-
La conférence de François Poillotte sur les évêques de Langres, a beaucoup intéressé les amateurs d'Histoire locale....
Par Christaldesaintmarc dans -La Société Archéologique et Historique du Châtillonnais le 16 Décembre 2021 à 06:00Société Archéologique et Historique du Châtillonnai
La salle des conférences du Musée du Pays Châtillonnais était pleine à craquer pour écouter François Poillotte évoquer plusieurs grandes figures de l'évêché de Langres, dont certains membres eurent un lien important avec notre Châtillonnais.
François Poillotte a eu l'extrême générosité de me confier le texte de sa conférence et m'a permis de le publier, merci à lui !
Les évêques de Langres de la fin du XIème siècle au début du XIIIème siècle et leur implication dans le Châtillonnais.
Le diocèse de Langres aux XIè, XIIè et au début du XIIIème siècles
Le diocèse de Langres n’est plus aujourd’hui ce qu’il a été autrefois.
Au Moyen Âge, il était l’un des plus importants et des plus puissants du royaume de France.
Le siège épiscopal était presque toujours réservé à des grands féodaux régionaux, comme Robert 1er de Bourgogne, frère des ducs de Bourgogne capétiens, Hugues 1er et Eudes 1er (XIè-XIIè s.).
Les évêques de Langres devinrent à la fin du XIIème siècle, pairs de France, rare privilège qui leur permettait d’assister au couronnement des rois de France.
Les prélats qui se succédèrent à la tête du diocèse de la fin du XIè s. au début du XIIIè s. furent très impliqués dans la mise en place de la réforme grégorienne, du nom de son principal artisan, le pape Grégoire VII (1073-1085).
Si cette réforme concernait principalement le clergé séculier, le clergé régulier emboita le pas par un retour à plus de rigueur dans la vie monastique.
Ce renouveau monastique se traduira localement par la naissance durant cette période de monastères dont les évêques de Langres furent les grands bienfaiteurs (Molesme, Chartreuse de Lugny, N.D de Châtillon, Val-des-Choux…)
Le diocèse de Langres aux XIè, XIIè et au début du XIIIème siècles
Ce diocèse créé au IVème siècle, était l’un des plus importants et des plus puissants du royaume de France
Au Moyen Âge, il s’étendait au département actuel de la Haute Marne,sur une grande partie de la Côte d’Or, sur une partie sud de l’Aube et la partie est de l’Yonne. Il sera divisé en 1731, en vue de la création du diocèse de Dijon.
Six archidiaconés se partageaient a cette époque ce vaste territoire
1) le Langrois ou Grand archidiaconé
2) le Dijonnais
3) leTonnerrois
4) le Barrois
5) le Lassois
6) le Bassigny.
Ces archidiaconés étaient eux eux-mêmes divisés en doyennés.
L’archidiaconé du Lassois comprenait le doyenné de Bar-sur-Seine et celui de Châtillon-sur-Seine.
Jusqu’en 1163 l’archidiaconé du Lassois n’était qu’un doyenné, le doyenné du Laçois ou Lassois, qui fut démembré, en deux doyennés, celui de Bar-sur-Seine et celui de Châtillon.
En 1162, dans une charte constatant la cession au profit de l’abbaye de Clairvaux, par plusieurs curés, de dîmes qu’ils percevaient, on voit encore paraître Hugues de La Chaume, doyen du Lassois, qui portera le titre, dans une autre charte de 1163 de doyen de Châtillon.
Les deux doyennés issus de cette division subsisteront jusqu’à la fin de l’Ancien Régime
Au XIIè siècle, le diocèse de Langres devint un duché pairie, ses évêques étant à la fois ducs et pairs de France.
La pairie leur a été attribuée par le roi de France Louis VII dit le Jeune (roi de 1137 à 1180).
Rappelons que la paierie était composée des grands officiers, vassaux directs du roi.
Cet office leur permettait d’assister au sacre des rois d France.
