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L'épopée de Jeanne d'Arc en cartes postales, une magnifique conférence de Jenry Camus
Jenry Camus a présenté une superbe conférence sur l'épopée de Jeanne d'Arc en cartes postales devant un public passionné, venu très nombreux l'écouter.
Il a eu l'extrême gentillesse de me donner le texte de sa conférence et les photos de ses cartes postales.
Le texte était très important, je n'en ai retenu que les grandes lignes, et j'ai choisi quelques cartes postales seulement parmi les centaines présentées. L'article aurait été beaucoup trop long pour l'éditeur ...
Si vous n'êtes pas venu, vous avez eu tort, cette conférence était passionnante et très originale !
Ecoutons donc Jenry :
Jeanne d’Arc est un des grands personnages de l’Histoire de France. Une vie très courte : 1412-1431, morte à 19 ans. Une extraordinaire épopée de 3 années de 1428 à 1431 de Domremy à Rouen que je vais vous présenter à travers les cartes postales. J’y ajouterai une seconde partie : le mythe, un engouement national après la béatification de Jeanne d’Arc, le 18 avril 1909.
J’espère que cette découverte de l’épopée de Jeanne d’Arc et des villes johanniques à travers les cartes postales va vous intéresser. C’est un choix, pas évident, parmi les 5000 cartes de ma collection.
Vous verrez beaucoup de cartes anciennes. Car aujourd’hui, la carte postale n’est éditée que pour les villes ou des sites classés. Elle s’intéresse beaucoup plus au tourisme qu’à l’histoire et sans carte ancienne, cette conférence serait impossible à réaliser.
L'épopée de Jeanne d'Arc
La grande pitié du royaume de France est due à la guerre dite de cent ans (1338-1443), une guerre opposant les français aux anglais et à leurs alliés bourguignons. Je ne vais pas ici faire l’historique de cette guerre.
Disons qu’au moment de la naissance de Jeanne d’Arc, en 1412, le roi de France Charles VI est fou (il mourra en 1422) et Armagnacs et Bourguignons se partagent le pouvoir. Un trône que réclame également le nouveau roi d’Angleterre Henri V (1413) qui écrase l’armée française à Azincourt, le 25 octobre 1415.
Le Dauphin Charles se réfugie à Bourges et, en 1419, il fait assassiner le duc de Bourgogne Jean sans Peur. Son fils Philippe le Bon s’allie aux Anglais.
En 1420, par le honteux traité de Troyes, Isabeau de Bavière, épouse du roi fou, offre sa fille Catherine en mariage au roi d’Angleterre et le reconnaît régent de France.
En 1422, Charles VI et Henri V meurent. Le duc de Bourgogne refuse le trône et marie sa sœur Anne au Duc de Bedford qui devient régent de France.
Les Anglais sont en Guyenne, Normandie et Ile de France. Ils se partagent la Picardie et la Champagne avec les Bourguignons, qui eux-mêmes possèdent la Bourgogne, la Picardie, les Flandres et le Brabant. Le reste de la France (excepté la Bretagne) est pour le Dauphin Charles. En réalité le Dauphin est roi de Bourges (Sologne, Berry et Tourangeau) et en 1428, les anglais assiègent Orléans, porte vers les provinces fidèles au Dauphin.
Et là, un petit village…
Domremy : Là où tout a commencé
Village du Barrois mouvant à la frontière de la France et de la Lorraine, coupé en deux par la Meuse. En terre anglo-bourguignonne d’une part et dépendant de Vaucouleurs, place-forte fidèle au Dauphin.
Voici la maison natale de Jeanne d’Arc, l'église paroissiale et la basilique de Bois Chenu
« Quand j’eus l’âge d’environ 13 ans, j’eus une voix de Dieu pour m’aider à me gouverner. Et la première fois j’eus grand peur. Et vint cette voix environ l’heure de midi, au temps de l’été, dans le jardin de mon père.
Il me semblait que c’était une digne voix et je crois que cette voix était envoyée par Dieu. Lorsque j’eus oui par trois fois cette voix, je connus que c’était la voix d’un ange. Cette voix m’a toujours bien gardée et je comprenais bien cette voix.
Elle m’enseigna à bien me conduire, à fréquenter l’église. La voix me disait encore que je lèverais le siège mis devant Orléans.»
Jeanne entendra les voix de Saint Michel, Sainte Catherine et Sainte Marguerite jusqu’en 1428. Jeanne deviendra de plus en plus pieuse, ce qui lui attire beaucoup de moqueries de ses proches.
Le départ de Vaucouleurs
La date de départ de Jeanne de Vaucouleurs a été discutée par les historiens. Aujourd’hui on s’accorde pour dire que C’est le dimanche des Bures, premier dimanche de carême, le 12 février 1429.
