra déferle sur Paris. Au total, il y aura plus de 20 000 morts.
Fin mai, l’épidémie semblant reculer, l’abbé Aladel prend contact avec un bijoutier et lui passe commande de la médaille.
Les 1500 premiers exemplaires sont livrés le 30 juin. La médaille va être d’abord distribuée par les sœurs de la Charité, dans la région parisienne, lors de la reprise du choléra.
C’est alors que se produisent des miracles et des guérisons de personnes qui ont porté la médaille.
Dès février 1834, la médaille est couramment qualifiée de « miraculeuse ». En fait, il ne semble pas y avoir corrélation entre la médaille et le choléra, mais, en 1839, 10 millions d’exemplaires de la médaille ont été distribués dans le monde entier (et un milliard en 1876).
Par contre, la médaille a permis un renouveau de ferveur et de vocations ; alors qu’il n’y avait, en 1830, que 71 entrées au séminaire de la rue du Bac, à Paris, pour les jeunes sœurs de la Charité,il y en a 686 en1854. L’abbé Aladel est obligé de faire paraître une « notice historique sur l’origine et les effets de la nouvelle Médaille frappée en l’honneur de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge et généralement connue sous le nom de Médaille Miraculeuse ».
Cette notice expliquait les origines de la médaille, mais en restant assez vague : Depuis peu, Sœur M… nous a fait part d’une circonstance que nous avions omise en racontant les trois visions.
C’est que ces grâces, figures dans les rayons, découlaient avec plus d’abondance sur une partie du globe qui se trouvait aux pieds de Marie ; et cette partie privilégiée, c’était la France ». La notice, imprimée à 10 000 exemplaires en août 1834, fut épuisée en moins de deux mois.
L’imagerie populaire, entre autre celle d’Epinal va s’emparer de ce fait. On frappe aussi ultérieurement des médailles, associant au revers un saint local, comme saint Vorles.
Devant la ferveur envers la médaille et le nombre croissant de miracles, l’archevêque de Paris ouvre un Procès ; médaille et miracles seront examinés selon les méthodes d’investigation de Rome.
Mais le principal témoin, la sœur qui a eu ces visions, refuse de témoigner devant le tribunal.
C’est aussi dans ce sens que la médaille est « miraculeuse », car on ne sait d’où elle vient.
Cependant, comme la Vierge avait demandé à la visionnaire de rassembler une confrérie d’enfants de Marie, ce fut chose faite en 1837, avec la création des Enfants de Marie, rassemblant des adolescentes du milieu populaire pour former une élite de piété.
La Vierge s’était aussi présentée à la visionnaire comme « conçue sans péché ». Dans l’Eglise catholique, plusieurs voix se font entendre pour demander au pape la formulation du dogme de l’Immaculée Conception.
Après l’avis de théologiens, de cardinaux et des évêques, le pape Pie IX, le 8 décembre 1854, proclame solennellement ce dogme.
Le nom de la sœur qui avait eu ces révélations n’était toujours pas connu mais, si le secret avait été peu à peu éventé par les religieuses de l’Ordre et connu de quelques personnes importantes, comme la maréchale Mac-Mahon, rien ne transpire auprès du grand public.
Ce n’est qu’après sa mort, survenue le 31 décembre 1876, que le secret est révélé à tous et que des miracles se produisent.
Contrairement à l’usage d’enterrer les religieuses au cimetière, le corps de la sœur est mis dans un caveau à Reuilly, là où elle avait passé l’essentiel de sa vie.La fête liturgique de la manifestation de la Médaille miraculeuse sera célébrée le 27 novembre 1894.
La sœur voyante sera déclarée « vénérable » le 11 décembre 1907, lorsque sa cause en béatification fut introduite ; elle sera béatifiée par Pie XI le 28 mai 1933.
Son corps, exhumé le 21 mars et retrouvé intact, dans un « parfait état de conservation », avait été transporté le 22 mai au 140, rue du Bac, à la « maison-mère ».