Le titre de duc leur a été attribué par Philippe Auguste.
Le duc de Bourgogne, Hugues III fera donation à son oncle, l’ évêque de Langres, Gauthier de Bourgogne, du comté de Langres.
Au XIIème siècle, l’évêque devait être élu par « le peuple et le clergé » conformément au droit canonique.
Mais en réalité et dans la pratique, le collège électoral était beaucoup plus restreint et se limitait souvent au seul chapitre cathédral.
Le chapitre cathédral était une puissance avec laquelle il fallait compter à cette époque.
Il disposait d’un patrimoine propre, indépendant de celui de l’évêque.
Ces biens étaient répartis et possédés en propre par chacun des chanoines.
Le nombre de chanoines composant le chapitre cathédral a varié au cours des siècles.
En 1281 ils étaient 48.
Le doyen occupait la première place dans l’ordre hiérarchique, le trésorier, la seconde.
L’archidiacre de Langres ou grand archidiacre occupait la troisième place.
Les évêques que nous allons étudier maintenant, ont exercé leurs fonctions durant la réforme grégorienne, du nom de son principal artisan, le pape Grégoire VII, qui s’étend de la seconde moitié du XIème siècle et dont on peut situer la fin avec la naissance des ordres mendiants (notamment Franciscains en 1209 et dominicains en 1215) dans le premier quart du XIIIème siècle.
Cette période verra la naissance de nombreux ordres monastiques.
Sur les douze évêques que nous verrons, neuf d’entre eux proviennent du clergé séculier dont huit sont issus du chapitre cathédral de Langres et un de celui de Châlons (en Champagne).
Les trois restants proviennent du clergé régulier.
Reynard de Bar-sur-Seine, de son vrai nom Hugues Renaud de Bar-sur-Seine, était le fils de Milon III, comte de Tonnerre et d’Azeka, comtesse de Bar-sur-Seine. Lorsqu’il hérita des comtés de Tonnerre et de Bar-sur-Seine, il était déjà clerc et chanoine du chapitre cathédral de Langres et il devint grand archidiacre. Il délaissa le comte de Bar à sa sœur.
En 1065, il succédera à la tête de l’évêché de Langres, à son cousin, Harduin de Tonnerre qui venait de décéder.
Il fut l’un des premiers bienfaiteurs de l’abbaye bénédictine de Molesme qui venait d’être fondée, le 4ème dimanche de l’avent de l’année 1075 (20 décembre 1075), sur un coteau boisé donné par Hugues de Maligny et les membres de sa famille.
Il n’a pas eu, quelques années plus tôt la même bienveillance à l’égard de l’abbaye bénédictine de Pothières, fondée en 863. Cette abbaye bénéficiait de l’exemption, c’est-à-dire qu’elle relevait directement de l’autorité du Saint Siège et non de celle de l’ordinaire diocésain. Raynard cherchera à lutter contre cette situation et essaiera à plusieurs reprises de la soumettre à son autorité, sans succès. En 1069, il s’emparera par la force de l’abbaye de Pothières, la pillera et l’incendiera. Pour ces exactions, le pape Alexandre II, prononcera l’anathème contre le prélat. Il sera relevé de cette sanction, à la suite de l’intervention d’Humbert, abbé de Pothières.
C’est sur la terre de Sèche-Fontaine, donnée en 1081, par l’évêque Reynard et Jean de Ligny-le-Chatel à l’abbaye de Molesme, que s’installera saint Bruno, fondateur de l’ordre des chartreux, avant de rejoindre la Grande Chartreuse dans les Alpes en 1083 ou 1084.
En 1084, Reynard, soucieux de pourvoir à la dotation de Molesme, encore insuffisante, autorisa solennellement ses clercs et ses vassaux à se dépouiller de leurs églises et des fiefs qu’ils tenaient de lui.
Reynard de Bar est décédé le 3 ou le 5 Avril 1085. Son successeur sur le siège épiscopal de Langres sera Robert 1er de Bourgogne.
