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L'histoire du moulin de Gomméville par Jean Verniquet (5)
Le temps du repos
A partir de 1958, Marius arrête la mouture de blé et se consacre uniquement à l’alimentation animale. Il fait des tournées régulières dans les villages de la vallée de la Seine et aux alentours.
Il n’y a plus de blé au moulin, sa santé s’améliore (les allergènes auraient-ils disparu ?)
Les occupations ne manquent pas : élevage de moutons, basse-cour, verger, potager et l’admirable jardin fleuri dans la presqu’ile au milieu de la Seine. Les années vont s’écouler paisiblement.
Le moulin est le point de rencontre de la famille et des amis.
Il fait la joie des petits enfants en vacances. Ils peuvent se livrer aux mêmes jeux que leurs parents 30 ans plus tôt, la pêche, les balades en barque et en kayak, les parties de cache-cache dans les étages de la grande bâtisse, derrière les vieilles machines, dans les toiles d’araignées et les crottes de souris.
(Jeux d’été en 1952 : radeaux de joncs sur le bief. De gauche à droite et d’arrière en avant : Jean et Luc Verniquet, Paul Ducharme, JC Bonomi)
Ces radeaux étaient constitués de trois bottes de joncs, assemblées avec deux piquets à tomates. Ces joncs poussaient à foison sur les hauts-fonds sablonneux de la rivière, ils ont totalement disparu au début des années soixante.
La Seine coule… coule….
(la crue de janvier 1955)
En janvier 1955, la Seine se fâche. Le vieux pont tremble sur ses piles, le déversoir et les îlots sont submergés. Le village est inondé. Les Autorités de Dijon viennent voir.
Le pont fait barrage, comme si ses arches n’étaient plus assez hautes. Faut-il le démolir pour en construire un autre ?
Sagement une autre décision est prise : on va curer la rivière. Hélas la raison a ses limites et dans l’été 1959, les pelleteuses attaquent.
Les berges sont rectifiées, les méandres sont comblés, les îlots sont arasés .Même le grand îlot boisé (dit de Saint-Antoine) au-dessus du premier déversoir est éliminé.
Des quantités considérables de matériaux sont enlevées par dizaines de camions en amont du pont.
(Les travaux de curage en 1959)
Aujourd’hui, avec la L.E.M.A. (Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques) un tel saccage ne serait plus possible. Cependant, en affirmant la nécessité de restaurer la « continuité écologique », les vannages, les biefs, les déversoirs des moulins sont en quelque sorte « mis à l’index ».
Ils sont considérés comme des entraves :
-à la libre circulation des organismes aquatiques et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation, leur abri.
-au transfert naturel des sédiments de l’amont vers l’aval.
Un recensement de tous les ouvrages est effectué sur la Seine en 2004.
Des propositions d’intervention chiffrées sont établies pour leur mise en conformité.
Le moulin de Gomméville est inscrit en priorité n°2. Des coûts très importants seront mis à la charge du propriétaire, s’il souhaite maintenir son droit d’usage.
Quel avenir ?
Le site, les vieux murs chargés de souvenirs constituent un patrimoine familial et régional que l’on se doit de préserver, mais l’entretien d’un tel ensemble représente de lourdes charges. Il faut faire en sorte qu’il redevienne productif pour en assurer le financement.
Son potentiel hydro-électrique n’est pas négligeable. Il représente une quantité d’énergie « verte » équivalente à la production annuelle de plus de 3000 mètres carrés de panneaux solaires, dont l’installation est largement soutenue par les pouvoirs publics.
Le prix de l’énergie ne fera qu’augmenter dans l’avenir, un équipement moderne et respectueux des règles de la protection environnementale devrait permettre de dégager des ressources suffisantes.
Toutefois, beaucoup d’eau a coulé sous le pont… Notre famille se disperse en prenant de l’âge, la raison commande de rechercher un successeur capable de prendre la suite.
En décembre 2006, je propose à monsieur le Maire de Gomméville, Jean-Paul Rommel, d’acquérir l’ensemble pour produire de l’électricité, sous la condition que cela s’intègre dans un projet communal qui permettrait d’assurer la pérennité de ce patrimoine. Il accueille très favorablement ma proposition.