Elle franchit la porte de France avec son escorte composée de Jean de Metz, Bertrand de Poulengy et leurs écuyers, de Colet de Vienne, messager royal et l’archer Richard.
De Vaucouleurs à Chinon
500 kms en 11 jours du 12 au 23 février 1429.
50 kms par jour (c’est l’hiver et il faut éviter les rencontres avec les anglo-bourguignons)
St Urbain – Clairvaux – Pothières – Auxerre – Mézilles – Gien – Salbris – Romorantin – Saint Aignan – Sainte Catherine de Fierbois - Chinon
Chinon
Jeanne arrive à Chinon le 23 février. Le Dauphin la fera attendre 2 jours avant de la recevoir
Dans cette imposante forteresse, il reste la cheminée devant laquelle la rencontre eut lieu. Des travaux importants ont permis de restaurer et couvrir les logis royaux.
L’entrevue avec le Dauphin
Cette entrevue a fait couler beaucoup d’encre :
-Le Dauphin caché parmi 300 chevaliers est reconnu par Jeanne
-Qu’a dit Jeanne en aparté au Dauphin (Ni Jeanne ni Charles VII ne le diront)
L’interrogatoire
Interrogatoire par les maître en théologie qui dura 3 semaines et qui ne trouvèrent que bien, humilité, virginité, dévotion, honnêteté, simplicité.
Malheureusement le compte-rendu de ce procès n’existe plus.
Parallèlement Jeanne de Preuilly et Jeanne de Mortemer vérifièrent que Jeanne n’était pas un garçon et était bien pucelle.
Blois
Le Dauphin va doter Jeanne d’une maison militaire. Un intendant Jean d’Aulon. 2 pages Louis de Coutes et un certain Raymond. 2 hérauts, Ambleville et Guyenne,. Un clerc comptable Mathelin Raoulet. Un aumonier Jean Pasquerel et quelques lances. Ses frères Pierre et Jean, Jean de Metz et Bertrand de Poulengy.
C’est à Blois que l’armée se réunit avant de partir pour Orléans.
De Blois à Orléans
L’armée quitte Blois pour Orléans le 28 avril 1429. Cette armée que Jeanne conduit est en fait commandée par le Duc d’Alençon. Elle est constituée de 450 hommes.
Orléans est libéré, Jeanne est entrée de plein pied dans l’Histoire de France. Et Orléans n’oubliera pas.
Elle livrera trois autres batailles : Jargeau, Meung et Beaugency
Le Sacre
De Henri 1er en 1027 à Charles X en 1825, tous les souverains ont été sacrés à Reims sauf Louis VI le Gros et Henri IV.
Le Dauphin, qui a passé la nuit en prières dans la cathédrale, prête serment de protéger la France.
L’archevêque dit la messe et bénit insignes et vêtements royaux. Plus ou moins confectionnés dans la nuit car le sceptre, l’anneau, la main de justice, le manteau sont à Saint-Denis en terre anglaise.
Le roi est oint avec un peu de liquide de la sainte ampoule (gardée en l’église Saint Rémi de Reims), reçoit la tunique et la couronne royale et monte sur le trône acclamé par le peuple.
Tous les grands du royaume sont présents à l’exception du duc de Bourgogne, de l’évêque de Beauvais Pierre Cauchon et de la reine Marie d’Anjou, laissée à Bourges vu les dangers du voyage. Richemont n’a pas été invité.
Jeanne au sacre
Jeanne assiste à la cérémonie brandissant son étendard « Il avait été à la peine, c’était raison qu’il fût à l’honneur »
Le célèbre tableau de Jean-Auguste Ingres (1780-1817) qui est au musée du Louvre représente cette scène (cheveux longs de Jeanne et jupette sont fantaisistes)
Après le sacre, Jeanne n’a qu’un but, conduire le roi à Paris, ville toujours aux mains des anglais.
Plusieurs villes bourguignonnes (Château-Thierry, Crécy, Soissons, Provins) ont ouvert leurs portes au roi qui, à l’insu de Jeanne, négocie une trêve 15 jours avec le duc de Bourgogne.
Le 15 août, les armées françaises (6000 hommes) et anglaises (8000 hommrs) sont face à face à Montepilloy près de Senlis. On s’observe, on s’invective toute la journée et on se retire sans combattre.
Charles VII signe une nouvelle trêve de 4 mois avec les bourguignons, laissant Jeanne et le duc d’Alençon mettre le siège devant Paris
Début avril, Jeanne quitte Sully avec son frère Pierre, Jean d’Aulon et une troupe de piémontais dirigée par le routier Barthélemy Beretta. La Hire et Xaintrailles la rejoindront et c’est une troupe d’environ 1000 hommes qui pénètre dans Compiègne le 23 mai.