Molesme...
et son abbaye :
Plan de l'abbaye de Pothières :
Robert était le frère des ducs d Bourgogne Hugues 1er, qui délaissa le duché pour se retirer comme moine à l’abbaye de Cluny en 1079 dont il devint le prieur, et de Eudes 1er, mort à Tarce, en Cilicie, en 1103.
Il deviendra grand archidiacre avant d’accéder au siège épiscopal de Langres en 1085.
Il fut comme son prédécesseur, un bienfaiteur de Molesme. Son affection pour cette abbaye fut telle qu’il demandera à y âtre inhumé.
C’est Guy de Chatel-Censoir, successeur de saint-Robert, comme abbé de Molesme, qui remettra l’habit de saint Benoît à l’évêque Robert, lors de son agonie à l’automne 1111, au château de Châtillon où se trouvait le prélat.
Cette prise d’habit in extremis eut lieu en présence des principaux abbés du diocèse.
A son décès, le 19 octobre, il sera inhumé dans la salle du chapitre de l’abbaye de Molesme.
A l’occasion de ses obsèques, sa sœur Béatrix, épouse de Guy III de Vignory, fit aumône à Molesme, des églises de Saint Marcel du Mont Lassois et de Saint-Didier de Montliot.
Son sceau :
(et non de Briançon comme on peut le lire dans certains articles historiques)
Joceran appartenait à la famille Gros de Brancion, qui fut bienfaitrice de l’abbaye de La Ferte, première fille de Cîteaux, fondee en 1113.
Ce petit village médiéval est situé en Saône et Loire, entre Tournus et Charolles.
Joceran de Brancion n’apparait comme évêque que deux ans après le décès de son prédécesseur.
Il était antérieurement archidiacre de Langres et on suppose que son élection sur le siège épiscopal a été différée à la suite d’une opposition du chapitre cathédral.
Il aurait été désigné comme évêque par son prédécesseur, et cette désignation aurait déplu aux chanoines, comme portant atteinte à leurs droits.
C’est sous son épiscopat qu’ont été fondées les quatre premières filles de Cîteaux dont deux relevaient de son diocèse, Les abbayes de La Ferté, en Saône-et-Loire actuelle (Diocèse de Chalon), en 1113, Pontigny dans celui de l’Yonne, (Diocèse d’Auxerre) en 1114, Clairvaux dans celui de l’Aube, en 1115 et Morimond en Haute Marne, la même année (tous deux dans le diocèse de Langres.
C’est également sous son épiscopat que naquit l’abbaye de Fonfenay, en 1119.
C’est devant Joceran de Brancion, évêque de Langres, Hugues II, duc de Bourgogne et Miles II, comte de Bar-sur-Seine que comparaîtront à Châtillon-sur-Seine, en 1125, Guy de Chatel-Censoir abbé de Molesme et Miles de Frolois, connétable de Bourgogne pour un litige existant entre eux.
A l’occasion de ce plaid, le connétable renoncera à ses prétentions sur la seigneurie de Collan, aliénée depuis plus de 30 ans au profit de l’abbaye de Molesme.
Il démissionne en 1125 et se retire parmi les chanoines réguliers de Saint-Etienne de Dijon, où il meurt le 17 avril 1126 (ou le 16 août pour certains historiens).
Celui que saint Bernard appelait son oncle fut évêque de Langres de 1125 à 1136
Selon le chanoine Maurice Chaume, Vilain était un frère utérin de Tescelin et donc le propre oncle paternel de l’abbé de Clairvaux.
Sa mère aurait donc été Eve de Grancey dite aussi Eve de Châtillon, veuve en premières noces de Tescelin le Roux et épouse en secondes noces de Foulques d’Aigremont; seigneur de Serqueux.
Pour d’autres, Vilain serait issu d’un précédent mariage de Foulques d’Aigremont et sa parenté ne serait que le résultat de l’alliance ultérieure de ce dernier avec Eve.
