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L'Europe de 1929 à 1939 cinquième partie
Voici la fin de la première partie de la conférence de Robert Fries sur l'Europe de 1929 à 1939, qu'il nous a offerte avec tant de générosité.
Robert Fries vous présentera la suite lors d'une conférence de l'Association Culturelle Châtillonnaise qui aura lieu salle des conférences le 14 mars prochain.
Hitler prend le pouvoir et installe la dictature nazie.
Le putsch raté de Munich (9 novembre 1923).
Depuis juillet 1921, Hitler est le chef incontesté du parti national socialiste (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei [1])
Ce parti d’inspiration fasciste repose sur les mêmes bases théoriques que le parti fasciste italien, avec en plus une dimension raciste (supériorité de la race aryenne et antisémitisme poussé à l’extrême).
Il dispose d’une force paramilitaire bien organisée les SA (Sturmabteilung).
Hitler est impressionné par le succès de la marche sur Rome de Mussolini (27-28 et 29 octobre 1922) et se propose de marcher sur Berlin à partir de Munich.
L’Etat est entre les mains des « criminels de novembre ». Il faut s’en débarrasser et instituer un ordre nouveau.
Le gouvernement de Bavière et les chefs de l’armée bavaroise ne sont pas favorables à une insurrection partant de Bavière. Le mouvement devrait partir de Berlin.
Le complot est préparé avec la complicité de Ludendorff, héros de la guerre, ancien chef d’état-major de l’armée impériale.
Il est prévu pour le 9 novembre date anniversaire de l’instauration de la République de Weimar.
Les putschistes, environ 4000 hommes doivent occuper les centres névralgiques de la ville à l’heure où le gouvernement bavarois tient à la Brasserie Burgerbraükeller une réunion publique.
C’est un gouvernement [2] animé par des nationalistes désirant faire sécession, donc des rivaux du parti NSDAP.
A 20h45, Hitler fait irruption un pistolet à la main, entouré d’hommes en armes.
Une mitrailleuse est mise en batterie.
Il annonce le renversement du gouvernement et la création d’un gouvernement provisoire.
Les ministres bavarois présents sont obligés de faire allégeance.
Ludendorff fait une apparition et affirme son soutien au mouvement.
Mais des fautes sont commises : les centraux téléphoniques ne sont pas immédiatement occupés.
Autre erreur, les ministres que l’on avait forcé d’adhérer à l’insurrection – notamment le chef de l’armée bavaroise (général Lossow) - sont autorisés à rentrer chez eux.
Enfin, Hitler a oublié le légalisme de l’armée.
Les ministres rentrés chez eux en profitent pour renier leur allégeance et pour appeler des renforts.
Les troupes régulières et la police restent loyales. Le lendemain, Hitler organise un défilé dans la ville. C’est une démonstration de puissance.
Il est persuadé que l’armée ne tirera pas sur ses hommes.
Au cours du défilé, un incident éclate. Des manifestants sont tués [3] et blessés.
Les autres se débandent. Les chefs sont arrêtés, dont Hitler et Goering.
Hitler passera 13 mois en prison [4]. Ludendorff sera acquitté.
Le régime démocratique montre des signes de faiblesse.
La crise financière a durement frappé l’Allemagne. En 1932 l’Allemagne compte 6.000.000 de chômeurs.
En 1933 un Allemand sur deux n’a pas de travail.
Après le putsch manqué de Hitler en 1922, l’extrême droite est fragmentée.
Le parti nazi est reconstitué dès Hitler sorti de prison. Il ne constitue pas un danger, pense-t-on.
Le régime fonctionne comme une démocratie avec des élections régulières et une alternance entre partis du centre gauche (SPD) et du centre droit (Zentrum, catholique) qui s’allie parfois à droite (DVP, protestant, représentant les intérêts du capital et des grands propriétaires fonciers) ou le centre gauche.