Le 11 juin, le même pape approuvait le culte de Marie, reine du monde (Vierge au globe).
Catherine Labouré fut canonisée le 27 juillet 1947 par Pie XII.
Car cette sœur, Catherine Labouré, a été appelée la « Sainte du Silence », selon l’expression du pape Jean XXIII.
Elle est née le 2 mai 1806, dans la ferme de ses parents, à Fain-les-Moutiers, mais perd très tôt sa mère.
La petite Catherine, surnommée « Zoé », va assez vite se transformer en fermière et seconder son père, tandis que sa sœur ainée, Marie-Louise, part chez les Filles de la Charité, à Langres.
Chaque fois qu’elle le peut, Catherine se rend à l’église pour prier.
Une nuit, elle a un songe : un vieux prêtre lui apparaît, qui célèbre la messe et, se retournant, lui fait signe d’approcher, mais Catherine a peur.
Catherine approche de ses 18 ans, mais elle n’est pas allée à l’école et ne sait signer.
Une cousine, Jeanne (ou Jeannie) Gontard, qui tient un pensionnat à Châtillon (31 pensionnaires en 1841), au 7 rue Saint-Vorles, propose alors de la prendre.
Comme sa petite sœur, Marie-Antoinette, dite « Tonine », est assez solide pour assumer la maison, son père consent à la voir partir.
Quand elle le peut, elle se rend à l’église proche de Saint-Nicolas, où elle rencontre le vieux curé, l’abbé Gailhac, qui lui dit que le prêtre vu en songe pourrait être Saint-Vincent.
Elle va se rendre aussi chez les Filles de la Charité et là, elle est toute surprise de reconnaître parfaitement, dans une peinture qui y est accrochée, le portrait de ce vieux prêtre qui lui était apparu en songe : les sœurs lui apprennent que c’est effectivement le portrait de Saint-Vincent-de-Paul[i].
[i]Selon l’abbé Laurentin, il y avait un portrait authentique de Saint-Vincent conservé par les sœurs de Moutiers, attribué à François de Tours, à 2,5 km. de Fain, mais il se trouvait à l’époque dans une salle de communauté réservée aux Sœurs et Catherine ne l’a pas vue lors de ses visites.
Saint Vincent de Paul (1626-1660) était un prêtre français qui, devant la misère spirituelle et corporelle des plus démunis, va fonder, d’abord, en 1625, la Congrégation de la Mission, qui prendra plus tard le nom de Lazaristes, vouée à l’évangélisation des pauvres des campagnes, et, en 1633, avec l’aide de sainte Jeanne de Chantal, les Filles de la Charité, aussi appelées « sœurs de Saint-Vincent-de-Paul » ou « sœurs grises », vouées au service des malades et au service corporel et spirituel des pauvres.
A Châtillon, l’abbé Pierre Guyotte avait fondé un hôpital, en 1666, et des filles du Vénérable Bénigne Joly vinrent de Dijon s’occuper des malades, en 1704. Pour les pauvres, des dames de charité faisaient des quêtes et se chargeaient elles-mêmes d’en faire la distribution.
L’une d’elle, veuve et sans enfant, Marie-Joseph de Sainte-Colombe, eut le projet de fonder un établissement des Sœurs de la Charité.
Son projet fut approuvé par lettres patentes du roi en juin 1787.
Ayant pu acheter une petite maison « à l’extrémité de la Haute-Juiverie, à l’endroit où la rue se coude brusquement pour tomber dans la rue de l’Isle », trois sœurs « grises » arrivèrent l’année suivante, ayant un traitement de 300 livres chacune.
Malheureusement, à la Révolution, les sœurs furent chassées et leur maison vendue le 16 fructidor, an II.
Cependant, il y avait toujours plus de demande de secours de la part des pauvres.