Une étude préalable conclut à la faisabilité du projet. L’acte de vente est signé en octobre 2008.
En 2013, 5 années plus tard, la commune de Gomméville n’a pas encore vendu le moindre kilowatt-heure, pourtant son Maire n’a pas ménagé es efforts, de volumineux dossiers ont été préparés, les anciennes turbines ont été démantelées, mais le financement des équipements productifs s’est fait attendre.
Il a fallu d’abord satisfaire aux exigences de la « continuité écologique » sous la conduite du S.I.C.E.C., couler du béton et assembler des cornières métalliques pour construire des passes à poissons et une passerelle d’accès qui me semble loin d’être un chef d’œuvre d’intégration dans le paysage.
(La passerelle devant le vannage amont en 2012)
(Ma mère au même endroit en 1935)
En août 2013, les travaux d’installation de la micro-centrale viennent enfin de débuter.
Si tout va bien la production d’électricité pourra démarrer à la fin de l’année.
(Jean Verniquet, en 2013 )
ET MAINTENANT ?
2004 :
Le S.I.C.E.C fait procéder à une analyse globale des 35 sites hydrauliques sur la Haute Seine (entre Saint Marc et Gomméville) par rapport à leur situation au regard de la « continuité écologique ».
Concernant Gomméville il en résulte l’alternative : 280 000 euros de travaux ou arasement.
2006 :
Jean et Luc Verniquet (les propriétaires) font à la Commune la proposition d’acquérir l’ensemble, sous réserve d’y maintenir une activité d’intérêt général sur le site (production d’énergie électrique renouvelable)
2007 :
Une étude préalable de faisabilité est commandée par la Commune auprès des services compétents (A.D.E.M.E.)
2008 :
Signature de l’acte de vente
2009 :
Démantèlement des anciennes installations du moulin
2010 :
Orientation technologique pour le choix des nouveaux équipements. Préconisation pour une roue à aubes, Système FONFREDE. Son inventeur aurait reçu la médaille Grand Or au Mondial de l’Invention et de l’Innovation en 2004. Le produit a été breveté dans une trentaine de pays dans le monde. Ses performances le rendent compatible avec les exigences de la « continuité écologique »
2011-2012 :
Travaux de mise en conformité écologique du site : réfection du déversoir et de vannage amont. Passerelle d’accès et « passe à poissons » (Financement pris en charge par le S.I.C.E.C.)
2014 :
-Travaux de Génie Civil pour l’installation de l’équipement hydraulique sur le site du moulin.
-Installation du Générateur électrique et raccordement au réseau
-Nouvel Arrêté Préfectoral portant règlement d’eau du moulin dit « Verniquet » en remplacement de l’ancien (qui datait de 1832)
-Financement : 1/3 Région, 1/3 Europe, 1/3 Commune, pour un total de 300 000 euros (non compris les travaux de mise en conformité écologique pris en charge par le S.I.C.E.C.)
2015 :
Des problèmes techniques apparaissent dès les premiers jours qui nécessitent l’ arrêt de l’installation
Aucune intervention du constructeur, donc pas de solution .
Janvier 2019
Les travaux sont terminés depuis 6 ans, la Seine coule, coule...
A ce jour, pour des raisons qui me sont inconnues, l'installation n'a pas encore produit le moindre kWh, elle est à l'arrêt.
Le site semble à l'abandon dans l'indifférence générale.
(Jean Verniquet)
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Commentaires
2GastabocMercredi 15 Janvier 2020 à 14:50Il est incroyable que ce beau projet soit à l’arrêt sans que l'on sache pourquoi. Il s'inscrit pourtant parfaitement dans le contexte de transition énergétique et de revitalisation des territoires ruraux. J'espère que cet article pourra faire réagir et permettre une remise en route de cette belle initiative de M Verniquet.
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Jean VerniquetJeudi 16 Janvier 2020 à 23:09
merci pour votre commentaire.
merci à christaldesaintmarc pour son initiative
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passionnant ,ce pourrait être un livre
merci je me suis régalée
que dire de la triste fin ,remettre en route le projet ?
merci belle journée