Au demeurant, cette alternance est favorable à la droite (8 ans au pouvoir contre un peu plus de 3 ans pour le SPD)
En février 1925, le président de la République de Weimar, le socialiste Wilfred Ebert, meurt.
Des élections sont organisées en mars pour désigner un successeur.
Les résultats du premier tour donnent gagnant le candidat d’une coalition Centre (Zentrum) – socialiste (SDP) en la personne du centriste catholique Wilhelm Marx.
Les partis de droite se regroupent autour de la candidature du maréchal Paul von Hindenburg.
qui accepte de se substituer à Karl James candidat du Parti Populaire Allemand (DVP), au dernier moment.
A la surprise générale Hindenburg l’emporte, en raison de considérations confessionnelles : il semble alors impossible à nombre de protestants allemands qu’un catholique soit chancelier.
A la tête de la République se trouve alors un homme qui devrait être garant des institutions mais qui ne croit pas à la démocratie et qui rêve de revenir à l’ordre ancien avec un pouvoir fort, n’ayant pas de comptes à rendre à un parlement élu et reposant entre les mains des élites conservatrices et de l’armée.
Cette élection n’est pas de bon augure pour l’évolution démocratique de l’Allemagne.
Autre signe inquiétant pour la démocratie : l’opposition violente et constante des milices nationalistes relevant principalement du NSDAP et des milices relevant du parti communiste.
Les combats de rue incessants et les intimidations des hommes politiques génèrent un climat d’insécurité qui mine l’autorité des responsables démocratiquement élus.
Les élections de mai 1928 marquent une victoire pour les sociaux-démocrates.
Sous la houlette de Hermann Müller [5] un gouvernement de « Grande Coalition » est constitué regroupant les deux partis catholiques et les deux partis libéraux.
Cette coalition trébuche rapidement sur deux dossiers : la construction d’un grand navire de guerre désirée par les industries métallurgiques mais refusée par les sociaux-démocrates[6], et l’augmentation de la contribution patronale à l’assurance chômage proposée par les socio-démocrates.
En mars 1930, après 1 an et 8 mois d’existence [7], ce gouvernement tombe.
La crise économique pousse les ouvriers vers le parti communiste et, dans les campagnes, contribue au désintérêt du monde paysan pour la politique.
Le parti nazi voit ses adhérents augmenter et atteindre 100.000 membres. Les élections locales lui sont favorables.
Hitler accède au pouvoir.
Succédant à Hermann Müller en mars 1930, Heinrich Brüning [8]
s’efforce de lutter contre la crise financière.
Il propose de réduire les dépenses publiques, ce que le Reichstag refuse.
Alors il décide de gouverner avec des « décrets présidentiels [9] », ce qui correspond bien aux souhaits de l’élite conservatrice et à ceux du maréchal Hindenburg, chef de l’Etat.
En septembre 1930, le Reichstag est dissous.
Les élections sont favorables au parti nazi qui avec 18,3% des voix dispose de 107 sièges au Reichstag et devient le second parti du Parlement.
Brüning demeure chancelier jusqu’au 30 mai 1932.
A son actif, la conférence de Lausanne qui met pratiquement fin au paiement des réparations.
En revanche les dispositions déflationnistes (baisse des traitements des fonctionnaires, réduction des indemnités de chômage, baisse des salaires, baisse des loyers) qui devaient améliorer la compétitivité des entreprises et faire démarrer l’économie ne firent qu’aggraver la situation de l’emploi.
Sur le plan des affaires intérieures, Brüning fait interdire les milices nazies, les SA [10] et SS [11].
En avril 1932 Brüning réussit à faire réélire Hindenburg à la tête de l’Etat, mais avec le concours des socialistes du SPD que le vieux maréchal déteste.
Hitler est également candidat.
Au 1er tour il a 30% des voix et Hindenburg 49% ; au second 36% et Hindenburg 53%.