Jeanne prise devant Compiègne
Le 24 mai, Jeanne sort de la ville richement habillée. Elle porte sur son armure une huque (manteau) de drap d’or vermeil. Elle est accompagnée par XaintRailles et 500 hommes
A Margny-les-Compiègne, la troupe rencontre les Bourguignons de Baudot de Noyelle. Le combat à peine commencé, arrivent d’autres Bourguignons commandés par Jean de Luxembourg. Les Français commencent prudemment la retraite, mais trouvent les portes de Compiègne fermées (Guillaume de Flavy, défenseur de la ville les a-t-il trahi ?). Un archer réussit à désarçonner Jeanne et c’est un Picard, le bâtard de Wandonne, qui reçoit sa reddition.
Jeanne prisonnière
Jeanne est conduite à Margny sous bonne garde. Quelle belle prise pour les Bourguignons. Et le soir même, Jeanne est présentée au Duc de Bourgogne Philippe le Bon. (Tableau du peintre bourguignon de Noyers, Isidore Patrois 1815-1884)
Charles VII, très tôt prévenu, ne bougera pas et n’offrira aucune rançon comme il était de coutume en pareil cas.
De Compiègne à Rouen
Le 26 mai, Jeanne est transférée au château de Beaulieu-les-Fontaines (Oise).
Elle réussira à enfermer ses geoliers dans une tour mais sera rattrapée dans sa fuite par le portier.
Le procès d’office (9 janvier-26 mars) l’instruction du procès avec enquêtes et interrogatoires. Jeanne se défend avec clarté et habilité faisant l’admiration de la plupart des juges. Les résultats sont favorables à Jeanne (on ne peut lui reprocher que de porter un habit d’homme) mais Cauchon n’en tient pas compte.
Le procès ordinaire (27 mars-24 mai) 70 articles ont été tirés des réponses de Jeanne et déformés. Cela devient 70 accusations que Jeanne nie.
Après délibération des docteurs, les 70 articles sont réduits à 12 et forment la sentence. Le renoncement à l’habit d’homme devient l’essentiel.
Au mois d’avril, Jeanne tombe malade. Panique si elle meurt. Le médecin de la duchesse de Bedford la soigne.
Le 9 mai, Jeanne est menacée de torture suivant la procédure de l’inquisition. Heureusement elle ne le sera pas.
L'abjuration et la condamnation.
Le 24 mai, au cimetière de Saint-Ouen, en public et devant le bûcher, on lui demande de ne plus porter l’habit d’homme. Elle demande l’intervention du pape, ce qui devrait conduire le procès à Rome. Cauchon n’en tient pas compte.
Jeanne, affolée devant le bûcher, abjure, c’est-à-dire qu’elle reconnaît ses fautes et accepte de reprendre des habits féminins.
C’est une condamnation à la prison d’église à vie. Ce qui n’arrange ni les anglais ni Cauchon
Le 28 mai, le tribunal constate que Jeanne a remis ses habits d’homme (les geôliers y sont pour quelque chose) . Elle est déclarée relapse, c’est-à-dire retombée dans l’hérésie.
Le 29 mai, sur 39 juges, seuls 3 la déclarent hérétiques, mais Cauchon passe outre et prononce la sentence la déclarant hérétique, l’excommuniant et la condamnant à mort.
Le tableau la conduite au supplice est du même artiste Isidore Patrois
Jeanne brûlée vive
Le 30 mai, Jeanne est brûlée vive sur la place du Vieux Marché. Le bourreau Margier Leparmentier déclarera qu’elle a crié six fois Jésus et jettera son cœur dans la Seine.
Le mythe de Jeanne d'Arc
Jeanne d’Arc est morte brûlée vive le 30 mai 1431, condamnée comme hérétique. Elle sera réhabilitée après un nouveau procès qui dura du 7 novembre 1455 au 7 juillet 1456. Ensuite, c’est l’oubli jusqu’en 1841 (la Jeanne d’Arc de Michelet) et surtout la publication par Jules Quicherat des deux procès en latin d’après les manuscrits de la BN.
Jeanne est redécouverte. Avec les malheurs du temps, la guerre perdue de 1870-71, l’Alsace et la Lorraine rendue à l’Allemagne, Jeanne devient la bonne Lorraine, née française, symbole du peuple écrasé. La plupart des statues sont érigées dans les villes johanniques avant 1900.
La béatification 18 avril 1909
C’est Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, qui le 8 mai 1869, évoque pour la première fois la sainteté de Jeanne. Il va s’en suivre une série de procès apostoliques et ce n’est que le 18 avril 1909 que Jeanne sera proclamée bienheureuse par le pape Pie X.