Si cet évêque était “loué et estimé” par saint Bernard selon les dires de l’abbé Roussel, il n’en fut pas toujours ainsi.
Les appréciations de l’abbé de Clairvaux n’ont pas été toujours aussi élogieuses.
Loin s’en faut.
Qu’on en juge par cette phrase extraite d’une lettre adressée par Bernard à Foulque, neveu de Vilain :
« que dire de la canaillerie d’un oncle qui va débaucher ses neveux de l’armée du Christ pour les entrainer dans l’enfer avec lui. »
Ce Foulque dont il est question, était entré dans une maison de chanoines réguliers et en était sorti après que son oncle lui ait obtenu le poste de Chancelier de Langres.
A cette époque, Vilain était archidiacre et doyen de Saint-Mammès de Langres.
Il est à l’origine de la fondation de l’abbaye d’Auberive en 1135, de même que celle de l’abbaye Notre-Dame de Châtillon, l’année suivante, peu avant sa mort.
C’est sous son patronage et avec son accord que les frères hospitaliers de Longuay adoptèrent en 1136 la règle de saint Augustin et devinrent chanoines réguliers.
Ses relations avec cet oncle devenu évêque de Langres s’étaient beaucoup réchauffées et on connait l’affection que portait l’abbé de Clairvaux pour l’Ordre canonial,
Vilain mourut le 1er ou le 3 août 1136.
Les quatre évêques qui précèdent étaient tous issus du clergé séculier et du chapitre cathédral de Langres, les deux suivants proviennent du clergé régulier.
C’est d’abord Guillaume 1er de Sabran, abbé de Vézelay qui succéda en 1136 à Vilain d’Aigremont.
Son épiscopat fut de courte durée.
Il serait décédé avant d’avoir été sacré.
Avec lui va apparaître l’opposition entre clunisiens et cisterciens
C’est Geoffroy de la Roche Vanneau qui succédera à Guillaume 1er de Sabran sur le siège épiscopal de Langres.
Il appartenait à la puissante famille seigneuriale de la Roche Vanneau près de Venarey-les-Laumes.
Il a parfois été appelé à tort, par quelques-uns, Geoffroy (ou Godefroy) de Rochetaillée (Village de le Haute Marne actuelle).
Par ses origines mais surtout par les nombreuses possessions que la famille détenait à Châtillon et dans ses environs, c'était un "Châtillon".
Sa parenté avec saint Bernard est certaine.
Geoffroy était probablement cousin issu de germain dans la ligne paternelle du saint.
Il eut trois frères et une soeur.
Nous ignorons tout de Nivard, l'ainé de la fratrie.
Gauthier de la Roche, le second, connétable du duc de Bourgogne épousera Aanolz, la veuve de Renard de Montbard, frère d'Aleth et oncle de saint Bernard.
Après le décès de Gauthier, Aanolz prendra, en 1128 le voile et se retirera dans le prieuré de Jully-les-Nonnains dont la supérieure n'était autre qu'Hombéline, la soeur de l'abbé de Clairvaux.
Régnier de la Roche, l'avant dernier des garçons, sénéchal de Bourgogne, épousera quant à lui, Comtesse appelée également Mélisende, qui était la fille de Renard et d'Aanolz.
Régnier participera avec son frère Geoffroy, devenu évêque de Langres, à la seconde croisade en 1147 au cours de laquelle il disparaîtra.
Agnès, la sœur, deviendra la première supérieure de l'abbaye bénédictine du Puits d’Orbe
Geoffroy fit partie du groupe des 30 compagnons qui se présentèrent avec saint Bernard à la porte de Cîteaux au printemps 1113.
Il y fit son noviciat sous l'abbatiat d'Etienne Harding.
Deux ans plus tard, le 25 juin 1115 on le retrouvera parmi les douze moines guidés par Bernard venus fonder, dans le Val d’Absinthe, la troisième fille de Cîteaux.