Le 22 pluviôse, an XI, le conseil municipal avait sollicité la remise en activité de l’établissement des sœurs de la Charité.
Grâce à l’insistance du bureau de Bienfaisance, au soutien à Paris du comte de Chastenay et de sa fille, Victorine, et à l’argent de madame de Gissey, veuve d’Alexandre Jouard de Gissey, qui permit de racheter l’ancienne maison des sœurs, trois nouvelles sœurs arrivèrent, le 12 octobre 1804
[i].En 1828, la sœur Joséphine Cany devint supérieure. Elle avait en particulier, pour la seconder, la sœur Victoire Séjolle, arrivée en 1827.
[i] Née Viesse, elle décède le 16 mai 1813
Si Catherine a appris à écrire chez sa cousine, elle est mal à l’aise au milieu des jeunes filles de la bourgeoisie locale.
Elle préfère rentrer chez elle, à Fain, mais elle est résolue à devenir religieuse et s’oppose violemment à son père vieillissant.
Après un court séjour à Paris, chez l’un de ses frères, elle retourne à Châtillon, au pensionnat, où il y a des changements ; en effet, son frère Hubert a épousé sa cousine et Jeanne est devenue sa belle-sœur.
Catherine fréquente de plus en plus les Filles de la Charité et sympathise avec la sœur Victoire Séjolle, laquelle insiste auprès de sa supérieure, sœur Cany, afin de la recevoir dans la communauté.
Mais il y a le problème de la dot ; son frère et sa belle-sœur vont y pourvoir, le père de Catherine s’y refusant.
Au début de janvier 1830, sœur Cany (Anne-Joséphine, qui décèdera le 31 août 1872) envoie son avis favorable à la Maison-Mère, où le conseil des Filles de la Charité l’adopte en ces termes, à la date du 14 janvier : Ma Sœur Cany propose Mademoiselle Labouré, sœur de celle qui est Supérieure à Castelsarrasin.
Elle a 23 ans, et convient très bien pour notre état ; une bonne dévotion, un bon caractère, un fort tempérament, l’amour du travail, et fort gaie.
Elle communie régulièrement tous les huit jours. Sa famille est intacte, pour les mœurs et la probité, mais peu fortunée : on presse beaucoup pour la recevoir.
Le 22 janvier, la réponse arrive, et elle est favorable.
Sœur Séjolle se fait une joie de la former aux prières et à la vie de communauté[i].
Elle l’initie à la « marmite des pauvres malades » ; deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, vers une heure de l’après-midi, les sœurs donnaient une portion de bouillon aux pauvres de Châtillon qu’ils emportaient ensuite chez eux, et qui était aussi distribuée aux malades. A la mi-mai, l’épreuve du postulat est terminée pour Catherine. Elle empile son trousseau dans une malle : 4 paires de draps mi- usés ; 12 serviettes mi- usées ; de la toile pour chemises et 11faites ; 5 robes (4 d’indienne et 1 de soie violette) ; 4 jupes (dont 1 indienne) ; 4 schals ; 1 fond blanc de laine à passe et 3 de laine noire (dont 1 bien mauvais) ; 13 fichus de soie violette ; 1 morceau de coton ; 30 serre-tête ; 11 mouchoirs de poche ; 3 paires de poches (ce qui tenait lieu de sac à main) ; 3 paires de bas ; 1 corset ; 1 robe noire ; plus la dot offert par son frère et sa belle-sœur, soit 693 francs.
[i] Quand la sœur Séjolle apprendra, plus tard, qu’une sœur avait été favorisée des apparitions de la Vierge, elle pensera tout de suite que c’était Catherine.
C’est à Châtillon que Catherine va prendre la diligence pour Paris, accompagnée de sœur Hinaut, arrivée en 1811 comme supérieure, mais qui avait laissé sa place en 1828 à sœur Joséphine Cany et retournait à la Maison-Mère (elle y décèdera le 21 octobre 1838).
