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"La chapelle de la commanderie d'Epailly", un notule d'histoire de Dominique Masson
Par Christaldesaintmarc dans -Les "Notules d'histoire" de Dominique Masson le 4 Octobre 2023 à 06:00Notule d’histoire :
La chapelle de la commanderie d’Épailly
Le domaine d’Épailly est aujourd’hui un grand domaine agricole, c’est un groupement foncier agricole spécialisé dans le secteur d’activité de la culture des céréales et des graines et la gérante est madame Elisabeth Freifrau Hiller von Gaertringen.
Figure 1 : le domaine d'Epailly vu d'avion (© Jean Ponsignon)
Épailly se trouve sur la commune de Courban, mais c’était autrefois une commanderie templière, attestée dès 1200.
Très vite, les dons affluèrent et lesTempliers acquirent des terres adjacentes.
De l’époque du Temple, subsistent la chapelle et une cave à usage de cellier.
Ce dernier est formé de deux vaisseaux de trois travées sur croisée d'ogives retombant sur des piliers cylindriques sans chapiteaux.
Selon monsieur le professeur Demurger, Épailly est un remarquable exemple de ce qu’étaient une maison et un domaine de l’arrière templier.
Figure 2 :La chapelle Saint-Georges (©Jean Ponsignon)
Figure 3 :Le cellier vers 1990 (© D.Masson)
Après l’arrestation des Templiers et la disparition de cet Ordre en 1312, les biens de la commanderie furent dévolus à l’ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem (appelé après 1530 l’Ordre de Malte) et cette commanderie devint rapidement et durablement une chambre prieurale du grand prieur de Champagne, c’est-à-dire qu’elle fut attachée à la dignité du grand-prieur, résidant à Voulaines.
Isolée, le duc de Bourgogne Philippe de Rouvres accorda l’autorisation de fortifier la commanderie en 1360.
Il reste ainsi de l’époque des Hospitaliers une tour de défense et des traces d’une courtine dans la haute cour ; en outre subsistent une grange à la charpente imposante et un colombier.
Figure 4 : la tour de défense, construite par les Hospitaliers; état vers 1990. A remarquer les fenêtres bouchées de la chapelle (©D.Masson)
Figure 5 : le pigeonnier, état actuel (© D.Masson)
Vendu à la Révolution comme bien national et devenu depuis exploitation agricole et ferme, le domaine subit de nombreuses transformations.
Plusieurs bâtiments disparaissent dans la basse-cour et font place à des écuries et des étables.
Dans la haute-cour, le châtelet disparaît, le logis du prieur est transformé en 1847 en maison d’habitation, les fossés sont remblayés, la chapelle est adaptée à son nouvel usage agricole, ses baies sont occultées et un passage charretier est ouvert au nord.
Figures 6 et 7 :Epailly en tant que ferme au début du XXème siècle (cartes postales collection Jean Millot)
Figure 8 : Nesle Eugène : album pittoresque de l'arrondissement de Châtillon sur Seine 1855
Figure 9 : l'intérieur de la chapelle vers 1910 (collection D.Masson)
Figure 10 : La cour de la ferme d'Epailly vers 1960 (carte postale collection Jean Millot)
C’est en 1938 que la famille de madame Hiller von Gaertringen acquit le domaine d’Épailly.
Madame Elisabeth Hiller von Gaertringen, l’actuelle propriétaire, a eu à cœur de sauver les bâtiments des Templiers et, en particulier, la chapelle, en créant une association, en 2000, les amis de la commanderie d’Épailly.
Figure 11 : Madame Hiller von Gaertringen (© D.Masson)
La chapelle est, en effet, unique dans son genre.
Connue sous le vocable de Saint Georges, elle frappe d’abord par ses dimensions, car elle fait 32 mètres de longueur sur 10 m. de large, avec une hauteur sous clef de voûte de 10,50 m, et ensuite par la qualité de son exécution.
C’est un édifice caractéristique du premier art gothique bourguignon, présentant une unité de construction parfaite, car elle date dans son ensemble du début du XIIIe siècle.
Elle faillit disparaître une première fois après 1768, lorsque le régisseur de l’Ordre de Malte ne souhaita plus en conserver le chœur, mais il ne fut heureusement pas suivi.
En 1884, le propriétaire de l’époque émit l’intention d’en faire une carrière, mais la chapelle fut cette fois sauvée par la Commission des Antiquités de la Côte d’Or et inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1925.
Au cours du XIXe siècle, la chapelle servit pour entreposer la paille et ranger le matériel agricole.
Au XXe siècle, des silos à grain furent érigés à l’intérieur de la chapelle, tandis que le sol était bétonné et rehaussé d’un mètre, car une partie des voûtes s’était effondrée (puis, à la suite de la grande sécheresse de 2003, les voûtes de la dernière travée se sont aussi effondrées en 2004).