Il ne restera pas longtemps à Clairvaux, puisqu'il partira en 1119 à la tête d'une colonie de douze moines envoyés par Bernard fonder Fontenay, près de Montbard, la deuxième fille de Clairvaux (après Trois Fontaines, dans le diocèse de Châlons, en 1118).
Pour des raisons assez obscures, Geoffroy va résigner ses fonctions d'abbé de Fontenay, en 1126 pour revenir à Clairvaux.
Par ses qualités d'administrateur, Bernard le désignera en 1126, comme prieur en remplacement d'Humbert, parti fonder Igny à la tête d'un essaim de douze religieux sortis de la grande abbaye.
Il sera à l’origine de la construction de Clairvaux II, en 1135. il ne reste aujourd’hui de l’ensemble que le beau bâtiment réservé aux frères convers, qui constituait l’aile occidentale du cloître.
L’élection sur le siège de Langres va mettre en lumière, par personnes interposées, l’opposition existant entre moines blancs et moines noirs, entre cisterciens et clunisiens, entre saint Bernard et Pierre le vénérable, abbé de Cluny.
Nous l’avons dit, au XIIème siècle, l’évêque était élu par « le peuple et le clergé » conformément au droit canonique.
Mais en réalité et dans la pratique, le collège électoral était beaucoup plus restreint et se limitait souvent au seul chapitre cathédral.
Le choix des chanoines va d’abord se porter sur un moine de Cluny dont on ignore le nom.
Il aurait obtenu l’approbation de l’archevêque de Lyon et le consentement de l’abbé de Cluny, Pierre le Vénérable.
L’abbé de Clairvaux va contester ce choix qui s’est porté sur un candidat indigne à ses yeux.
Selon lui, l’archevêque de Lyon n’aurait pas respecté un accord conclu avec lui en vertu duquel ils se seraient entendus sur deux noms acceptables par l’un et par l’autre et parmi lesquels serait choisi l’évêque.
On ne sait si Geoffroy de la Roche Vanneau fut l’un d’eux mais c’est lui qui sera désigné comme évêque sous la pression de saint Bernard qui va imposer son choix au pape, au roi, et à…l’abbé de Cluny, après avoir obtenu l'annulation de l'élection du candidat clunisien.
Bernard, avec une mauvaise foi évidente et un certain cynisme, se plaindra du choix de Geoffroy, qui le privait d’un si précieux collaborateur.
Mais tel était l’abbé de Clairvaux, peu regardant sur les moyens à utiliser pour parvenir à ses fins.
A peine installé, il prit la décision de reconstruire le cathédrale Saint Mammès de Langres dont les travaux furent entrepris dès 1140.
En 1142, deux filles d'André de Beaudement, sénéchal du Comte de Champagne, parent de l'abbé de Clairvaux par sa mère, prirent le voile à Jully-les-Nonnains.
C'est Geoffroy et Bernard qui leur remirent l'habit.
Il n'oublia pas son abbaye de Fontenay dont il fut le premier abbé et le fondateur, en lui consentant la donation de la grange de Bergerosses sur Poiseul la Grange.
Il a été présent à la prédication de la seconde croisade faite par saint Bernard à Vézelay, le jour de Pâques 1146.
Il participa à la croisade ce qui l'empêchera d'assister à la dédicace de l'abbatiale de Fontenay par Eugène III, le 21 septembre 1147, en présence de nombreux prélats et certainement de saint Bernard.
En 1149, l’abbaye de Longuay, sur le territoire de la Commune d’Aubepierre qui relevait jusqu’alors de l’ordre canonial, sera rattachée à Cîteaux dans la filiation de Clairvaux sous l’action conjointe de l’évêque de Langres, Geoffroy, de saint Bernard et du pape Eugène III.
Le duc de Bourgogne, Eudes II, accorda en 1150, aux religieuses du Puits d’Orbe, les dîmes d’Aignay et de Beaunotte.
