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L'histoire du musée de Châtillon sur Seine qui abrita la statue du Bacchus ...jusqu'à son vol en 1973
Histoire du Musée de Châtillon sur Seine
L’idée de créer un musée à Châtillon-sur-Seine occupe les esprits dès au moins l’année 1830, mais il faut attendre 1837, pour que l’idée prenne corps.Lors de la réunion en séance du conseil municipal le 29 mai 1837, il est donné communication de la Liste des dons offerts pour la formation du musée de la ville de Châtillon-sur-Seine.
À la suite de la liste des pièces objet d’un don, il est précisé :
M. Nesle en faisant don de tout ce qu’il possède d’objets d’art susceptible de tenir place dans un musée, désire que celui de Châtillon soit réuni sous le même toit que l’école de dessin, seul emplacement convenable.
Il désire aussi que tous les objets d’art que possède la ville soient mis à sa disposition, sans cela ce serait folie de penser à l’établissement d’un musée, et si le conseil veut bien l’en nommer officiellement directeur gratuit de l’établissement, il s’appuiera de ce titre pour réclamer divers objets d’art qui lui ont été promis par des amateurs.
Il fera aussi un appel au désintéressement des artistes de sa connaissance, et essaiera avec l’autorisation qu’il vous prie de vouloir bien lui accorder, de créer à Châtillon une société des amis des arts, afin de venir en aide au musée.
Chaque membre, par une cotisation de 12 francs seulement, permettrait chaque année l’acquisition d’un ou de deux bons tableaux.
On suppose que la société peut atteindre le chiffre de 100 membres, mais à supposer qu’elle ne se compose que de 50 ce serait déjà un puissant appui.
J’ai déjà communiqué le projet à beaucoup de personnes qui l’ont accueilli avec empressement et m’ont dit de compter sur elles. Enfin, messieurs, il croit qu’avec de la persévérance et de la bonne volonté on arrivera en peu de temps à créer un établissement intéressant.
Comme nous voici à l’époque de l’exposition, il vous prie d’écrire au ministre d’État ou plutôt à M. de Niewerkerke afin d’obtenir comme toutes les villes qui ont des musées, quelques dons.
Le chef de l’État encourageant aussi les arts de tout son pouvoir, il vous prie de vouloir bien aussi lui adresser une demande auquel il répondra très certainement.
Vers 1840, dans un bâtiment occupé par la bibliothèque et le collège, rue du docteur Bourée, les premières collections sont présentées dans une ancienne salle de l’école de garçons, puis une salle complémentaire est spécialement construite pour y présenter des peintures, au nombre de douze, en 1857.
(Vue de la salle complémentaire du musée, construite en 1857, lorsque les collections étaient présentées dans un bâtiment occupé par la bibliothèque et le collège, rue du Docteur Bourée - 1933.)
En 1852, les collections s’enrichissent du legs du maréchal Marmont.
(Exposition des pièces de collection du legs Marmont dans la salle complémentaire du musée - 1933.)
Des ex-voto gallo-romains mis au jour à Essarois (fouilles d’un temple antique au lieu-dit La Cave) donnés par Victorine de Chastenay, les objets collectés lors des fouilles du tumulus du Bois de Langres et celui de la Garenne à Sainte-Colombe, donnés par M. Maître-Humbert, complètent les premières collections.
La création de la Société archéologique du Châtillonnais est approuvée par arrêté du préfet de Côte d’Or, le 17 novembre 1880.
Les 68 membres fondateurs sont exclusivement des hommes.
Le président est Victor Deheurle, sous-préfet de l’arrondissement de Châtillon, le vice-président, Louis Cailletet, membre de l’Institut, le secrétaire, Charles-François Boutequoy, médecin, le secrétaire -adjoint, M. Gardrat, directeur de la sucrerie de Châtillon, et le trésorier, Girard, receveur des finances à Châtillon.
L’article 9 des statuts de l’association est ainsi rédigé :
Les archives de la société, les livres, les dons de toutes sortes appartenant à la société, les découvertes faites dans les fouilles seront déposées dans la Bibliothèque ou dans le Musée de la ville de Châtillon ; tous ces objets seront groupés à part, porteront le nom de la Société et perpétueront le souvenir de ses travaux.
Dès 1881, la toute nouvelle Société archéologique du Châtillonnais entreprend des démarches pour que cette présentation informelle obtienne le statut de musée d’arrondissement.
Des collections étaient rassemblées et présentées par des érudits dans une salle à Châtillon depuis les années 1830. En 1881, la toute nouvelle Société archéologique du Châtillonnais, fondée l’année précédente, entreprend des démarches pour que cette présentation informelle obtienne le statut de musée d’arrondissement.
C’est chose faite en 1887 et la gestion de l’établissement est assurée par les membres de cette société savante jusqu’en 1988.
À l’occasion d’une réunion en séance des membres de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, le 8 décembre 1893, Louis Cailletet, membre de l’académie des Sciences, donne lecture d’une note sur les fouilles exécutées à Vertillum (Vertault) en 1893 qui donne quelques informations sur le musée :
Depuis une dizaine d’années, quelques amis des sciences historiques ont formé à Châtillon-sur-Seine une société, qui, à l’aide de modiques ressources provenant de cotisations, de dons divers et d’une allocation du Conseil général de la Côte-d’Or, a pu reprendre des fouilles abandonnées depuis bien des années et acquérir une partie du sol occupé autrefois par Vertillum.
Les efforts de notre société ont été récompensés, car, chaque année, le musée archéologique, que nous avons créé et donné à la ville de Châtillon, s’enrichit de nos découvertes.