Figure 12 : La charpente de la chapelle vers 1990 avec les silos à grain et l'absence de voûtes (collection D.Masson)
Figure 13 : les restes des voûtes d'ogive, déposées au fond de la chapelle (© D.Masson)
Aujourd’hui, la chapelle, orientée, se présente comme un édifice à nef unique, sans transept ni clocher subsistant (une chapelle sur plan barlong de deux travées, dite Tour Saint Jean, lui a été accolée en façade sud).
Figure 14 : la chapelle Saint-Georges, côté nord (©D.Masson)
Figure 15 : Plan de la chapelle Saint-Georges avant la restauration des voûtes (au sud la tour Saint-Jean)
La façade a subi plusieurs transformations ; le portail, en plein cintre, est caractéristique du gothique bourguignon ; au-dessus, le mur pignon est percé de trois baies surmontées, au niveau des combles, d’une lucarne ; des modillons bourguignons courent sous la toiture.
Figure 16 : la façade de la chapelle (©D.Masson)
A l’intérieur, la nef comporte trois travées doubles ; les voûtes d’ogive sexpartites reposent alternativement sur trois colonnettes jumelles engagées et sur des colonnettes simples, correspondant aux supports forts et faibles.
Les unes et les autres retombent sur des chapiteaux à crochets (avec un décor de feuillages et des restes de polychromie) et des culots présentant des motifs géométriques simples ou des têtes, les culots s’arrêtant sur un bandeau horizontal à miétage.
Figure 17 : Un chapiteau avec restes de polychromie (© D.Masson)
Figure 18 : une tête sculptée (©D.Masson)
Figure 19 : les nouvelles voûtes de la chapelle (©D.Masson)
La nef est nettement séparée du chœur par un arc doubleau reposant sur deux colonnes qui, contrairement à celles de la nef qui s'arrêtent à mi-hauteur des murs, se prolongent jusqu'au sol.
Ce chœur est formé d'une demi-travée et d'un chevet à cinq pans dont la clé de voûte est sculptée d'une double rosace dont le bord occidental présente un visage, probablement d’un templier, regardant vers le portail.
Trois enfeus abritaient les tombes des prieurs de Champagne et commandeurs d’Épailly.Dans les parties hautes du chœur comme de la nef, des baies élancées éclairaient le vaisseau.
Selon M. Jean-Bernard de Vaivre, la chapelle comportait trois espaces liturgiques : tout d'abord le chœur où était célébrée la messe quotidienne ; la nef ensuite, où les frères entendaient les offices et où se tenait, au temps des Hospitaliers, la réunion du chapitre hebdomadaire ; et enfin la salle capitulaire, à la hauteur de la troisième travée de la nef. C’est ce qui explique la longueur tout à fait exceptionnelle de la nef pour une chapelle de cet ordre.
Depuis 2003, l’association a œuvré pour rendre à la chapelle son lustre d’antan.
En 2010, la chapelle a été classée et d’autres parties inscrites
Le samedi 14 juin 2013, le père Paul Houdart, alors curé de Châtillon, consacrait de nouveau la chapelle et bénissait la croix dominant le chœur ; l‘office était animé par le groupe vocal Le Laostic.
Le samedi 2 septembre 2023, une nouvelle étape était franchie, avec la bénédiction des voûtes reconstruites.
Cette opération fut menée à bien par M. Pierre Bortolussi, architecte en Chef des Monuments historiques, avec l’assistance de son associé, M. Antoine Chapuis.
C’est ce dernier qui expliqua d’abord comment fut réalisée cette reconstruction.
Figure 20 : Monsieur Antoine Chapuis, lors de sa conférence (©D.Masson)
Puis le père Hubert de Raynal, curé de Châtillon, bénit les voûtes, avant de concélébrer une messe, avec deux prêtres haut-marnais. Un chevalier de l’Ordre de Malte était également présent.
Figure 21 : la bénédiction des voûtes par le Père de Raynal (©D.Masson)
Figure 22 : L'enfant de chœur, le chevalier de Malte et les trois prêtres allant célébrer la messe (© D.Masson)
La messe fut animée par l’ensemble vocal les Ambrosiniens, sous la direction de M. L’abbé Marc Robin et de M. Jean-Christophe Garandeau.
Figure 23 : L'abbé Marc Robin, fondateur des Ambrosiniens (©D.Masson)
Figure 24 : la partie sommitale du colombier (© D.Masson)
Bibliographie sommaire :
- de Vaivre Jean-Bernard : un établissement méconnu des ordres militaires en Bourgogne ; Compte-rendu des séances de l’année 2003, Académie des inscriptions et belles-lettres ; année 2003, volume 147
- Pallot Eric (architecte en chef des Monuments historiques) : la restauration de l’ancienne commanderie templière d’Épailly en bourgogne-étude et travaux ; La Sauvegarde de l’Art français.
Dominique Masson
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Commentaires
Bravo pour cette reconstruction et encore merci pour ce reportage très intéressant.