Les deux sœurs arrivèrent ainsi, le 21 avril 1830, rue du Bac, car c’est là qu’en 1813, les Filles de la Charité avaient installé leur « maison-mère » et elles y avaient construit leur chapelle, consacrée en 1815.
Catherine arrive juste avant le transfert des reliques de Saint-Vincent-de-Paul de Notre-Dame à Saint-Lazare, le 25 avril.
C’est alors que, revenant de prier devant ces reliques, le cœur de Saint-Vincent lui apparût, trois jours de suite ; puis, à la messe, elle voit l’hostie qui devient transparente comme un voile.
Et la nuit du 18 juillet, un « enfant » la réveille et l’emmène à la chapelle où la Vierge lui apparaît.
Cette apparition se reproduira deux autres fois, en novembre et décembre 1830, la Vierge lui faisant des prédictions et lui ordonnant de faire frapper une médaille[i]. Elle aura encore la vision d’une Croix en 1848.
Le 30 janvier 1831, le séminaire s’achève et Catherine prend l’habit.
Son confesseur, l’abbé Aladel, reçut ses confidences, mais mit du temps à croire Catherine.
Le 5 février, Catherine est affectée à l’hospice d’Enghien. Fondé en 1819 par la duchesse de Bourbon, en souvenir du duc d’Enghien, il fut transféré à Reuilly en 1829, en y ajoutant la charge de soigner 50 vieux serviteurs de la famille d’Orléans.
[i] La première apparition eut lieu dans la nuit du 18 au 19 juillet 1830 ; la deuxième, ce fut le 27 novembre ; et la dernière, en décembre. Toutes ont eu lieu à la chapelle de la rue du Bac.
Là, jusqu’à sa mort, elle ne cessera de s’occuper à servir les pauvres et les vieillards et de veiller sur la basse-cour, se montrant toujours humble.
Elle fit trois relations écrites sur les Apparitions de la Sainte Vierge, mais non datées, la première probablement en 1841 et la dernière probablement en 1876.
Elle décède peu après, le 31 décembre 1876.
Après la disparition de leur établissement lors des bombardements de Châtillon en juin 1940, les Sœurs de la Charité purent s’installer dans une propriété entre l’allée des Boulangers et la rue Ernest Humblot.
Peu de choses purent être sauvées de l’établissement bombardé ; l’ancienne grille fut installée devant la cour de la bibliothèque municipale.
Egalement, une petite statuette représentant la Vierge tenant l’Enfant Jésus, que Catherine dut voir à Châtillon, fut retrouvée intacte.
Lors de leur départ de Châtillon en 1999, les Sœurs de la Charité portèrent la statue à Fain-les-Moutiers.
En 1950, le Conseil de l’Europe se mit en tête d’avoir un symbole pour le représenter.
Après avoir refusé plusieurs projets, la commission chargée de cette mission retint celui d’un fonctionnaire du Conseil, Arsène Heitz.
Il avait conçu un drapeau bleu sur lequel se détachent douze étoiles, pointes hautes, formant un cercle.
Les membres du Conseil apprécièrent le ciel sans nuage et la symbolique des douze étoiles, rappelant la perfection, la plénitude et l’unité.
Plus tard, Arsène Heitz raconta que, ce qui l’avait inspiré, c’était la médaille miraculeuse qu’il portait autour du cou.
Quant au Conseil de l’Europe, il signa le texte portant l’adoption du drapeau le 8 décembre 1955, le jour de la fête de l’Immaculée Conception.
Remerciements à M. Michel Massé et aux sœurs de la Charité de Fain-les-Moutiers
Bibliographie :
-Frérot (abbé) : la maison de Charité de Châtillon-sur-Seine, 1788-1888 ; Châtillon-sur-Seine, Pichat, 1888-Laurentin René (abbé) : Vie authentique de Catherine Labouré ; Paris, 1981 -La médaille miraculeuse ; Abbeville ; 1930
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