C’est par l’entremise de Geoffroy qu’eut lieu cette concession au profit des moniales.
Geoffroy résigna ses fonctions d’évêque en 1163 pour revenir comme simple moine à Clairvaux.
Il demandera à occuper la cellule qui fut celle de saint Bernard.
Geoffroy décédera le 8 novembre 1165 après avoir reçu l’extrême onction de l’évêque d’Auxerre.
Il sera inhumé dans l’abbatiale de Clairvaux.
Son sceau :
Gauthier était le fils du duc de Bourgogne Hugues II, le frère d’Eudes II et l’oncle d’Hugues III.
Destiné à la vie religieuse, il est d’abord chanoine de Langres, puis grand archidiacre, puis doyen du chapitre cathédral de Besançon.
Il sera élu archevêque de Besançon en 1162.
Il ne restera pas longtemps à ce poste, puisqu’il est élu évêque de Langres par le chapitre.
Il est le premier évêque de Langres à porter le titre de pair de France.
Sa qualité de pair lui permettait d’assister au sacre du roi, alors que l’archevêque de Lyon, dont il n’était que le suffragant, ne détenait pas cet office.
Il assistera comme pair, au sacre du roi de France Philippe Auguste à Reims en 1179.
On lui doit la fondation de la Chartreuse de Lugny, sur le territoire de Leuglay en 1172.
Au moment de cette fondation, la Chartreuse reçut divers biens provenant de l’abbaye Saint-Etienne de Dijon, de la commanderie de Bure, de l’ordre du Temple et de l’abbaye cistercienne de Longuay (affiliée à Clairvaux en 1149).
Ces transmissions, qui se réalisèrent par l’intermédiaire et avec le concours de Gauthier de Bourgogne, prirent la forme de donations, où le prélat fut donataire puis donateur.
En réalité, elles furent, pour la plupart d’entre-elles, des échanges, en vertu desquels, les établissements « bienfaiteurs » reçurent des biens en contrepartie de ceux abandonnés.
En 1179, il abandonnera sa charge d’évêque de Langres pour se retirer à Lugny où il décèdera après avoir revêtu l’habit de saint Bruno.
Ses armoiries :
Lui aussi est issu du chapitre de Langres où il a occupé la fonction de doyen avant de monter sur le siège épiscopal en 1179.
Il était le fils de Guy 1er, comte de Bar et de Pétronille de Chacenay.
Il aurait succédé à ses parents, à la tête du comte de Bar-sur-Seine.
Mais il l’aurait abandonné pour embrasser l’état religieux.
En 1190, il participera à la Troisième croisade, en compagnie du roi de France, Philippe Auguste et du duc de Bourgogne, Hugues III.
Il assistera au siège de Saint-Jean-d’Acre.
Il retrouvera à son retour de la Terre Sainte, son évêché.
Il meurt en 1193 et sera inhumé à Clairvaux, conformément à ses souhaits.
C’est un Châtillonnais issu de la puissante famille féodale de Rochefort-sur-Brevon.
Nous sommes peu renseignés sur l’ascendance de Garnier, probablement d’origine champenoise.
Il a d’abord été moine à l’abbaye cistercienne de Longuay, sur le territoire de la commune d’Aubepierre-sur-Aube, dans le département actuel de la Haute Marne où il a fait son noviciat.
Garnier deviendra prieur de Clairvaux, vers 1175, selon l’abbé Roussel, avant d’être élu abbé d’Auberive, en 1180. Six ans plus tard, il succédera à Pierre Le Borgne, décédé le 29 octobre 1186, comme abbé de Clairvaux.
C’est au cours de l’année 1193 qu’il sera sacré évêque de Langres.
Il succédera à Manassès de Bar, décédé cette année-là, à son retour de Terre Sainte.
En tant qu’abbé de Clairvaux, on lui doit la décision de faire édifier à Dijon, le cellier de Clairvaux, après avoir recueilli l’approbation du pape Célestin III (1191-1198), le 6 avril 1193.