Pour Hindenburg, Brüning a rempli sa mission : le faire réélire et mettre en place une procédure expéditive, les ordonnances, permettant de ne pas passer par la voie parlementaire. Brüning peut disparaitre.
L’interdiction des SA et SS signe la fin du gouvernement Brüning.
Un gouvernement von Papen [12] (juin-novembre 193) est formé
C’est le « Gouvernement des barons » - donc une politique de droite - qui se montre incapable de faire régner l’ordre.
L’interdiction des SA et SS est abrogée.
Le Reichstag est à nouveau dissous (31 juillet 1932).
Les élections donnent au NSDAP 37% des voix et 230 sièges au Reichstag.
Le parti d’Hitler est le premier parti, mais ne dispose pas d’une majorité
Hindenburg refuse de nommer Hitler Chancelier.
Dès sa deuxième séance, le 12 septembre, le parlement est dissous, faute de majorité
Aux élections de novembre les nazis perdent quelques électeurs (33% des suffrages et 196 sièges) mais demeurent le premier parti.
Von Papen démissionne (décembre 1932) et le général Schleicher le remplace
Il cherche à provoquer une scission au sein du parti nazi en proposant à Strasser le poste de vice chancelier.
Il est abandonné par l’armée.
Le 30 janvier c’est enfin Hitler qui est nommé Chancelier, le maréchal Hindenburg ayant cédé aux pressions de von Papen et de son entourage immédiat, notamment son fils, le futur général Oskar von Hindenburg.
[1] Parti fondé à Munich en 1920. Hitler se distingua par ses talents d’orateur de de tacticien sachant utiliser la propagande et la force. Munich est devenu le point de ralliement d’anciens militaires écœurés par le diktat de Versailles et terrifiés par la brève révolution marxiste.
[2] La Bavière est entre les mains d’un triumvirat composé de Gustav von Kahr (chef du gouvernement), Otto von Lossow (chef de la région militaire), Hans Ritter von Seisser (chef de la police). Von Kahrsera une des victimes de la Nuit des Longs couteaux en juin 1934.
[3] 16 tués du côté des manifestants ; 4 du côté des forces de l’ordre.
[4] Il avait été condamné à 5 ans de prison. Il n’est pas renvoyé en Autriche comme le prévoit la loi. Il est interdit de séjour en Prusse jusqu’en 1928.
[5] Hermann Muller (1876-1931), journaliste membre du SPD. Signe le traité de Versailles.
[6] « Pas de cuirassé, mais à manger pour nos enfants » est le slogan des socio-démocrates
[7] En dépit de sa relative brièveté, ce serait le plus long gouvernement (sans modification de sa composition) de la République de Weimar (?).
[8] Heinrich Brüning (1885-1970), président du groupe centriste (Zentrum) est chancelier du 30 mars 1930 au 30 mai 1932. Face à la crise économique, il mène une politique déflationniste qui aggrave la situation des travailleurs et les pousse dans les bras du NSDAP. En 1934, il s’exile aux Etats-Unis où il enseigne l’économie (Harvard).
[9] Ces décrets présidentiels, ou ordonnances, sont prévus par la constitution de Weimar. Le maréchal Hindenburg est porté à la présidence de l’Etat en 1925. C’est un républicain de façade. Son souhait est d’instaurer un gouvernement autoritaire, reposant sur l’élite conservatrice et qui n’aurait pas de comptes à rendre au Parlement et notamment aux socio-démocrates.