La canonisation
Il faudra encore attendre 11 années avant que Jeanne soit canonisée par le pape Benoît XV, le 16 mai 1920 et que la chambre des députés adopte le projet de Maurice Barrès (24 juin 1920) d’instituer une fête nationale de Jeanne d’Arc
Les fêtes de Jeanne d’Arc
La béatification de Jeanne d’Arc entraîna, dans toute la France, bon nombre de manifestations religieuses. La carte postale se fit le témoin de ces fêtes, présentant des intérieurs d’église pavoisés.
Il existe des cartes postales de ces fêtes religieuses dans presque tous les départements. Il faut dire que les années 1900 à 1930 sont la grande époque de la carte postale. On photographie les villes et villages avec les habitants, les évènements. Une mine pour l’histoire de notre pays et le bonheur des collectionneurs.
Les fêtes à Orléans
Bien entendu, c’est à Orléans que Jeanne d’Arc est la plus fêtée. Ce n’est plus une fête unique, mais une manifestation populaire qui se répète tous les ans au mois de mai en présence d’une personnalité. Doumergue fut le premier président en 1929. Une jeune fille de la bonne société bourgeoise et catholique tient le rôle de Jeanne d’Arc et défile dans la ville avec son escorte suivie de toutes les autorités et associations orléanaises.
Le Théâtre de la Passion
Jeanne d’Arc a une belle carrière théâtrale. Du Mystère du siège d’Orléans, pièce de 20529 vers écrite en 1435 à l’Alouette d’Anouilh en 1953, on compte des centaines de pièces. Les plus célèbres, la Pucelle d’Orléans de Schiller (1801), le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc de Péguy (1910), Sainte Jeanne de Bernard Shaw (1923), la Pucelle d’Audiberti (1950). De nos jours, on écrit encore. Plus de 20 pièces depuis 1945.
Partout en France, Jeanne est à l’honneur. Des pièces souvent écrites par des ecclésiastiques sont jouées dans des théâtres mais aussi dans les maisons d’éducation pour jeunes gens et jeunes filles et les patronages, comme ici à Bézouotte (Côte d'Or)...
De nombreux sculpteurs ont choisi Jeanne comme modèle .
Jeanne d’Arc, bien malgré elle, a fait l’objet de luttes politiques, anarchistes, cléricales. Exemples, ces cartes postales reprenant des tracts de la Fédération nationale des libres penseurs ou des Francs Maçons.
Pendant la grande Guerre elle fut associée aux combats .
Vous pourrez voir d'autres cartes postales 14-18 que m'a confiées Jenry Camus ici :
http://www.christaldesaintmarc.com/jeanne-d-arc-et-la-grande-guerre-a113154620
Jeanne d'Arc au cinéma
Publicité et érotisme
Jeanne est devenue un argument commercial (fromages, chocolat, gâteaux, café, etc) comme ce savon de Marseille.
Et de nos jours, il fallait bien voir une Jeanne érotique !
Les temps n’ont guère changé et notre président attend peut-être une nouvelle Jeanne d’Arc qui lui dira : Ah ! Messire, c’est grande pitié des choses en France.
à Jenry pour cette magnifique conférence, si bien illustrée, qui nous a permis de nous remémorer l'histoire de notre "Bonne Lorraine". Beaucoup d'applaudissements ont salué le conférencier, et c'était bien mérité.
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Commentaires
Heureusement des gens passionnés comme toi nous permettent de vivre cette conférence "à distance". J'ai entendu dire que les deux grandes guerres mondiales ne seraient plus enseignées dans les lycées, qu'en sera t il alors de la vie de cette grande Jeanne ?
4JenryMercredi 19 Novembre 2014 à 11:23Merci Christiane pour cet excellent résumé de ma conférence. Jeanne d'Arc est un des grands personnages de l'histoire de France que j'étudie avec passion depuis plus de 30 ans. Et c'est toujours un grand plaisir pour moi que de faire partager mon affection pour la Pucelle d'Orléans d'une façon que j'espère originale par le biais des cartes postales.
3Henri GRUETVendredi 14 Novembre 2014 à 10:15Hélas demeurant à Blois Loir et Cher et de santé précaire je ne peux suivre que sur le Blog de Christal et les amis du Chatillonnais !
2JenryJeudi 13 Novembre 2014 à 16:22Il peut faire beau, il peut pleuvoir
Il peut faire doux, il peut faire froid
En tout cas, je serai samedi à 14h30 à la Salle des Conférences de Châtillon.
Je vous y attend avec Jeanne d'Arc.
Ce ne sont pas des voix, c'est la réalité.
1Henri GRUETJeudi 13 Novembre 2014 à 09:28
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Bonjour,
Article passionnant. Merci à vous pour votre blog. Il est vivant, documenté, passionné. Je me régale de promenades virtuelles, par vos textes et vos photos, dans cette belle Bourgogne qui me manque tant.
Bravo et bonne continuation.