Sa vocation première était d’héberger les abbés des différentes abbayes dépendant de la filiation de Clairvaux, qui se rendaient chaque année, à la mi-septembre, à l’abbaye mère de Cîteaux, pouf assister au chapitre général de l’ordre.
Le cellier de Clairvaux est le seul témoignage médiéval qui nous reste aujourd’hui de l’ensemble constituant « le Petit-Clairvaux », dont la plus grande partie est occupée actuellement par la Préfecture, le conseil départemental de la Côte-d’Or et l’hôtel de la région Bourgogne-Franche-Comté
Il sera sanctionné par le chapitre général de l’ordre en 1192, par un blâme, pour avoir laissé l’abbé de Vaucelles, près de Cambrai, dans le nord, abbaye dont Garnier était le père immédiat, édifier une abbatiale qui était la plus vaste de celles des abbayes de l’ordre avec 134 mètres de longueur et 60 mètres de largeur.
L’abbé de Vaucelles sera destitué pour avoir enfreint les règles de modestie et de pauvreté en vigueur dans l’ordre.
Parmi les nombreux bienfaits qu’il consentit, on relève cette donation qu’il fit en 1193 ou1195 au prieuré du Val-des-Choux qui venait d’être fondé, d’un muid de blé à prendre sur les terres de Châtillon et six muids de vin sur les dîmes de Mussy.
En 1197, c’est une donation faite aux frères d’Auberive des tierces et dimes, rentes et coutumes, et de toutes les possessions et terres que Garnier avait sur le finage de sa châtellenie de Gurgy-le-Château et sur celui de Buxerolles.
Cette libéralité a été rédigée sur parchemin, non signé, mais marqué sur le repli du sceau de Garnier.
Garnier, sera amené à résigner ses fonctions en 1199.
Les chanoines de son chapitre lui reprochèrent de dilapiderles biens de son Église, conséquence de sa trop grande générosité.
Cette situation amena le doyen du chapitre, Hilduin deVendeuvre à saisir le métropolitain, à savoir l’archevêque de Lyon.
Derrière le motif invoqué et en grande partie justifié, transparaissait, semble-t-il, une raison, moins avouable, les ambitions du doyen du Chapitre, Hilduin de Vendeuvre, qui aurait eu des visées sur le siège épiscopal de Langres.
Garnier interjeta appel devant le pape Innocent III (1198—1216).
Invité à s’expliquer devant le souverain pontife en présence des représentants du chapitre, le jour de la Saint-Michel (29 septembre 1198), il ne répondit pas à la convocation du pape, invoquant le prétexte d’un voyage en Terre Sainte, décidé à l’occasion de la tenue du chapitre général à Cîteaux, auquel il aurait, par ailleurs, assisté.
Innocent III ne paraît pas avoir été convaincu par les arguments avancés par Garnier.
Par lettre du 30 décembre 1198, Garnier était invité par le pape à résigner sa charge, et en attendant sa décision, était suspendu tant au spirituel qu’au temporel.
Finalement, Garnier démissionna au cours de l’année 1199 et se retira à Clairvaux où il demeurera jusqu’à sa mort, vers 1235.
Vues de l'ancien château de Rochefort sur Brevon :
Hilduin de Vendoeuvre, le doyen, chef de file des chanoines contestataires, succédera à Garnier sur le siège épiscopal de Langres.
La seigneurie de Vendeuvre-sur-Barse dont il est issu, est située près de Bar-sur-Seine.
Elle dépendait du comté de Champagne et ses seigneurs étaient vassaux du comte de Champagne.
C’est, semble-t-il, avec une certaine réticence qu’Innocent III ratifia l’élection du nouvel évêque, en raison sans doute des ambitions et du comportement d’Hilduin.
Cette ratification n’intervint en effet qu’un certain temps après le départ de Garnier.