À l’instar de toutes les découvertes réalisées à l’époque par la Société Archéologique et Historique du Châtillonnais (SAHC), la statue de Bacchus enfant est exposée au musée municipal de Châtillon-sur-Seine.
En 1926, une proposition de vente de la statue de Bacchus au Musée du Louvre pour financer une partie des coûts d’un nouveau musée.
En quelques années, malgré l’extension de 1857, l’espace pour exposer les collections qui s’accumulent vient à manquer et une réflexion s’engage pour les présenter dans les bâtiments récemment désaffectés du tribunal.
Afin de financer une partie des coûts d’un nouveau musée, Henry Lorimy, conservateur bénévole du musée, propose dans un courrier, en date du 1er décembre 1926, adressé à Étienne Michon alors conservateur en chef au Musée du Louvre, de vendre la statue de Bacchus au prestigieux musée parisien :
Je me permets de me rappeler à votre bon souvenir et de venir vous entretenir d’un [?] sujet qui peut être intéressant pour le Louvre et pour nous société archéologique.
Voici ce dont il s’agit. La cité de Châtillon venant d’être rattaché à Dijon – la maison d’arrêt est devenue de ce fait sans emploi.
Ces bâtiments, propriété du Département abritaient jadis l’auditoire royal et seraient à mon avis un cadre parfait pour l’installation d’un musée.
D’après une conversation récente avec le maire [?] il semble que la Ville serait disposée à en faire l’acquisition pour l’usage que je vous indique, mais comme la charge serait trop lourde pour elle seule, j’ai pensé à une combinaison qui pourrait peut-être faciliter cet achat. Ce serait de vendre le Bacchus de Vertault et de remettre à la ville une partie de la valeur suivant les besoins.
Étienne Michon, par un courrier en date du 14 décembre 1926, répond ainsi à cette proposition :
Je comprends votre désir de voir installées vos collections dans un local digne d’elles et si la Société se décidait à se dessaisir de son Bacchus pour se procurer des ressources, il est certain que sa place serait toute désignée au Louvre.
Vous savez malheureusement que pour les acquisitions de quelque importance – et cela de plus en plus – nous sommes dans l’obligation de demander les crédits à un Conseil des Musées où l’archéologie est réduite à la portion plus que congrue.
C’est ce qui rend difficile de vous fixer par avance le prix que ce Conseil m’autoriserait à vous offrir pour votre beau bronze.
Il me semble pourtant qu’un prix de 30 000 fr. environ pourrait être envisagé et je serais pour ma part très disposé à demander cette somme.
Voilà tout ce que, en l’état actuel, il m’est permis de vous dire. Soyez sûr que de toute façon, si la négociation vous semblait possible, je m’emploierais à la mener à bien.
Pour des raisons qu’il reste encore à découvrir, la transaction n’a pas abouti.
(Vue du musée, rue du Docteur Bourée, en 1933.)
Le musée est épargné par les bombardements allemands de la ville en juin 1940.
Un courrier du conservateur bénévole de l’époque, Jean Lagorgette, adressé à « un cher collègue de musée », en date du 1er janvier 1942, donne des détails sur cet événement :
Moi-même, dès le premier jour [de la guerre], j’ai mis ou fait mettre en caisses et en caves les principaux objets d’art et d’archéologie et des trois églises y compris nombreux vitraux. […]
Étant allés chez ma sœur à Semur le 14 juin 1940, nous n’avons pu rentrer le lendemain, et avons été évacués le surlendemain.
Après une semaine d’absence, Châtillon était au 3/4 détruit par bombardements et incendies ; 380 maisons anéanties, 280 personnes sans abri.
Il ne reste guère plus que les faubourgs.
Le déblaiement du centre tire à sa fin.
Mes collections ne sont pas détruites comme l’a imprimé le Bulletin de la société préhistorique à qui j’avais écrit qu’elles étaient saccagées et qu’il valait mieux ne pas signaler les collections sauvées en totalité ou en partie pour ne pas éveiller certaines convoitises.
Au musée, à la bibliothèque, fenêtres enfoncées par éclats et souffle.
Mais les collections n’ont pas souffert.
En 1949, les collections déménagent et investissent un hôtel particulier de style renaissance, dit maison Philandrier, au cœur de la ville.En 1953, la découverte d’une chambre funéraire inviolée à Vix, de l’âge du fer, dont le luxueux et exceptionnel mobilier intègre le musée, confère une notoriété internationale au modeste musée.
(Carte postale de la statue de Bacchus éditée en 1954)
Progressivement, la maison Philandrier s’avère inadaptée au regard des standards offerts au public dans de plus en plus de musées rénovés.Tout le monde s’accorde alors pour constater le décalage grandissant entre collections prestigieuses et bâtiment sachant que les conditions de sûreté et de sécurité n’y sont nullement garanties.
L’idée de déployer les collections dans un autre lieu que la maison Philandrier fait son chemin et après bien des hypothèses et des rebondissements, la décision d’investir les bâtiments conventuels de l'ancienne abbaye Notre-Dame, en déshérence depuis le début des années 80, suite au déménagement de l'hôpital et de l’hospice, est adoptée.
Les travaux commencèrent en septembre 2007 et le nouveau musée est inauguré en 2009. Les collections se déploient désormais sur 1 200 m2 dans une présentation chronologique, de la Préhistoire au 19è siècle.Le musée, propriété maintenant de la Communauté de Communes, porte le nom de "Musée du Pays Châtillonnais-Trésor de Vix"
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