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"La forêt Bourguignonne à la fin du Moyen-Âge", une conférence de Corinne Beck pour la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais
Par Christaldesaintmarc dans -La Société Archéologique et Historique du Châtillonnais le 31 Mars 2022 à 06:00François Poillotte, Vice-Président de la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais a présenté Corinne Beck, conférencière venue présenter un très intéressant exposé sur la forêt bourguignonne au temps des Ducs de Bourgogne.
Corinne Beck est Professeure émérite d’histoire et d’archéologie médiévales, Co-présidente du conseil scientifique du Parc naturel régional du Morvan, membre de l’équipe « archéologies environnementales » (Paris-Nanterre) et membre fondateur du Réseau universitaire des chercheurs en histoire de l’environnement.
Madame Beck a présenté une passionnante conférence sur la forêt bourguignonne au temps des ducs capétiens de Bourgogne.
Trois grands domaines ducaux forestiers existaient alors en Bourgogne :
Dans le Châtillonnais celui de Villiers-Maisey, le plus vaste, qui comptait à l'époque 19 633 arpents, soit 10 026 hectares.
Dans le Dijonnais celui d'Argilly et dans l'Autunois celui de La Planoise
Corinne Beck s'est appuyée, pour faire ses recherches sur les manuscrits de l'Office Ducal des Eaux et Forêts , une administration nombreuse qui montre l'importance accordée par les Ducs à leur domaine forestier.
Nous avons appris que la gestion de la forêt ducale se nommait la "gruerie", ancienne juridiction féodale où les officiers forestiers jugeaient les délits.
Les "gruyers" étaient les officiers seigneuriaux des eaux et forêts, chargés de juger en première instance les délits commis dans les bois ou sur les rivières dont ils avaient la garde.
Les gruyers devaient rendre des comptes précis annuels devant la Chambre des Comptes de Dijon.
Ils étaient respectés et ils restaient en place toute leur vie, pour certains pour près de 30 ans...
Les forêts de cette époque étaient peuplées surtout de chênes et de hêtres, mais aussi de nombreuses autres espèces mêlées : charme, tremble, érable, noisetier etc.....
Il n'y avait aucun résineux.
Deux modes d'exploitation existaient :
Celle de la "Haulte Futaye" à longue révolution (plus de 40 ans), et celle des "Bois revenans ou revestuz" qui étaient des taillis exploités en coupes ordinaires de moins de 10 ans.
Les coupes dans les futaies se faisaient par "pied d'arbre", les arbres étant abattus après le marquage par l'arpenteur ducal avec un marteau aux armes du Duc.
Ce marteau était si précieux, nous dit Corinne Beck qu'on le rangeait dans une sorte de coffre-fort à trois serrures différentes, pour éviter son vol !
Dans les taillis , on coupait les essences diverses pour le chauffage, la fabrication du charbon de bois, la confection de pieux, d'objets d'artisanat etc....
On imagine que la forêt ducale au Moyen-Âge servait surtout à la chasse des nobles ducs... on est donc surpris quand madame Beck nous révèle que la forêt était un lieu d'élevage.
En effet à cette époque les prairies étant insuffisantes, on allait en forêt ramasser des feuilles, des glands, des faînes, on emmenait les porcs faire la "vive pasture", appelée aussi "paisson" entre septembre et novembre.
Il existait aussi la "vaisne pâture" le reste de l'année, cette fois c'étaient des bovins, des ovins et des équins que l'on conduisait dans la forêt.
Un livre de la conférencière en témoigne :
Évidemment, les Ducs de Bourgogne considéraient surtout la forêt comme le lieu de leur chasse aux cerfs, sangliers et chevreuils.
La conférencière nous révèle qu'existait, à Aisey, un parc peuplé de daims. Ces animaux étaient uniquement destinés à être remis en cadeaux aux invités des Ducs de Bourgogne.
Mais dans la forêt ducale il y avait des nuisibles !
C'était le cas du loup, mais aussi du lynx et des rapaces (autres que ceux que l'on utilisait pour la "chasse au poing", ou fauconnerie)
Le loup était chassé de différentes façons , par exemple avec le "hausse-pied" :
On le piégeait aussi par des rets ou panneaux, on mettait des aiguilles à l'intérieur de charognes pour qu'ils les avalent et en meurent, on utilisait aussi des sortes de labyrinthes où on attirait l'animal en y versant du sang qui le conduisait vers une proie :
La forêt ducale était bien sûr source de conflits entre les Ducs et les villageois, ceux ci faisant des coupes illicites, des déprédations etc....
.Les peines prononcées contre les accusés étaient très lourdes.
Et puis il y avait aussi....le braconnage !
Sur l'image ci-dessus, le braconnier tient son chien en laisse mais quelquefois ce n'était pas le cas ! Corinne Beck nous cite le cas d'un frère convers de l'abbaye de Châtillon qui fut trouvé "menant chien à brandon "(détaché), il fut condamné à une amende de 3 francs (ce qui était énorme à l'époque)
Le braconnage était souvent organisé pour fournir des restaurants, des particuliers...
Mais le ramassage d'animal d'épave était lui aussi condamné.
Madame Beck conclut sa conférence ainsi :
Les forêts bourguignonnes des Ducs avaient un très fort potentiel des ressources
Elles étaient gérées avec une exploitation maximale et multifonctionnelle
Les forêts ducales étaient un milieu essentiel pour l'économie paysanne
Mais la gestion ducale s'inscrivit peu à peu et toujours plus dans une économie de marché.
Beaucoup d'applaudissements saluèrent la conférencière, son exposé fut passionnant et très riche d'enseignements, merci à elle !
Corinne Beck avait apporté différents ouvrages sur le sujet de la conférence, les voici :
Nota Bene :
-Madame Beck s'est servie pour illustrer son exposé de gravures du "livre de la chasse" de Gaston Phébus et de celles d'autres manuscrits, je les ai donc utilisées moi aussi.
-Vous avez dû remarquer, qu'à côté de la conférencière, on pouvait admirer un costume d'apparat magnifique.
C'était celui de l'aïeul de Joël de Pougnadoresse, Pierre Botot de Saint Sauveur, qui était Conseiller, garde du roi, garde-marteau en la maîtrise particulière des Eaux et Forêts de Châtillon sur Seine.
Je consacrerai bientôt un article à ce vêtement de toute beauté conservé précieusement par la famille Sorbier de Pougnadoresse jusqu'à nos jours.
Il ne manque , hélas, que le chapeau, nous confie monsieur de Pougnadoresse qui pense que ce devait être un bicorne.
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