Durant la période transitoire, le temporel de l’Église de Langres sera administré par l’évêque d’Auxerre, Hugues de Noyers.
Chanoine, lui aussi, de l’église cathédrale de Langres, il deviendra trésorier du chapitre puis doyen avant d’accéder au siège épiscopal de Langres, en 1204.
Il avait de nombreuses possessions à Châtillon-sur-Seine et à Mussy.
Plusieurs conventions sont passées, notamment une transaction pour la majorie de Chatillon-sur-Seine en 1207, à laquelle il prétendait (juridiction présidée par le maire), passée avec pierre de Châtillon.
Ses prétentions sur cette majorie furent confirmées.
Il participa en 1208 à la croisade des albigeois, en compagnie notamment du comte de Bar.
Il décède à son retour le 20 mars 1209. Ilsera inhumé à Cîteaux.
Ses armoiries :
Issu de la puissante famille de Joinville, il succède à Robert II de Châtillon sur le siège épiscopal de Langres en 1209.
Dès sa naissance, il est destiné à la vie religieuse.
Après avoir enseigné à Paris, la théologie, il est nommé archidiacre de Châlons-en-Champagne, avant de devenir évêque de Langres puis archevêque de Reims en 1219.
Il était l’oncle du sire de Joinville, célèbre historiographe et ami de saint Louis, roi de France.
En tant qu’évêque de Langres, on lui doit localement :
L’acquisition en 1211,sur son frère, Simon de Joinville, avec le consentement du suzerain des lieux, Gautier de Vignory, de la partie sud du village de Saint-Germain-le-Rocheux, qu’on connaît actuellement sous le nom de la « Rue du Chapitre.
Son successeur sur le siège épiscopal de Langres, Hugues
de Montréal, céda, vers 1231 à son chapitre cathédral, ce qu’il détenait sur Saint-Germain-le-Rocheux et sur Mauvilly
Et la fondation en 1218 d’un collège de 12 chanoines à la collégiale Saint-Pierre de Mussy-sur-Seine, alors appelé Mussy-l’Evêque, résidence d’été des évêques de Langres.
Il tombe malade à l’occasion de la croisade des Albigeois où il accompagnait le roi Louis VIII, et décède à Saint-Flour, à son retour, en 1226. Il sera inhumé dans le cimetière des moines de l’abbaye de Clairvaux. On retrouvera sa tombe au cours des travaux qui seront réalisés au XIXème siècle.
(Couronnement de Louis VIII et de Blanche de Castille par Guillaume de Joinville sous le regard du roi de Jérusalem Jean de Brienne. Représentation des Grandes Chroniques de France, XVe siècle.)
Ses armoiries :Conclusion
Pour conclure, à la lumière de ce qui vient d’être dit, on perçoit le lien privilégié qui a existé entre tous ces évêques et les ordres monastiques. Les divers monastères de la région, furent comblés par eux de bienfaits.L’inhumation de beaucoup d’entre eux dans une abbaye traduit l’affection qu’ils avaient pour le clergé régulier. On verra notamment, Robert de Bourgogne, demander à être inhumé à Molesme, Joceran de Brancion à l’abbaye Saint-Etienne de Dijon, Gauthier de Bourgogne à la Chartreuse de Lugny, Geoffroy de la Roche Vanneau, Garnier de Rochefort, ou encore Guillaume de Joinville à Clairvaux, Robert II de Chatillon à Cîteaux.
Merci à François Poillotte pour cette conférence très enrichissante qui fut très applaudie , et pour son extraordinaire érudition !
-
Commentaires
1auxoiseMardi 7 Décembre 2021 à 10:11j 'attends de lire un compte rendu sur le blog , car le Semurois ( culturel) est très dense ce samedi ... l évêché de Langres a sa frontière avec celui d Autun, tout proche d'ici , l'Armançon au NO?
Ajouter un commentaire
merci pour ce magnifique apport, c est aussi passionnant que les auditeurs aient été nombreux à cette conférence