[10] Les SA (Sturmabteilungou section d’assaut) est une milice paramilitaire du parti NSDAP créé par Hitler dès 1921. Commandée par Hermann Göring la SA compte 6.000 membres en 1922, principalement en Bavière. Après le putsch raté de Munich (9 novembre 1922), la SA est dissoute, mais rapidement reconstituée dès la libération de Hitler. La SA a pour mission de perturber les réunions politiques des adversaires de Hitler, principalement les communistes, et de terroriser ses opposants. En 1930, le capitaine Röhm, compagnon de Hitler des premiers temps mais exilé en Bolivie après le putsch de Munich, prend la direction de la SA. Il en fait une organisation couvrant tout le territoire allemand, disciplinée, et comptant 400.000 hommes en 1932 et près de 3 millions au début de 1934. C’est « l’armée brune », un Etat dans l’Etat. En toutes occasions la SA parade dans les rues des grandes villes pour montrer la puissance du parti. Après la nuit des longs couteaux (29 juin 1934), la SA décapitée ne joue plus de rôle politique. C’est une institution qui encadre les activités sociales du parti. Nombre de ses membres sont incorporés dans la Wehrmacht. Au Procès de Nuremberg, la SA n’est pas considérée comme une institution criminelle comme la SS.
[11] La SS Schutzstafel (escadron de protection) est créée par Hitler en 1925 pour assurer sa protection. C’est une très petite organisation. En 1928, la SS ne compte que 280 hommes. Elle est strictement subordonnée à la SA. En janvier 1929 Himmler est nommé à la tête de la SS. Devant les tentatives de rébellion de la SA, Hitler accorde de plus en plus sa confiance à la SS. Fin 1931, la SS compte 15.000 membres. L’aryanité des membres est vérifiée. En août 1931 Heydrich crée le SD (service de renseignement) qui joue le rôle de police parallèle du parti au service de ses dirigeants. Il s’agit notamment de contrôler les chefs locaux du parti. A partir de 1932, les SS portent un uniforme noir dessiné par Hugo Boss. En 1933, Himmler crée le camp de concentration de Dachau où sont détenus les opposants au régime. En 1934, la SS est l’organisateur de la Nuit des Longs Couteaux(voir note n° 10) qui marque la disparition de la SA comme force politique et centre d’opposition à Hitler.
[12] Franz von Papen (1879-1969) est officier diplomate. Membre de droite du parti catholique Zentrum, il dirige en 1932 ungouvernement conservateur. Après la nuit des longs couteaux où il faillit être liquidé, Papen poursuit une carrière d’ambassadeur à Vienne puis à Ankara. Il est acquitté au tribunal de Nuremberg.
L’idéologie nazie.
C’est une idéologie raciste et hégémoniste.
La race aryenne est supérieure. Elle doit dominer le monde. LesAllemands (Germains) en sont les représentants, en Europe à tout le moins.
Il leur appartient de dominer l’Europe.
Mais la race aryenne est menacée par des « contaminations » ; en premier lieu par les Juifs. Ils doivent disparaitre.
L’«agenda » - ce qui est à faire en latin – est clair :
- Prendre le pouvoir.
- Exercer le pouvoir sans entraves domestiques. Donc éradiquer toutes les oppositions réelles ou supposées.
- Mettre en place un Etat souverain – débarrassé des chaines imposées par le Traité de Versailles – et fort, c'est-à-dire en mesure de se défendre voire d’imposer son point de vue ou ses aspirations par la force.
- La force de l’Etat repose sur l’unité des individus qui le compose. Tout sera mis en œuvre pour créer un homme nouveau, le parfait nazi, vigoureux, discipliné, loyal au Führer, entrainé à faire prévaloir l’intérêt du groupe avant l’intérêt personnel, préparé à son inévitable métier de soldat, mais aussi reconnaissant pour ce que la collectivité fait pour son épanouissement (sports, loisirs, conditions de travail).
- L’économie sera dirigée en fonction des priorités de l’Etat. Un des objectifs est d’assurer une autonomie par rapport à l’étranger (autarcie)
- Les résidents susceptibles de nuire à la qualité de la population d’origine aryenne seront éliminés.
- Dès que les conditions de succès seront réunies, la conquête d’un espace vital (Lebensraum) adapté à 65 millions d’allemands sera engagée
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